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Tunisie

Lendemain d’attaque en Tunisie : opérations toujours en cours à Ben Gardane

Après une nuit passée sous couvre-feu, la ville de Ben Gardane s’est réveillée au son de nombreuses détonations ce mardi matin. Des opérations de sécurité sont toujours en cours au lendemain de l’attaque qui a fait 19 victimes.
Des officiers de police devant un poste de police après l'attaque de lundi à Ben Gardan, Tunisie, non loin de la frontière libyenne. Le 8 mars 2016. (REUTERS/Zoubeir Souissi)

Après une nuit passée sous couvre-feu, la ville de Ben Gardane (sud-est de la Tunisie) s'est réveillée au son de nombreuses détonations ce mardi matin. Reprenant des vidéos tournées par des habitants de cette ville proche de la frontière libyenne, les médias locaux ont fait état d'une surveillance renforcée de la zone, ainsi que de possibles affrontements entre les forces de sécurité et des terroristes.

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Ces détonations suspectes surviennent au lendemain de la triple attaque terroriste contre plusieurs bâtiments officiels de Ben Gardane, qui est la dernière grande ville avant la frontière libyenne.

Selon un dernier bilan officiel rendu public ce mardi matin, les combats entre terroristes et forces de l'ordre de lundi auraient coûté la vie à 19 victimes, dont une majorité de policiers et de gendarmes. Des civils, dont certains mineurs, auraient également été tués. Le ministère de l'Intérieur a annoncé que 36 assaillants avait été éliminés, et que 7 membres de ce commando avaient pu être capturés. Par ailleurs, l'un des policiers tués aurait été exécuté à son domicile.

« À environ 9 heures ce matin les combats ont repris », nous a raconté ce mardi Abid, un enseignant vivant à Ben Gardane, contacté par téléphone. « Dans le quartier de Jallel, on pouvait entendre des échanges de tirs et des hélicoptères qui tournent. Là il est un peu plus de midi et on entend uniquement les hélicoptères — il n'y a plus de tirs. »

Une vidéo relayée ce mardi par le média local Radio Tataouïne montre un hélicoptère effectuant un vol de reconnaissance. Sur une autre vidéo, des détonations semblables à des rafales d'armes automatiques retentissent plusieurs fois au cours de la séquence.

Sur place, les routes menant à Ben Gardane ainsi que les postes frontières environnants ont tous été fermés, d'après le journal tunisien La Presse. D'autres médias tunisiens, citant des correspondants à Ben Gardane, ont fait état de combats et de poursuites impliquant un hélicoptère et des véhicules tout-terrain.

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Mais d'après une source sécuritaire citée par l'agence tunisienne TAP, il n'y aurait pas eu d'échanges de tirs ce mardi à Ben Gardane, mais plutôt une opération de « ratissage » ainsi que la destruction des munitions et grenades saisies lors de la contre-offensive des forces de sécurité ce lundi.

Triple attaque meurtrière

Très tôt ce lundi matin, des locaux de la police et ceux de la Garde nationale tunisienne avaient été attaqués par un commando, qui s'en est aussi pris à la caserne militaire de cette ville.

« C'était une vraie ambiance de guerre », raconte Abid, qui réside non loin des zones touchées. « Puis un couvre-feu a été mis en place, qui a été largement respecté. » Ce mardi matin, malgré les détonations et le vacarme des hélicoptères, « la vie commençait à reprendre son cours », nous a expliqué Abid.

Le chef du gouvernement tunisien, Habib Essid, avait rapidement réagi ce lundi en indiquant que « le but de cette attaque était de troubler la situation sécuritaire [en Tunisie] et d'établir un émirat », en accusant le groupe terroriste État Islamique (EI) — qui avait revendiqué les attentats de Sousse et du musée du Bardo en 2015. « C'était une attaque sans précédent, bien organisée », a commenté Essid. Au moment où nous publions cet article, aucune revendication de l'attaque de Ben Gardane n'a été faite.

Des habitants de la zone ont toutefois raconté à l'agence Reuters que certains combattants se sont déclarés de l'EI, indiquant vouloir « viser l'armée et la police ».

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« Tout le monde en parlait »

Cette zone avait déjà été le théâtre d'affrontements violents mercredi de la semaine dernière, lorsque les forces de sécurité ont tenté de déloger cinq personnes décrites comme des « extrémistes » d'une maison située dans le village voisin de Laouija.

Au cours d'une longue fusillade — qui a conduit à la mort des cinq forcenés dont quatre étaient tunisiens —, un jeune civil, Hassan Chahbani, est mort en prenant une balle perdue, d'après l'agence tunisienne TAP. Une marche citoyenne contre le terrorisme avait suivi son enterrement ce samedi 5 mars.

La triple attaque de ce lundi n'a été une surprise pour personne à Ben Gardane selon Abid. « Malheureusement on s'attendait à ce type d'événement depuis longtemps. Tout le monde en parlait », a-t-il soufflé, fataliste.

Une frontière qui inquiète

Suite à l'attaque de Ben Gardane, de nombreux pays ont apporté leur soutien à la Tunisie. Le président François Hollande a déclaré lundi que la Tunisie avait été visée « parce qu'elle est un symbole », avant de réaffirmer son intention de coopérer davantage avec ce pays — souvent présenté comme un symbole de l'après Printemps arabe — dans la lutte contre le terrorisme.

Le porte-parole du service d'action extérieure de l'Union Européenne a quant à lui appelé à une « réponse commune » face à la menace terroriste, en évoquant le lancement en Tunisie d'un « ambitieux programme d'appui à la réforme du secteur de la sécurité ».

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Les pays européens sont particulièrement impliqués dans la lutte contre le terrorisme en Tunisie, qui partage plus de 550 kilomètres de frontières avec la Libye, un pays très instable où l'EI disposerait de nombreux groupes armés.

À lire : La Tunisie construit un mur le long de sa frontière avec la Libye pour empêcher les terroristes de passer

La veille de l'attaque de Ben Gardane, le ministre tunisien de la Défense, Farhat Horchani, avait annoncé la mise en place prochaine d'un « système de défense basé sur trois dimensions », reprenant le « mur » existant — il s'agit d'une tranchée remplie d'eau surmontée d'un mur de sable long de 200 km —, des contrôles électroniques utilisant des technologies allemandes et américaines, ainsi que des patrouilles de drones au-dessus des frontières terrestres et maritimes entre la Tunisie et la Libye.

En attendant, cette frontière voit fleurir des trafics en tout genre, ainsi qu'un transit relativement important de Tunisiens désirant rejoindre les rangs de l'EI en Libye.

Lors d'une conférence de presse organisée ce mardi matin, Habib Essid a annoncé que 4 des 36 assaillants tués ce lundi avaient pu être identifiés comme étant des citoyens tunisiens.

Des combattants tunisiens — dont un cadre de l'EI, Nourredine Chouchane — auraient également été tués le 19 février dernier lors du bombardement par l'armée américaine d'un camp d'entraînement terroriste de Sabratha, une ville libyenne située à moins de 2h de route de Ben Gardane.

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« Il y a beaucoup d'enseignements que nous allons tirer de cette attaque terroriste », a par ailleurs déclaré le Premier ministre tunisien. « Nous avons remporté une bataille, mais nous sommes prêts pour les autres. »


Pierre Longeray a participé à la rédaction de cet article.

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Image : Des officiers de police devant un poste de police après l'attaque de lundi à Ben Gardan, Tunisie, non loin de la frontière libyenne. Le 8 mars 2016. (REUTERS/Zoubeir Souissi)