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Profs en PLS et cuites à 6h du matin : bienvenue à l’école hôtelière

Voilà ce qui arrive quand vous foutez plusieurs étudiants en cuisine sous le même toit et que vous leur imposez des règles particulièrement débiles.

Bienvenue dans Cuisine Confessions, une rubrique qui infiltre le monde tumultueux de la restauration. Ici, on donne la parole à ceux qui ont des secrets à révéler ou qui veulent simplement nous dire la vérité, rien que la vérité sur ce qu'il se passe réellement dans les cuisines ou les arrière-cuisines des restaurants. Dans ce nouvel épisode, on vous raconte la coulisse d'une école de cuisine huppée.

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Que se passe-t-il quand vous rassemblez tout un tas de futurs chefs sous le même toit et que vous les brimez avec tout un tas de règles à respecter ? L'anarchie la plus totale et un paquet de profs en arrêt maladie après une énième journée de travail traumatisante.

À l'école hôtelière, les étudiants, qui sont présents du lundi au vendredi, n'ont généralement pas le droit de sortir de l'enceinte de l'établissement. Ils n'ont pas le droit de boire, de fumer et d'aller mater le trou de la serrure du vestiaire des filles. En gros, tout ce qu'un type de 16 ans voudrait faire est interdit. Imposer de telles règles à de futurs chefs ne peut qu'engendrer la rébellion. Et c'est ce qui se passe.

Il y a douze ans, quand j'étais encore à l'école, on se mettait une mine le lundi matin avant d'aller au premier cours de la semaine. Le bar à côté de la gare ouvrait justement à 6 heures pour servir les jeunes de l'école hôtelière. Ils faisaient même venir un DJ à l'aube. On buvait et on faisait la fête jusqu'à ce qu'on ne tienne presque plus debout, puis on reprenait le chemin de l'école. Dans ce bar, j'ai appris qu'on pouvait mettre vingt pintes sur un grand plateau de service et j'ai appris qu'il n'était pas physiquement impossible qu'une personne les boive toutes à la suite. C'était du grand n'importe quoi.

On fumait de l'herbe dans l'école, on volait de la levure dans la boulangerie pour boucher les canalisations et faire remonter la merde, on libérait des hamsters dans le bâtiment, on balançait des mottes de beurre au plafond.

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On arrivait donc en retard en cours, puant l'alcool et la cigarette. Pour nous, les heures de cours servaient surtout à rattraper notre retard de sommeil. La plupart des étudiants avaient des jobs à côté, dans des bars ou des restaurants. Je bossais dans la cuisine d'un restaurant avec une étoile au Michelin. Je terminais mon shift à 22 heures chaque soir mais je disais souvent que je finissais plus tard pour pouvoir aller faire la fête en ville. Un soir, je suis tombée nez à nez sur un membre de l'équipe enseignante. Par chance, il était tout aussi bourré que moi. Nous avons donc fait un deal implicite : personne ne balance l'autre. À partir de ce moment-là, j'étais blindé – ce type ne pouvait plus rien contre moi, je faisais ce que je voulais.

Les autres profs étaient plus stricts mais ils n'avaient pas franchement de pouvoir. On fumait de l'herbe dans l'école, on volait de la levure dans la boulangerie pour boucher les canalisations et faire remonter la merde, on libérait des hamsters dans le bâtiment, on balançait des mottes de beurre au plafond et dès qu'il fallait faire des flambées en classe, on ouvrait les bouteilles d'alcool bien avant le début de l'exercice.

On s'est aussi bien marré avec les étudiants en management. Un soir, ils jouaient à des jeux de société et ils avaient prévu d'enchaîner avec un film dans lequel jouait Brad Pitt. L'un de leur jeu était une sorte de challenge : il fallait manger des feuilles de salade trempées dans de la sauce piquante tout en ayant les mains attachées dans le dos. Ce qu'ils ne savaient pas, c'est qu'avec mes potes on était allés pisser sur leurs salades la nuit précédente. Et on avait échangé leur film avec Brad Pitt au vidéoclub contre le porno le plus sale qui soit. Surprise les boloss !

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La plupart de mes souvenirs de l'école hôtelière semblent être de simples blagues, mais ça a forgé le caractère que j'ai aujourd'hui. C'est vrai pour beaucoup d'autres chefs.

En école hôtelière, que ce soit côté cuisine ou management, tout le monde fait l'école buissonnière. Actuellement, c'est à la mode dans les médias de dire que la nouvelle génération de chefs est fainéante et ne veut pas commencer tout en bas de l'échelle, mais quand j'étais à l'école, c'était tout l'inverse. Au resto, si le chef me demandait, j'étais là quoi qu'il arrive. C'est comme ça que ça marche : tu ne laisses pas tomber tes collègues.

La plupart de mes souvenirs de l'école hôtelière semblent être de simples blagues, mais ça a forgé le caractère que j'ai aujourd'hui. C'est vrai pour beaucoup d'autres chefs. Je n'ai pas besoin de beaucoup de sommeil. Mon corps a l'habitude de deux ou trois heures par nuit, ce qu'il faut pour bosser correctement. Quand je suis debout, je bosse ultra rapidement, surtout dans une cuisine où j'impose mon style – comme à l'école. Être prêt à bosser dur et avoir l'esprit d'équipe sont les deux éléments les plus importants. Si l'un de ces deux éléments manque à l'appel, je risque de casser de la vaisselle. Je fais de la bonne cuisine, je couche avec des inconnus de temps à autre et j'organise des fêtes du tonnerre avec mes amis chefs une fois nos cuisines fermées. On boit de bonnes bières et d'excellents cocktails, on partage notre coke et notre herbe. Mes mains tremblent encore de ma dernière cuite alors que ça fait vingt-quatre heures. Le matin quand je vide mes poches, je retrouve parfois trois paquets de cigarettes vides et je ne me rappelle même plus avoir fumé.

Rassemblez quelques chefs entre eux et vous verrez : ce ne sont qu'une bande de gros porcs, comme ce qu'ils étaient à l'école hôtelière. Mais ce sont ces porcs qui font la meilleure bouffe qui soit. Et oui, comme à l'école, on fait toujours des blagues aux serveurs et aux managers. À l'ancienne.

Propos rapportés par Stefanie Staelens.


Ce papier a été préalablement publié sur MUNCHIES NL