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FRANCE

Un rapport confidentiel de l’ONU mettrait en cause des soldats français dans une affaire de violences sexuelle sur mineurs en Centrafrique

Le Guardian qui révèle cette affaire indique que l’employé de l’ONU qui aurait fait fuiter ledit rapport a été mis à pied pour avoir fait suivre le dossier aux autorités françaises.
Image via EMA / armée de Terre

Ce mercredi matin, le quotidien d'information britannique The Guardian a publié un article qui indique qu'un employé de l'organisation des Nations Unies aurait été mis à pied et pourrait être licencié pour avoir fait circuler un document classé confidentiel dans lequel seraient rapportés des propos accusant des soldats français d'actes pédophiles : viols, relations sexuelles contre nourriture ou argent. Ces actes perpétrés sur des enfants, pour certains âgés de moins de dix ans, se seraient produits en Centrafrique en 2014, au moment où des troupes françaises étaient en place pour participer à des opérations de maintien de la paix.

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Interrogé par VICE News, l'état major des armées n'a pas souhaité commenter pour le moment.

Le porte-parole du ministère de la Justice nous a répondu en fin de journée qu'" Une enquête préliminaire est ouverte par le parquet de Paris sur cette affaire depuis le 31 juillet 2014. Le ministère de la justice ne fait aucun commentaire sur une enquête en cours." D'après nos sources proches du dossier, une dizaine de personnes seraient visées par cette enquête préliminaire.

Dans son article, le journal explique que Anders Kompass, ancien directeur des opérations de terrain et de la coopération technique au Haut-commissariat aux droits de l'homme, aurait été suspendu de son poste la semaine dernière après avoir été accusé d'avoir transmis un rapport confidentiel de l'ONU, contrevenant aux règles de l'organisation en matière de circulation des informations. Le Guardian indique que cette suspension a été portée à la connaissance des dirigeants du Haut-commissariat.

Des sources proches de ce dossier ont expliqué au média britannique les tenants et les aboutissants de cette fuite. Anders Kompass aurait remis aux autorités françaises un rapport détaillant les faits reprochés aux soldats français, après qu'il a constaté le fait que l'ONU ne parvenait pas à prendre les mesures nécessaires à l'arrêt de ces abus.

Le journal explique avoir obtenu via une organisation tierce le document en question qui est intitulé « Aggressions sexuelles sur mineurs par des forces armées internationales », « marqué « confidentiel » sur toutes les pages indique le journal ».

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Paula Donovan, co directrice de AIDS Free World, qui est l'organisation en question, a dit à VICE News que le rapport comprenait six interviews qui se sont déroulées entre le 5 mai et le 27 juin. Les dates indiqueraient que ces incidents ont continué après que les enquêteurs de l'ONU ont commencé à se pencher sur ce sujet.

Piloté par le UNHCR — alerté sur la question par de précédents témoignages faisant état d'enfants abusés sexuellement — le rapport met en cause des soldats français qui auraient violé des enfants abandonnés à la recherche de nourriture. Les faits se seraient déroulés entre décembre 2013 et juin 2014, dans un centre de réfugiés de l'aéroport M'Pko de la capitale Bangui. Les enfants, dont un âgé de 11 ans, ont expliqué avoir été forcés à des relations sexuelles contre de la nourriture. Ils auraient donné des descriptions assez précises de certains soldats impliqués, aucune information supplémentaire sur le corps d'armes ou la mission des hommes qui seraient impliqués n'est disponible.

Rendu à l'été 2014 au UNHCR, le rapport n'aurait débouché sur rien, Kompass l'aurait donc fait suivre aux autorités françaises malgré son caractère confidentiel.

La France est engagée en Centrafrique depuis décembre 2013 dans le cadre de l'opération Sangaris pour « Instaurer un minimum de sécurité et permettre l'acheminement de l'aide humanitaire, permettre à la mission africaine d'intervenir et mettre en place un processus démocratique » expliquait à l'époque le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.

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La Centrafrique est marquée depuis deux ans par des affrontements interreligieux de grande envergure. La Séleka, une alliance de milices à tendance musulmane, avait renversé François Bozizé et placé Michel Djotodia à la tête de la RCA début 2013. S'en est suivie une période de conflits ouverts avec un autre groupe dit des « anti-balaka » formé principalement de paysans chrétiens. La Séleka est en principe dissoute depuis janvier 2014, date à laquelle les anti-balaka chassent Michel Djotodia. le conflit aurait fait plus de 5000 morts et déplacé près d'un million de personnes dont de très nombreux enfants.

À lire : La Centrafrique est le théâtre d'opération le plus traumatisant pour les soldats français

Suivez Étienne Rouillon sur Twitter @rouillonetienne

Samuel Oakford a participé à la rédaction de cet article @samueloakford

Photo : Le 7 juin 2014, un détachement du GTIA "de Boissieu" effectue une mission de reconnaissance d'axe, au sud de Bouar. - EMA / armée de Terre