Gaming

Prey rend hommage aux FPS cultes des années 2000 – et défonce tout

Tous les joueurs ont des souvenirs vidéoludiques qui resteront gravés à jamais dans leur esprit – que ce soit la fin de Metal Gear Solid 2 ou celle de The Last of Us. Pour ma part, je me souviendrai toujours des premières minutes d’Half-Life où Gordon Freeman, alors livré à lui-même dans le complexe de Black Mesa, attrape un pied-de-biche et passe alors de scientifique lambda à machine de guerre. Ayant pu récemment jouer à Prey plusieurs heures – la première heure du jeu puis une phase plus avancée – dans les locaux de Bethesda, j’ai pu ressentir la même excitation lorsque mon personnage s’est emparé d’une grosse clé à molette qui traînait le long d’un corps sans vie pour s’en servir comme arme. Un clin d’œil évidemment volontaire dans un jeu qui multiplie les rappels aux grands FPS cultes des années 2000.

Prey est le nouveau bijou d’Arkane Studios, à l’origine des Dishonored et bien sûr de Dark Messiah of Might and Magic. Si le studio était habitué aux ambiances plutôt médiévales et fantastiques, Prey tire un trait sur tout ça. Dans Prey, le joueur incarne Morgan Yu, un type qui se réveille en 2032 dans sa chambre après avoir décroché un job bien payé dans une multinationale scientifique. Sans spoiler, il va rapidement se rendre compte qu’il se trouve en fait à bord de la station spatiale Talos-I, alors en orbite autour de la Lune. Il s’avère être le sujet clé d’une expérience mystérieuse censée altérer l’humanité tout entière. Bien évidemment, la situation va rapidement devenir incontrôlable puisque vous allez vous retrouver seul à combattre une invasion extraterrestre de Typhons – des monstres sordides – tout en faisant face à d’obscurs secrets scientifiques liés au transhumanisme. Si le pitch de départ peut sembler dénué de suspens, ne vous y fiez pas.

Videos by VICE

La station Talos-1. Toutes les images sont publiées avec l'autorisation de Bethesda.

La station Talos-I. Toutes les images sont publiées avec l’autorisation de Bethesda.

Là où Prey rappelle certains chefs-d’œuvre des années 2000, c’est d’abord et avant tout dans son aspect parfois ultra scripté – que je bénis, à titre très personnel. Si la mode est aux open world et aux jeux bac à sable où toute forme de linéarité doit être proscrite – souvent au détriment du scénario –, Prey propose dès les premiers instants du jeu de longues minutes où vos possibilités seront réduites au minimum. Vous devrez suivre des scientifiques qui vous expliquent qu’ils doivent procéder à des tests car vous êtes « spécial ». Cela rappelle évidemment le début d’un Half-Life, Bioshock ou encore Deus Ex. Le calme de la situation et des PNJ présents est une manière de placer le joueur dans une situation de confort tout en créant un cadre narratif et visuel prenant, avant d’être bien sûr lâché dans un puits d’horreur et de stress dantesque. La narration vous suit tout au long du jeu : quelqu’un vous parle à la radio, un personnage inconnu essaye de communiquer avec vous depuis une salle de quarantaine, etc. Vous tomberez toujours sur des situations qui vous permettront de souffler quelques instants.

Néanmoins, ces épisodes scriptés ne vont pas gâcher l’exploration et la liberté, bien au contraire. Prey – comme ses ancêtres Dishonored – est un jeu où la narration et l’observation sont très importantes. Que ce soit des e-mails à consulter sur des ordinateurs – comme dans Deus Ex –, des notes personnelles qui traînent sur un coin de bureau ou encore des messages audio à écouter, il vous faudra enquêter pour comprendre ce qu’il se passe dans cette station, et surtout autour de votre personnage. Les passages scriptés ne feront finalement que renforcer l’ambiance pesante, tout en vous rappelant à quel point vous êtes seul sur cet immense paquebot spatial. Certains passages vous imposeront des choix cornéliens intéressants qu’il vous faudra bien peser. Si l’exploration sera partie prenante de l’aventure, la liberté d’action ne sera pas non plus altérée par cet aspect narratif et scripté de certaines phases. Vous pourrez la plupart du temps explorer Talos-I sans contrainte – pour peu que vous fassiez l’effort de chercher correctement – et le joueur est sans cesse encouragé à faire preuve de créativité en combinant des objets, des compétences ou des armes pour trépasser des situations les plus complexes. Enfin, comme à l’accoutumée chez Arkane, il vous sera possible de choisir un personnage masculin ou féminin sans que cela ait une incidence particulière sur le gameplay.

