Le 20 janvier 1923, Berton se rend au domicile de Daudet. Elle ne l’y trouve pas et poursuit vers les bureaux de l’Action française. Si ce n’est lui, ça pourrait être Maurras. Sur place, elle se présente comme une anarchiste repentie ayant des révélations à faire sur le mouvement. Marius Plateau accepte finalement de la recevoir. Plateau est le chef des Camelots du roi. Les Camelots forment le socle militant de l’organisation royaliste - ce que l’historien Olivier Dard appelle le « bras armé ». Officiellement, ils sont chargés de vendre le quotidien. Officieusement, ils servent de service d’ordre et n’hésitent pas à faire le coup de poing sur commande.« Elle traverse la rue de Rome, Browning modèle 1906 en poche, attend un long moment que Plateau la fasse entrer. Ils discutent, puis cinq détonations marquent la fin de l’entretien »
Germaine Berton, comme beaucoup de Français à l’époque, redoute le coût et les conséquences conflictuelles de l'occupation. L’assassinat de Daudet, elle le voit d’abord comme une « oeuvre d’utilité publique » estime Frédéric Lavignette, seul moyen d'empêcher le futur bain de sang « au nom du pacifisme, de la moralité et de la fraternité prolétarienne. » Berton a peut-être même un temps d’avance. Dans son analyse, n’opère-t-elle pas un lien entre le danger, l’hostilité, la menace, la violence que représente l’Action française au sein de la société et la montée du fascisme en Italie ou du nazisme en Allemagne ?Du côté de l’Action française, il n’y a que peu de doutes, le coup de feu est venu d’Allemagne et menace la souveraineté de la France. La mort de Plateau renforce le délire de persécution de Daudet qui réclame la protection de la police et, persuadé que Berton n’aurait jamais pu agir seule, tente de mettre à nu dans son quotidien les fils d’un complot imaginaire.« Les anarchistes de 1920 (…) étaient individualistes, pacifistes, anti-autoritaires, et sans le sou. Leurs principaux ennemis ne se trouvaient plus autant parmi les bourgeois qu’aux extrêmes de la société bourgeoise : les nationalistes agressifs dont les royalistes étaient le symbole le plus militant ».
« Elle a 20 ans, elle est célibataire, elle a quitté sa mère en province pour Paris, elle ne travaille pas, a déjà été condamnée pour port d’arme prohibée et outrage à agent, et milite au sein de la mouvance anarchiste parisienne, (…) Elle est donc de cette frange de la société en marge, en rupture, qui rejette les valeurs traditionalistes de l’époque. »
Germaine Berton, une anarchiste passe à l'action de Frédéric Lavignette aux éditions L'échappée