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Les interviews avec Hope Sandoval finissent mal, en général

Vous voulez réaliser le pire entretien de toute l'histoire du journalisme musical ? Pas de problèmes, la chanteuse de Mazzy Star et le batteur de My Bloody Valentine sont là pour ça.

Pigiste, c'est comme musicien, il faut parfois savoir composer. Particulièrement quand on hérite d'une mission compliquée, voire impossible à réaliser. Le challenge du jour consistait à faire parler Hope Sandoval, moitié féminine de Mazzy Star, groupe de dépressifs américains pour les dépressifs du monde entier qui connut son heure de gloire au début des années 90 avec l'album So Tonight That I Might See. Elle est aujourd'hui de retour avec Until The Hunter, troisième album de Hope Sandoval and The Warm Inventions, projet partagé avec Colm O'Ciosoig, batteur d'un autre vaisseau amiral de la décennie 90, My Bloody Valentine. Un groupe lui aussi peu réputé pour sa faconde. C'est dire si cette interview s'annonçait bien. Depuis ses débuts, Sandoval a en effet la réputation d'être peu bavarde, renfermée, voire carrément mutique quand on lui pose des questions trop personnelles. Une sorte de cliente idéale, mais à l'envers. Perdu pour perdu, autant y aller en mode kamikaze en faisant preuve de lèse-majesté, quitte à s'écraser lamentablement sur la piste. Noisey : Hope, il paraît que vous êtes pénible à interviewer. C'est vrai ou c'est une légende ?
Hope Sandoval : Que voulez-vous que je réponde ? Je n'ai aucun avis là-dessus.

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Colm O'Ciosoig : C'est vraiment une question bizarre pour démarrer une interview.

Depuis vos débuts avec Mazzy Star, acceptez-vous plus facilement le fait de devoir parler à des journalistes pour promouvoir un album ?
Hope : Quand j'ai débuté avec Mazzy Star, c'était la première fois qu'on me posait des questions. Parfois c'était des questions très personnelles, et ça pouvait être dérangeant, voire très compliqué pour moi. Beaucoup de temps s'est écoulé depuis, et la plupart des journalistes aujourd'hui savent aussi à quoi s'attendre avec moi, donc… C'est peut-être un peu plus simple.

Ça vous a valu une image très mystérieuse. Comment se déroule votre vie quotidienne quand vous n'enregistrez pas ?
Hope : Comme tout le monde. Je vis les choses de tous les jours…

Colm : Hope et moi on aime faire de la randonnée, par exemple. C'est de là que vient notre morceau « The Hiking Song ». On aime aussi faire du shopping, regarder la télé, écouter des disques, voir des amis, leur préparer des dîners. Une vie normale.

C'est votre troisième album sous l'étiquette Hope Sandoval and The Warm Inventions, mais le premier depuis 2009. C'est quoi, l'histoire ?
Hope : [Rires] L'histoire ? Visiblement, toi il t'en faudra une bonne pour écrire son article.

Colm : [tentant de rattraper le coup] Hope et moi on joue dans plusieurs groupes. On a été très occupés à tourner. Surtout moi, puisque j'ai tourné pendant presque 5 ans. C'est très dur de composer quand tu tournes. Et encore plus d'enregistrer bien sûr. On a cessé de faire des concerts vers 2013, et on a commencé à bosser sur le disque en 2014. Finalement, on n'a pas perdu tant de temps que ça.

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Hope : [Rires] : On ne partage pas du tout ta perception du temps. Notre musique n'est pas un job où on bosserait de 9h du matin à cinq heures du soir. C'est de la musique, ça vient quand ça vient. On ne s'est jamais dépêchés pour en faire et encore moins pour l'enregistrer.

OK. Colm, tu es aussi le batteur de My Bloody Valentine. Peut-on imaginer une future collaboration entre Kevin Shields et Hope ?
Hope : [ironique] Je n'y ai jamais vraiment pensé mais ça semble une très bonne idée, en effet.

Colm : [en rajoutant une couche] Peut-être que je peux te mettre en relation avec Kevin, Hope ? J'ai son contact.

Hope : Parfait, on va pouvoir commencer à bosser là-dessus, alors. Ce serait génial je trouve.

Ce nouvel album s'ouvre avec « Into The Trees », le titre le plus long de l'album (il dure plus de 9 minutes). Pourquoi ce choix assez radical ?
Colm : On ne vit définitivement pas dans le même monde que les autres. Pour nous, 9 minutes, c'est pas si long. Hope : Pourquoi se serait-on posé des questions là-dessus quand on a travaillé sur le tracklisting ? Tu sais, on vient de répondre à une interview il y a quelques minutes et le journaliste nous a posé la même question. Vous pensez tous de la même manière. Quel est le problème ?

Je suppose que c'est parce qu'on est journalistes. Alors on pose des questions pour essayer de comprendre.
Hope : C'est super. Quand je pose une question, tu as une réponse. Bien sûr. Et j'essaierai toujours d'avoir une réponse à vos questions. D'autres interrogations ?
Hope : Pas pour l'instant, non. Bien, alors je reprends. Est-ce que la musique répétitive vous intéresse ? Steve Reich, par exemple ?
Colm : Reich est déjà passé sur notre platine. J'aime sa musique mais on ne l'a pas jouée depuis très longtemps.

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Hope : Quel nom dis-tu ?

Steve Reich.
Hope : Est-il « dans les guitares » ? Non, plutôt « dans les claviers ».
Hope : Je crois que j'ai connu quelqu'un qui était complètement fasciné par sa musique. Ca ressemble à de la musique pour ascenseur ?

