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Le réchauffement climatique va-t-il tuer le vin français ?

Jusqu'ici, chaleur et vendanges précoces sont souvent synonymes d'une bonne année pour le pinard. Mais nos tables pourraient bientôt être couvertes de vin anglais.

Jusqu'ici, la France n'est clairement pas le pays le plus affecté par le réchauffement climatique. Certes, les records de chaleur se succèdent, les canicules estivales deviennent la norme, et la sueur tâche avec une fréquence affolante nos t-shirts les plus élégants. Mais ailleurs, des populations entières sont menacées d'être englouties par les flots. Vu comme ça, nous, ça va plutôt pas mal. Jusqu'à ce que le changement climatique transforme nos vignes en terres arides, et que les bouteilles de vins de Bordeaux et de Bourgogne ne disparaissent à jamais de nos tables.

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C'est précisément ce qui pourrait se produire, si l'on en croit les résultats d'une étude publiés lundi dans la revue Nature Climate Change. Pour l'heure, tout va bien ; à vrai dire, le réchauffement est même plutôt une bonne nouvelle pour la qualité de nos vins. En analysant des données climatiques et des registres de vendanges remontant jusqu'au tout début du 17ème siècle, les chercheurs ont en effet constaté que les vendanges se produisaient de plus en plus tôt, survenant désormais en moyenne deux semaines plus tôt qu'il y a quelques siècles. « Jusqu'aux années 1980, il fallait vraiment qu'il y ait une canicule exceptionnelle pour que les vendanges soient anticipées, écrit ainsi Benjamin Cook, l'un des principaux auteurs de l'étude. Mais depuis, le climat s'est tellement réchauffé qu'il suffit d'un été un peu plus chaud que la moyenne pour que les vendanges soient très précoces. » Ce que confirmait récemment Christophe Pichon, viticulteur dans la Loire, aux Échos : « Auparavant, les vendanges se faisaient entre la fin du mois de septembre et la première semaine d'octobre. Aujourd'hui, on vendange du 5 au 15 septembre. » Or, traditionnellement, des vendanges précoces sont synonymes d'un bon millésime, en particulier pour les vins de Bordeaux et de Bourgogne. Autrement dit, grâce au réchauffement, nous avons désormais plus de chances chaque année de produire de l'excellent vin. Prenez ça, Al Gore et Claude Évin !

Sauf que ça n'est sans doute vrai que jusqu'à un certain point. Les chercheurs rappellent en effet qu'en 2003, lors de la canicule qui avait frappé la France et décimé les maisons de retraite, les vendanges avaient carrément eu lieu en août, un record dans l'histoire récente. Et le vin avait été assez dégueulasse. Selon Benjamin Cook, « il est possible qu'au-delà d'un certain point, le réchauffement soit si fort et les vendanges si précoces que les effets soient au contraire négatifs sur la qualité du vin. » Il faut dire qu'auparavant, les bonnes cuvées bénéficiaient généralement d'un climat correspondant au schéma suivant : un temps relativement frais et très pluvieux, suivi d'une période de forte chaleur précédant les vendanges. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, les vignes sont souvent immédiatement exposées à la canicule, sans passer par la case tempérée. Et les sècheresses se multiplient, ce qui n'est pas bon pour le raisin, qui a évidemment besoin d'eau.

À l'avenir, certains cépages pourraient donc être tout bonnement chassés des régions où ils sont traditionnellement cultivés. C'est par exemple le cas du pinot noir, que le réchauffement climatique pourrait bouter hors de Bourgogne, alors que les viticulteurs bordelais pourraient être contraints de renoncer au cabernet et au merlot. Une étude particulièrement controversée publiée en 2013 annonçait carrément que deux tiers des régions viticoles du monde allaient devoir renoncer à produire du vin d'ici à 2050, en raison du réchauffement. Ou, en tout cas, à s'adapter et à se rabattre sur d'autres cépages, parfois inadaptés au type de vin produit dans ces régions. C'est en tout cas ce que suggèrent les chercheurs. La France n'est d'ailleurs pas le seul pays touché, puisque la Toscane, la vallée de Napa (en Californie) et le Chili risquent eux aussi de voir leur production de vin chuter drastiquement d'ici quelques décennies.

Mais l'avenir pourrait être encore plus terrifiant : à cause du réchauffement climatique, une part conséquente de l'activité viticole pourrait être produite plus au nord. Dans le sud de l'Angleterre, par exemple, ou au Québec, dont le climat est plus adapté. D'ailleurs, les Anglais ont déjà commencé à produire des vins pétillants qui entendent rivaliser avec le champagne. Le jour où les Canadiens et les Anglais produiront plus de vin que les Français, la France entière votera écologiste.