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Food

J'ai testé les pires restaurants de Paris et je suis toujours vivant

Un tour de piste des établissements les plus mal notés de la ville, de la choucroute tiède de la Compagnie des crêpes au coleslaw rance de l'American Dream.

La première fois que j'ai passé la porte des cuisines d'un restaurant, c'était dans un établissement situé près des Champs-Élysées, où j'ai travaillé quelque temps. J'ai tout de suite été frappé par les cadavres de souris et les cafards englués dans des pièges qui traînaient ici et là. Quand j'ai naïvement demandé si ces nuisibles ne posaient pas de problème, un chef de poste m'a répondu qu'il était impossible de tenir parfaitement propre une cuisine qui servait des centaines de repas. Lors de mes services suivants, je ne prêtais même plus attention aux souris qui me courraient entre les jambes. « En revanche, si tu vois un rat, là, c'est vraiment mauvais signe », m'avait tout de même précisé le cuisinier.

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Désireux de savoir si les restaurants de Paris étaient aussi infâmes que ceux de Londres, Liverpool ou New York, j'ai établi une liste des pires établissements de la capitale. Fort de mon expérience de guide de voyage, j'ai toujours eu tendance à faire confiance à mon estomac, qui a notamment résisté à la street food de Varanasi et aux œufs mimosas de ma grand-mère. Il m'a cependant fallu trouver d'autres critères que nos confrères anglo-saxons – les services d'hygiène français ne communiquent malheureusement pas la liste des restaurants qui ont obtenu une mauvaise note selon leur liste de critères.

À Paris, rien qu'en 2012, 345 commerces alimentaires ou restaurants ont été fermés et 115 toxi-infections alimentaires collectives ont été constatées. J'ai commencé par une recherche fastidieuse des restaurants les moins bien notés de TripAdvisor, guettant les commentaires qui relataient une hygiène déplorable. J'ai souhaité aussi, dans ce souci d'éthique et d'exhaustivité qui me caractérise, diversifier les types de cuisine que l'on y sert. Mon dernier critère a été le niveau de fréquentation du restaurant par la clientèle touristique. Que l'on se comprenne bien : je n'ai rien contre les touristes, mais toute personne prête à payer 10€ pour un sandwich composé d'une baguette industrielle, de jambon industriel et de beurre industriel appâte forcément les restaurateurs sans scrupules.

L'entrée de l'American Dream

Mon premier arrêt s'est fait à l'American Dream, rue Daveau – là où est servie « la meilleure cuisine américaine de Paris » selon le site Internet de l'établissement. Étant moi-même peu enclin à me laisser émouvoir par la chimère de l'American Way of Life, j'étais déjà plus que sceptique en pénétrant dans cette ode au mauvais goût et à la frénésie décorative. En outre, leurs mauvaises critiques faisaient état de « couverts crasseux », de suppléments hors de prix et de « thé infesté de cafards ».

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Une fois accoudé au comptoir, il m'était presque impossible de choisir – la carte proposait successivement un tex-mex, des sushis, une pizza et un barbecue. J'ai décidé d'opter pour la simplicité en commandant un classique cheeseburger.

Dès la première bouchée, j'ai songé à arrêter cette expérience stupide, à rentrer chez moi et à me lover en position fœtale sous ma couette. La viande reconditionnée était caoutchouteuse, les frites grasses et mal cuites, le coleslaw rance. J'ai commandé une bière pour essayer de faire passer le tout, ce qui m'a prouvé une bonne fois pour toutes que l'alcool ne décevait jamais. Je suis sorti après avoir déboursé une petite fortune, hanté par le doute de ma capacité à enchaîner des plats aussi médiocres toute la journée.

Les sushis proposés par le Koba

En marchant vers la rue de la Michodière, là où se trouvait ma prochaine adresse, je me suis souvenu du commentaire d'un ancien cuisinier du restaurant. L'homme accablait les notions d'hygiène du propriétaire et l'accusait de resservir les restes des anciens clients. J'ai commandé à craindre pour ma vie, trop coutumier des mauvaises conséquences que peut avoir le poisson avarié sur le système digestif.

Nous sommes arrivés en fin de service. Si le menu collait un peu, le reste du restaurant était plutôt bien tenu. Le patron préparait les sushis directement au bar et le poisson avait l'air frais. La soupe miso n'avait rien d'exceptionnel, mais elle était tout à fait convenable. Quand le plateau de sushis est arrivé, j'ai été frappé par le manque d'esthétique flagrant. Mais à la première bouchée, j'ai dû revoir tous mes a priori : le poisson était excellent, le riz bien vinaigré, et le gingembre était fait maison. Je suis reparti le cœur léger, en direction du restaurant Aux Tours de Notre Dame, considéré par certains comme l'un des pires attrape-touristes de la capitale.

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Aux Tours de Notre Dame

En arrivant à la Cité, j'ai esquivé le flot de curieux pour me ruer à l'intérieur de cette brasserie si « typique ». Comme il m'était devenu impossible d'enchaîner sur un vrai plat viande/accompagnement, j'ai opté pour un grand classique de bistrot, un croque-monsieur. Le plat était médiocre : sec, sans goût, et sans salade pour le sauver. Une fois de plus, je me suis rabattu sur l'alcool avant d'observer mes semblables.

À mes côtés, les escargots de ma voisine de droite n'étaient pas assez cuits, l'entrecôte de son compagnon avait l'air à la fois dure, nerveuse et trop grasse. Les garçons, peut-être pour plaire aux badauds friands de stéréotypes, étaient particulièrement désagréables. L'un d'eux s'est même risqué à dire « Vite, vite » à une cliente trop hésitante. Je me suis enfui à toute vitesse après m'être acquitté de la somme de 26 euros.

La choucroute infâme de la Compagnie des crêpes

La démarche hésitante, je me suis dirigé vers ce que différents journaux ont surnommé avec emphase « le pire restaurant de Paris ». Située dans un ancien chai de la cour Saint-Émilion, la Compagnie des crêpes pourrait avoir un certain charme. En réalité, elle ressemble à une usine avec une capacité de 300 couverts, une carte de quinze pages et une décoration qui semble inspirée des zones industrielles de banlieue. Il était 18h, et le restaurant était complètement vide.

Le menu propose des plats allant de la galette bretonne à la choucroute en passant tout de même par les grillades, les salades, les pâtes et d'autres plats que ma mémoire engourdie a eu du mal à retenir. Décidant de repousser les limites, je me suis jeté sur la choucroute du brasseur. Le chou n'avait aucun goût car peu fermenté, et sans genièvre. La charcuterie était sans surprise affreuse, avec une mention spéciale pour le saucisson chaud qui battait des records en termes d'immondice.

Mon photographe, ayant d'autres obligations et refusant d'assister une minute de plus à mon suicide gastrique, a fini par se barrer. Je me suis ensuite promené le long de la rue Pigalle afin de récupérer un kebab, avant de finalement décider de couper court à l'expérience et de me réfugier chez moi.

Si je n'ai pas constaté la moindre souffrance intestinale, cette journée gastronomique m'a quand même permis de tirer quelques leçons essentielles : fuir tous les restaurants dont la cible est principalement la clientèle touristique et ne jamais faire confiance à un restaurateur qui propose à la fois des crêpes et des choucroutes. Depuis, j'étudie aussi sérieusement l'idée de devenir végétarien.