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Qu’est-ce que la culture BMX ?

Article réalisé avec le soutien de Sosh, organisateur du Sosh urban motion.

Il y a quelques jours, un rédacteur en chef affolé m’a appelé pour me poser cette question. « Vieux, c’est quoi pour toi, la culture BMX ? La culture skate, on connaît, pas de soucis. Le surf, pareil. Mais la culture BMX, là, je ne vois pas », m’a-t-il dit, légèrement perplexe.

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Toujours disposé à apporter mes lumières sur un sujet que je ne maîtrise pas vraiment, je lui ai joyeusement proposé de m’attaquer au sujet. Je me voyais déjà remonter aux origines du bicycle (ou vélocipède), puiser aux sources de l’histoire de l’humanité pour tirer le fil qui, partant de l’invention de la roue en passant par les éditions les plus mythiques du Tour de France, nous conduirait jusqu’à aujourd’hui. Jusqu’à cette époque où des post-adolescents tatoués déboulent dans les rues de nos mégapoles, juchés sur des mini-vélos pour s’approprier le paysage urbain : une tribu animée par des codes inconnus de nous, simples mortels, usagers de modes de déplacement alternatifs. Alors qu’autour de nous, un collègue de bureau bataille avec un Vélib’, une ex replie sa trottinette pour s’engouffrer dans le métro, un oncle ché-bran s’offre un gyropode monocycle pour optimiser son temps de trajet, les riders de BMX font de leurs bécanes un prolongement de leur corps. La ville est leur terrain de jeu, leur vélo, une extension mécanique de leurs capacités physiques. Centaures modernes ? Cyborgs à pédales ? Peu importe : cela ne fait pas une culture.

Pour satisfaire la curiosité de mon interlocuteur, devais-je aller au contact des pratiquants, percer à jour les structures qui sous-tendent leur activité ? Acheter un vélo, écumer les spots, arriver avant les premiers riders, rester après les derniers et consigner, jour après jour, les informations que j’y glanerais ?

Photo Flickr

Non : pas le temps de pondre une thèse sur le sujet. Et puis, il faut bien l’avouer : les riders de BMX n’appartiennent pas à un monde aussi étranger pour moi que les Bororos. Ces cinq dernières années, j’ai pissé dans la rue avec Matthias Dandois, partagé un appartement le temps d’un week-end avec Maxime Charveron, assisté à l’avant-première du film des deux compères en Australie, et je les ai même interviewés pour Le Journal de Mickey.

J’ai aussi passé suffisamment de temps au FISE, le Festival international des sports extrêmes qui se déroule tous les ans à Montpellier, pour arriver à discerner un rider de BMX d’un Australien en vacances. Je me suis même envolé pour la Croatie pour assister à l’étape d’Osijek de la compétition d’origine héraultaise, désormais internationale. Une somme d’interviews, de rencontres, d’échanges, de vidéos matées sur Soul qui devait me permettre d’esquisser les contours de la culture commune à tous ces pratiquants.

Cependant, contrairement au surf et au skate, le BMX n’a pas sa légende inscrite en lettres d’or par des auteurs de renom. Prenez le premier : il doit beaucoup à Jack London, qui publia un article sur le sujet (A Royal Sport) en 1907. Plus récemment, Jours Barbares, l’autobiographie du journaliste William Finnegan a reçu des éloges dans toute la presse – les non-surfeurs adorent qu’on leur parle de surf, même s’ils n’y comprennent rien (en témoigne les gênant « Ça farte ? » et les non moins embarrassantes références à Point Break de nombreux journalistes).
Le skate, lui, a tout simplement créé sa propre légende. Des articles fondateurs de Craig Stecyk au film pour ados Lords of Dogtown, écrit par Stacy Peralta, les artisans du mythe ont bien compris qu’on n’était jamais mieux servi que par soi-même. Si le BMX se fait plus discret, question culture, c’est peut-être qu’il puise moins ses origines dans une contre-culture rapidement intégrée aux logiques marketing que dans un autre sport extrême. Le vélo, c’est simplement la version moins chère, immédiatement disponible, du motocross. C’est un sport, une activité pour jeunes avides de sensations fortes, un jeu – la même chose que le surf et le skate, le vernis de la respectabilité en moins.

Mathias Dandois, sextuple champion du monde de flat en BMX. Photo Flickr

Alors, qu’est-ce que la culture BMX en 2017 ? Si on se pose la question, c’est sans doute qu’on n’en fait pas partie ! Pour en avoir le cœur net, il faudrait s’acheter un bon vélo et pratiquer tous les jours. Lire des magazines, se rencarder sur les vidéos fondatrices, les riders qui ont fait la discipline. Et, une fois le savoir suffisamment accumulé, faire le tri : qu’est-ce qui vous parle là-dedans ? Quel style, quelles pratiques vous donnent envie de continuer, de progresser ? Que vous procure le BMX ? Quelles sensations, quel regard sur l’environnement, quels liens sociaux ? C’est précisément ça, une culture. Un ensemble de connaissances, de rites, de savoirs, peut-être aussi de pulsions, de valeurs communes qui font qu’on aime à se retrouver. À pratiquer à plusieurs un sport pourtant individuel. À encourager ceux qui sont nos adversaires dans une compétition. À faire découvrir sa passion, dans l’espoir qu’elle procure à d’autres les joies qu’elle nous a offertes. À passer des heures à répéter les mêmes mouvements pour les maîtriser à la perfection. À bidouiller un engin qu’on connaît comme sa poche.

Pour ceux qui la vivent, la culture BMX est immatérielle, inconsciente. Elle est ce qui les fait se lever chaque jour : une passion dévorante, une envie, un plaisir. Elle est ce qui les a construits. Synonyme de voyages, de rencontres, de dépassement de soi, mais aussi, pour certains, de gagne-pain et de plan de carrière. En un mot : elle est un étendard commun dont chaque rider a sa propre version, qu’il exprime à travers son style.

Cet article a été réalisé par la rédaction de VICE Sports sans la moindre influence de la part du sponsor.