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FRANCE

Reconnaissance de la Palestine : après la résolution

Les députés français ont approuvé la résolution de reconnaissance de la Palestine comme État. Le texte, non contraignant pour le gouvernement français pourrait toutefois jouer un rôle dans des négociations attendues à l’ONU.
Photo via Flickr / Jean-François Gornet

L'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français a approuvé ce mardi à 339 voix contre 151 cette résolution, un texte symbolique qui invite le pouvoir exécutif, incarné par le gouvernement de François Hollande (Parti socialiste), à « reconnaître l'État de Palestine en vue d'obtenir un règlement définitif du conflit ». Plusieurs pays européens ont déjà voté des textes similaires au cours des derniers mois.

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— Assemblée nationale (@AssembleeNat)2 Décembre 2014

La résolution a été proposée par le groupe socialiste, qui possède une majorité relative à l'Assemblée. Presque tous les députés socialistes ont voté pour la résolution, soutenus par la plupart des députés du Front de Gauche et des écologistes. Les députés du groupe UMP (Union pour un Mouvement Populaire, droite) se sont pour la plupart prononcés contre la résolution.

VICE News s'est rendu, ce mardi, à une manifestation pro-israélienne et contre cette résolution, qui s'est tenue aux abords de l'Assemblée, au moment même du vote du texte. Environ 150 personnes - dont le député UMP Claude Goasguen - se sont rassemblées, chantant la Marseillaise et la Hatikva (les hymnes nationaux français et israéliens). Dans la foule, parquée sur une petite place derrière l'Assemblée, on trouve des politiques français de gauche comme de droite, des anonymes toutes générations confondues. Pendant des discours successifs au mégaphone dénonçant le vote en cours (dont l'issue était quasi-certaine), certains tiennent des pancartes sur lesquelles on peut lire « La seule démocratie au Moyen-Orient c'est Israël » ou « Jérusalem, Toulouse, Bruxelles : les terroristes sont partout », en référence à de récents attentats meurtriers en Israël, France et Belgique. Dans le cortège, Nancy, soixante-neuf ans, professeure à la retraite. Elle indique manifester en faveur d'Israël et contre la résolution, qu'elle qualifie de « stupide ».

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Pendant la manifestation (photo VICE News / Virgile Dall'Armellina)

La question de la reconnaissance de la Palestine est un sujet sensible en France, qui compterait la plus grande communauté juive d'Europe d'après une estimation du journal Le Figaro, et une importante communauté musulmane. Le journal affirmait en mars dernier que les départs de Français juifs vers Israël (ce que l'on appelle l' « aliyah ») sont en constante augmentation depuis plusieurs années. Interrogé par Le Figaro, un responsable de l'Agence juive pour Israël évoquait un « sentiment d'insécurité » de la communauté juive en France.

Drapeau du Betar et logos de la LDJ (photo Aaron Chervenak pour VICE News)

Quelques jeunes de la Ligue de Défense Juive (LDJ) et du Betar, un mouvement radical de jeunesse juif, se tiennent en marge de la manifestation. Ils ont le visage masqué et font des bras d'honneur aux policiers, tandis que d'autres agitent les drapeaux de ces deux mouvements. Après le vote, un tweet publié par le compte de la LDJ a comparé les députés ayant voté en faveur de la résolution à des collaborateurs de l'Allemagne nazie.

TOUT EST DIT. — LDJ Paris (@LDJ_France)2 Décembre 2014

Le journal Ouest France rapporte que Claude Goasguen, un des députés UMP présents à la manifestation, a déclaré « Cette résolution s'adressait, je pense, à l'électorat français musulman ». Bruno Le Roux, le chef du groupe socialiste à l'Assemblée, affirme pour sa part que « C'est un vote qui montre clairement la position du Parlement français […] Il réunit de nombreux groupes et permet d'avoir un acte d'espoir et de volonté pour la paix. »

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La reconnaissance d'un État est, en France, l'apanage du pouvoir exécutif, c'est à dire du gouvernement. Le parlement ne fait donc qu'exprimer un avis sur la question. Comme l'a rappelé le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, aux députés avant le vote. Dans un discours à l'Assemblée il a indiqué : « La France privilégie les négociations bilatérales et il prévoit une échéance de deux ans pour parvenir à un compromis sur la question via une conférence internationale. » Le ministre a prévenu que « Si ces efforts échouent, si cette tentative ultime de solution négociée n'aboutit pas, alors il faudra que la France prenne ses responsabilités en reconnaissant sans délai l'État de Palestine, et nous y sommes prêts. »

La radio RTL avait rapporté le 23 novembre un propos tenu par le Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, qui déclarait que « La reconnaissance d'un État palestinien par la France serait une grave erreur ». L'ambassade d'Israël à Paris a publié un communiqué mardi après le vote, selon lequel le vote de l'Assemblée nationale française « va éloigner les possibilités d'arriver à un accord », et envoyer « un message erroné aux leaders et aux peuples de la région ».

En dehors de ces réactions, l'annonce du vote de la résolution par les députés français a été peu commentée par le gouvernement israélien, qui traverse ces jours-ci une crise politique. Le Premier ministre Benjamin Nétanyahou a limogé ce même mardi deux ministres centristes, qu'il jugeait opposés à sa politique. Il a dans la foulée déclaré vouloir dissoudre le Parlement au plus vite et a appelé à des élections législatives anticipées. Ce changement politique pourrait aller dans le sens d'une future coalition plus à droite.

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Contactés par VICE News ce mercredi, les représentants de l'Autorité palestinienne en France n'étaient pas disponibles pour commenter le vote de la résolution.

L'Autorité palestinienne a de son côté récemment déposé une demande à l'ONU pour l'arrêt de la colonisation israélienne et le retour aux frontières de 1967 d'ici à 2016. Le Conseil de sécurité débattra d'une résolution en ce sens et des négociations sont déjà entamées, dans ce contexte inédit où plusieurs parlements européens se sont prononcés pour la reconnaissance de la Palestine.

UN Security Council Negotiating Controversial Israel-Palestine Resolution. À lire ici (anglais).

Le vote de l'Assemblée nationale française pour reconnaître la Palestine n'est pas une première en Europe. Depuis 2012, les parlements espagnol et britannique ont déjà appelé leurs gouvernements à reconnaître l'État de Palestine, tandis que le gouvernement suédois a franchi le pas fin octobre. D'après les chiffres de la Mission permanente d'observation de la Palestine auprès des Nations Unies, 135 des 193 pays membres que compte l'ONU ont par ailleurs déjà officiellement bilatéralement reconnu la Palestine comme un État.

Suivez Virgile Dall'Armellina sur Twitter : @armellina

Photo d'ouverture via Flickr / Jean-François Gornet