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Music

Le label Cabana Music a signé les pochettes les plus folles des années 80

De Dee Nasty à l'orchestre de bal du canton, petit précis de graphisme sous l'ère Mitterrand.

« Pour 10 000 francs, Cabana Music vous propose le pressage de 1000 disques avec pochette et mastering. » C'est l'annonce que vous pouviez lire dans Rock & Folk en juin 1981, date de création de ce label/boîte de pressage du côté de Maisons Alfort, dans le Val de Marne. Durant l'ensemble de la décennie, cette société plus ou moins opaque a publié une grosse centaine de disques, chiffre sûrement en dessous de la vérité car il en reste un bon nombre dans la nature qui n'ont jamais été répertoriés par les brigades de Discogs. Cabana servait souvent d'intermédiaire et ne participait pas directement à la conception du dit-disque, qui sortait souvent sur d'autres labels tout aussi fantomatiques. Mais ils permettaient à des « artistes » sans structure d'obtenir leur produit fini (souvent en noir et blanc, oui, bien moins cher). Punk ? Ouais, même s'il fallait quand même les sortir les 20 Pascals. Ne comptez choper d'infos exactes sur les exemplaires imprimés et vendus, mais sachez que leur discographie a couvert tous les champs culturels français des années Mitterrand ; de la oi! au rap, du funk au hard, de l'accordéon à la cold-wave, du disque collectif au hit de miss.

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Qu'est ce qui sépare Cabana d'un autre générateur d'« horreurs musicales » me direz-vous ? Et bien ce sont eux qui ont publié le premier album de rap français jamais sorti, Paname City Rappin' de Dee Nasty, dont l'anecdote entretient la légende depuis 30 ans :

« Cabana était une structure qui faisait autant les orchestres de bal, que n'importe qui qui voulait avoir son produit clé en main. Donc je suis passé par là aussi, et je ne le regrette pas. J'aurais jamais su me démerder tout seul pour tout faire séparément. C'était le premier disque de rap qu'ils sortaient, ils m'ont souhaité bon courage, et voilà. (…) Malheureusement, le disque a brûlé dans la maison de mes parents… Il en restait 500 sur les 1000 que j'avais pressés. C'est pour ça qu'il vaut aussi cher aujourd'hui. (…) Y'a eu zéro diffusion à l'époque. Le seul endroit où il était trouvable, c'était chez Crocodisc, je leur achetais tellement de disques qu'on était devenus liés et quand j'ai sorti mon album, je leur ai demandé de le prendre en dépôt-vente. C'était le distributeur officiel du disque. Et au moment de leur filer tout le stock qu'il me restait, le grenier de mes parents a cramé… Il me reste deux copies, c'est tout ce que j'ai. »

Et c'est précisément le disque de Dee Nasty qu'on aurait le plus aimé retrouver aujourd'hui, même si comme vous allez le voir plus bas, les vertus artistiques de bon nombre de 45 tours estampillés Cabana méritent amplement le détour.

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LA GRIFFE HARD-ROCK
« Pas sûr qu'on comprenne bien le nom du groupe et à quel point on est heavy, tu peux  rajouter une typo dégoulinante ? » Jamais peur d'être lourds, c'est ce qui fait le charme du hard-rock français, et d'un groupe comme Katraz qui n'hésite pas non plus à intituler tout simplement son single de 1987, Hard-rock.

LE DISQUE DE VIEUX
Le one-shot du troisième âge, un coup marketing qui ne fonctionne plus trop aujourd'hui, les vieux n'intéressant plus grand monde. Ne comptez cependant pas sur nous pour des remarques désobligeantes sur les ieuv, nous ne sommes ni sur Bide & Musique ni sur Brain Magazine, mais pointons les faits. Et sachons repérer les impostures, comme Singar Blou, qui n'est pas un crooner corrézien mais un groupe de « pequenaud-rock ». « Cordialement, votre Manolito »

L'ADAPTATION FRANÇAISE
Tôle ondulée, néon blafard, nom commençant par un V pour être rangé juste derrière Visage : rien de nouveau sous la Lune, on est d'accord. Mais il n'y a rien qui vous choque ? Ce « Charlotte parfois » ne vous rappelle par une traduction littérale d'un classique d'outre-manche ? La cold-wave française nous cache encore bien des secrets.

LE TOUT-SINCÈRE
Le désespoir sous tous les angles avec Alain Lepelve, qui ne se rebaptisera pas Allan Dickson pour sortir son disque, et qui ne changera pas le pull qu'il enfile tous les jours avant de se rendre au bureau, car il a opté pour le tout-sincère. Pareil pour Didier « tiens j'ai une photo de moi dans l'escalier chez mon frère, ça peut servir » Dilemme, qui pour le coup ne s'en pose aucun d'un point de vue artistique et qui, après une face A glaçante (« J'suis tout seul ») a baptisé sa face B « Je tues il quand nous vous aime ». Paf. Envoyez c'est pesé.

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LE DISQUE COLLECTIF
Grand poncif de la décennie 80, qui rivalise par ses graphismes toujours bluffants, le single associatif, caritatif, collectif et autres trucs en -if. Celui-ci a été réalisé en 1988, sur le premier ordinateur du CDI du collège de Caumont l'Eventé, bourgade de 1300 habitants du Calvados. Et tenez vous bien, il y a une reprise de « 3ème sexe » en face B (!).

LE TOUT-DÉCONNE
Lettres de journal découpées ! Point d'exclamation ! Personnage en mouvement ! Chaussures de clown ! Publicité déguisée ! Pogo ! Punk !

LE FILTRE MALAISE
On est plutôt ici dans l'anti-déconne, non maîtrisée. Quel message le groupe Sclérose a t-il voulu nous faire passer avec cette pochette ? Qu'ils aimaient jouer à la dînette ? Qu'on a choisi leur nom pour eux ? Qu'ils étaient férus de cinéma ? Seul Julien Courbet a la réponse.

L'ARTILLERIE LOURDE
Vous les avez découvert dans notre « Tour de France : Nice ». Un seul visage patibulaire ne suffisait pas pour vous communiquer à quel point il ne fallait pas enculer avec ce groupe, ils en ont mis 5, et un de dos, le pire, avec sa veste frappée des couleurs de son gang. Et ce rappel, Cocaïne x2, Cocaïne-Cola, Cocaïne-Souvenirs, Souvenirs de Cocaïne ? Ne les embrouillez pas car l'info la plus importante est sous vos yeux : ils s'appellent RANCOEUR.

LE PAQUET
Pfff, tu vas faire quoi Bigard ?

LE PAQUET II
« Tu montes dans mon hit, chéri ? »

LE STYLE LIBRE
On naît détoureur, on ne le devient pas.

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LE STYLE HUSTLER
Une meuf mi-femme mi-sirène, une superbe casquette de capitaine, un été magnifique, du pognon, Christian a tout ce qu'il faut, il ne lui manquait plus qu'un disque. C'est désormais chose faite grâce à Cabana.

LE DOIGT D'HONNEUR À L'ART
Le royaume du graphisme est décidément impénétrable, et ce disque restera à jamais une énigme dans la volumineuse discographie fournie par la décennie de la honte. Etait-il l'oeuvre d'un chien ? D'un proxénète portugais ? D'un serial killer ? Des trois en même temps, c'est à dire Jean-Pierre Briend ? Nous ne le saurons jamais et c'est sûrement mieux ainsi.

Rod Glacial passe un temps fou sur Discogs. Un peu moins sur Twitter.