Pas vraiment, non. Je vous pose cette question sur la musique répétitive car les trois premières minutes de « Liquid Lady » m'y ont fait penser. Je me demandais donc si vous écoutiez ce genre de choses.
Hope : Probablement. Je veux dire, on aime la musique. Tout ce qui est bon est donc bienvenu.

Liz Fraser des Cocteau Twins également, je suppose. Votre voix m'y a souvent fait penser.
Hope : On écoute tout le temps Liz. On l'adore. Elle nous obsède. On passe tout le temps les Cocteau Twins chez nous et on l'a toujours fait. On voudrait l'entendre plus souvent. J'ai fait une tournée américaine avec eux. Ça a été une des expériences les plus magnifiques de ma vie. Après chacun de nos concerts, je n'avais qu'une envie. Prendre un verre de vin, me poser et écouter leur set. C'était magnifique et j'ai eu énormément de chance de pouvoir vivre ça.

Comme celle des Cocteau Twins, la musique sur laquelle tu poses ta voix a toujours été très riche en réverbération.
Hope : On adore ça c'est vrai.

Colm : On a enregistré dans des grandes pièces, avec une réverbération naturelle. C'était assez dingue, on n'a presque pas eu besoin d'en ajouter. Beaucoup de musiciens aiment les choses assez sèches, neutres. Ce n'est pas notre cas. Hope dans Mazzy Star, par exemple, c'est énormément de réverbération.

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Hope : Oui, mon goût pour la réverb' vient probablement de là. En fait, non, ça vient d'ailleurs. Mon premier album avec Going Home, mon tout premier groupe, avait été produit par David [Roback, l'autre membre du duo Mazzy Star], et il avait décidé de noyer ma voix dans la réverb. Je suis devenu accro à ce truc, et quand on a commencé Mazzy Star, on a continué à l'utiliser sur ma voix.

Et vous n'avez jamais cessé de l'utiliser depuis.
Hope : Ce n'est pas complètement vrai. Massive Attack n'a pas utilisé de reverb' sur ma voix pour « Paradise Circus ». Même si je pense qu'ils auraient dû parce que ça aurait vraiment mieux sonné. Mais ils ne l'ont pas fait. Pareil pour les Chemical Brothers, ils n'avaient pas ajouté d'effet sur ma voix. Ils voulaient qu'elle soit le plus proche possible de la réalité. Alors que ce que j'aime, c'est qu'elle évoque la fantaisie, le rêve.

Peut-être que c'est parce que vous n'aimez pas trop votre voix ?
Hope :  Je l'aime beaucoup avec de la reverb'. Sans, ça va, mais je la trouve un peu plate. Vous me disiez tout à l'heure que vous écoutiez énormément de musique.
Hope : J'écoute beaucoup Erykah Badu. Je l'adore, sa musique est vraiment très surprenante. Nous avons aussi beaucoup écouté Beach House pendant les deux dernières années. Et Connan Mockasin, qu'on a vu en concert récemment à l'Independent de San Francisco.

Pas très surprenant que vous aimiez Beach House ou Connan Mockasin, finalement. Leur musique contient aussi beaucoup de réverb'.
Hope : C'est vrai, tu as raison. Ils font ce qu'on fait depuis des années finalement.

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Pouvez-vous m'en dire plus sur votre goût prononcé pour la pedal steel ? On en trouve un peu partout dans votre discographie et sur votre nouvel album. Sur « Day Disguise », par exemple.
Hope : Je n'y peux rien, c'est ce que jouent les musiciens avec lesquels j'ai travaillé. Je n'arrive pas en disant « hey, les gars, jouez de la slide guitar et de la pedal steel. Ils jouent ce qu'ils veulent bien sûr, et parfois, ils jouent de la pedal steel. Vous avez de nouveaux projets avec Mazzy Star ou c'est terminé ?
Hope : Non, c'est loin d'être terminé. Pour l'instant je suis concentré sur cette sortie de Warm Inventions et je ne pense qu'à ça. On verra la suite plus tard.

Et toi, Colm, qu'en est-il de la suite avec My Bloody Valentine ? Le dernier album du groupe a été une véritable arlésienne du rock pendant plus de 20 ans. Où en êtes-vous ?
Colm : J'espère que notre prochain album sortira assez rapidement. On bosse dessus en tout cas. En tout cas, il sortira plus rapidement que le précédent, c'est évident [Rires]. Jouer dans différents groupes n'est pas toujours simple, même si de plus en plus de gens le font. Ce qui est cool par contre, c'est qu'on est toujours très occupés. Hope aussi. Bizarrement, on l'est même beaucoup plus qu'il y a dix ans. On a beaucoup plus produit de musique depuis 10 ans que dans les 15 années précédentes.

Au fait, le communiqué de presse que j'ai reçu classe votre musique sous l'étiquette d'indie pop.
Colm : Et alors ? C'est quoi l'indie pop pour toi ?

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Hope : Oui, comment décrirais-tu l'indie pop ?

Quelque chose de fade et chiant. Votre album évoque davantage une B.O. de western moderne un peu tordu.
Colm : De la musique des années 40 ? Mais ce n'est pas vraiment ce qu'on fait.

Je crois que la plupart des westerns se déroulaient un poil avant les années 40, mais c'est vous qui voyez. Vous, si vous deviez décrire votre musique à des amis, que diriez-vous ?Hope : On n'a pas d'amis et on n'en aura jamais.

C'est vrai ce que vous disiez tout à l'heure, Hope, vous êtes plus à l'aise en interview.
Hope : Nous ne pouvons pas décrire notre musique.

Colm : Non. Et puis j'aime beaucoup les animaux égarés, alors on va te laisser te laisser là [il raccroche].

Ivre, Albert Potiron erre sur Twitter​.