Si l’exploration et la narration semblent jusque-là exemplaires, c’est aussi grâce au cadre : la station Talos-I. Comme tout grand FPS, le lieu est presque un personnage du jeu à lui tout seul. Half-Life avait le complexe militaire Black Mesa puis la ville City 17, System Shock 2 avait le vaisseau Vaun Braun et Bioshock sa ville sous-marine de Rapture. Ici, Prey vous place donc dans la station Talos-I au style rétrofuturiste, quasiment déserte de toute vie humaine. Mais ce lieu immense regorge d’indices à découvrir. Rien n’est laissé au hasard et tout a une utilité dans les jeux d’Arkane. Si faire couler l’eau d’un robinet n’a à proprement parler aucune incidence sur la suite de l’histoire, cette action ne fera que renforcer la crédibilité du décor. Tout ce que vous trouverez participera à raconter un scénario parfaitement mené, proposant au joueur une expérience hors du temps. Si le jeu n’est pas un jeu d’horreur mais bien un titre purement science-fiction, certains lieux vous feront clairement suer le front. Les combats rapprochés avec ces immondes Typhons qui laisseront bon nombre de cadavres sur votre route ne vous laisseront pas indifférent.

Le style rétro futuriste de la station Talos-I.

Le style rétro futuriste de la station Talos-I.

L’aspect RPG du titre est lui aussi un clin d’œil évident aux FPS cultissimes – comme System Shock 2, sans doute trop avance sur son temps lors de sa sortie en 1999. Ici, le joueur progresse en améliorant ses compétences physiques et mentales grâce à des Neuromods, sorte de petits bidules qu’il faut se planter dans l’œil entre deux combats. Le transhumanisme est un domaine qui sera donc très présent dans Prey, tant dans le gameplay que dans le scénario. Il faudra bien évidemment survivre en lootant tout ce que vous pourrez trouver dans cette immense station afin de créer de nouveaux objets et débloquer de nouvelles compétences. Encore une fois, l’exploration et la patience seront capitales. 

Si chaque grande actrice ou acteur a sa réplique culte, chaque grand jeu a son objet mythique. À la manière d’un Half-Life qui proposait le mémorable « gravity gun », Prey propose quant à lui un « Gloo cannon ». Moins sexy en apparence, il s’agit d’un gros flingue multifonctions qui envoie une sorte de glu sur les ennemis pour les figer. Il peut aussi servir à construire un pont ou bloquer une porte. Ses utilisations sont multiples et cette volonté d’avoir un objet iconique s’intégrant parfaitement dans le jeu est un pilier des grands FPS. Ce culte de l’objet se traduit aussi parfaitement dans des mécaniques de gameplay où le joueur pourra se transformer en n’importe quel objet du jeu grâce à ces fameux Neuromods. Bien sûr, les typhons – les bêtes noires qui se baladent partout – pourront elles aussi le faire. Ainsi, une chaise du bureau ou une lampe de chevet pourront s’avérer être une créature ignoble, provoquant quelques jump scares.

Si la tendance est aux open world gigantesques où l’intrigue réside dans le fait de suivre une flèche jaune sur une carte, Prey a pourtant bien tout du grand FPS de science-fiction : un scénario captivant, une direction artistique maîtrisée, une ambiance sonore limitée à l’essentiel à la manière d’un Alien premier du nom et un gameplay parfaitement dosé entre libertés et phases scriptées – et surtout un gros flingue bizarre. Reste à connaître la réelle durée de vie du titre et si l’aventure s’avérera tout aussi passionnante du début à la fin.

Prey sera disponible le 5 mai sur PC, Playstation 4 et Xbox One.

Suivez Paul sur Twitter.