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L'avenir de la télé sportive passe par la VR que ça vous plaise ou non

Les professionnels du sport télévisé tiennent absolument à incruster la réalité virtuelle dans leur offre, tant pis pour les fans pauvres ou dubitatifs. Mais pourquoi diable ?
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Photo : Mickey Aloisio

C’était une première dans l’histoire de la compétition. L’été dernier, à défaut d’être en Russie ou dans un bar avec des amis, les spectateurs français pouvaient suivre la Coupe du monde dans un casque de réalité virtuelle grâce à une application développée par une grande chaîne de télévision. Portée par notre époque formidable, la « VR » s'installe progressivement dans le divertissement sportif. La Ligue de football professionnel (LFP) la prend tellement au sérieux qu'elle l'évoque dans son plan stratégique de développement pour la période 2017-2022.

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Aux États-Unis, la réalité virtuelle suscite un enthousiasme similaire. La National Basketball Associaiton (NBA) collabore depuis 2016 avec Next VR, l’un des leaders du marché. Grâce à des caméras 3D disposées dans la salle, les spectateurs disposant d’un casque peuvent suivre une rencontre en réalité virtuelle. Les autres ligues sportives américaines d'importance comme la Major League Baseball (MLB) ou la National Football League (NFL) sont également dans le coup. En 2017, la première s'est associée à Intel pour proposer une rencontre en VR par semaine au mois de juin et la seconde a diffusé cinq émissions post-match en VR.

Dur de vibrer en VR

Tous ces organismes promeuvent leur offre en réalité virtuelle en parlant d'immersion. Mais cette technologie suffit-elle seulement à transmettre les émotions du stade ? « Le but est d’améliorer l’offre pour les fans, qui ont une nouvelle, innovante et excitante façon de suivre leur équipe » précise Tom Impallomeni, qui a travaillé pendant plusieurs années dans l’industrie sportive, où il était en charge des partenariats de réalité virtuelle entre ligues et diffuseurs.

Une chose est sûre : la VR ne fait pas l’unanimité, notamment parce qu'elle rompt avec le modèle de « consommation sociale » du sport. « J’ai l’habitude de regarder le sport chez des amis ou dans un bar et la réalité virtuelle est une expérience assez solitaire que l’on vit principalement seul chez soi » juge Maxime, qui a utilisé la réalité virtuelle pendant la Coupe du monde. Stéphane, fan de basketball, aimerait lui tester la VR au cours d’un match NBA, « mais pas pour du football, car tu vas au stade pour l’ambiance et le phénomène de masse, ce que tu ne retrouves pas avec un casque de réalité virtuelle sur la tête. »

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Pour le moment, la VR s’adresse manifestement à un public spécifique. « Le défi pour cette ligue est de savoir comment apporter cette expérience à notre milliard de spectateurs dans le monde entier qui n'auront jamais l'occasion de voir un match en personne », déclarait récemment Adam Silver, PDG de la NBA, au cours d’une conférence. Les jeunes générations, plus connectées, passent pour une cible privilégiée.

Des euros bien réels

Mais pourquoi le sport s'intéresse-t-il autant à la réalité virtuelle ? Pour Tom Impallomeni, la réponse est évidente : « Les sports professionnels comptent parmi les événements télévisés les plus rentables au monde. » Très peu de programmes peuvent se targuer d’être aussi fédérateurs que le Super Bowl, la Coupe du monde de football ou les Jeux olympiques.

Le but de l’industrie de la VR est donc de nouer des partenariats avec les propriétaires des droits de diffusion à la télévision. Cela peut être des ligues comme la NBA ou des chaînes ayant acheté ces droits à une ligue. L'entreprise HTC, par exemple, a signé un partenariat avec l’écurie de Formule 1 McLaren. Elle a ainsi lancé un casque HTC Vive Pro au couleur du constructeur automobile, qu'elle livre avec deux jeux VR estampillés McLaren.

Néanmoins, mieux vaut ne pas rechercher le profit immédiat quand on se lance dans la réalité virtuelle. En guise d’exemple, Grégory Maubon évoque la dernière Coupe du monde de football, qui a été diffusée en réalité virtuelle « C’était une folie financière, mais la précédente avait été filmée en 4K, donc il fallait embrayer. Si on attend que tout le monde ait un casque Oculus Go chez lui pour filmer des vidéos en 360, on va attendre longtemps. »

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La réalité virtuelle a des problèmes qu'aucun publicitaire talentueux ne pourra résoudre.

Il s’agirait donc d’un pari sur l’avenir : développer la réalité virtuelle dès aujourd’hui pour qu’elle devienne la norme de demain. « Dans mon expérience, il y a deux business models. Celui de Next VR, qui achète les droits à des ligues, n’est pas encore rentable, car ces droits TV sont onéreux, mais espère devenir l’unique expérience de visionnage en réalité virtuelle, établir un monopole » dévoile Ishaani Mittal, étudiante au Georgia Institute of Technology, à Atlanta et UX designer spécialisée dans les interactions entre sport et technologie.

« Le second modèle, c’est lorsqu’un accord passé entre l’entreprise de VR et le détenteur des droits TV permet de lancer une plateforme commune en réalité virtuelle » conclut Ishaani Mittal. Partenaire de Fox Sport, la société Livelike diffuse par exemple en VR des matches programmés par la chaîne.

L’un des freins à la démocratisation de la réalité virtuelle reste le coût des casques, plusieurs centaines d'euros minimum. Cependant, Grégory Maubon estime que la création d’abonnements spécifiques pourrait inverser la tendance : « Imaginez que Canal + lance un abonnement pour tous les matches de football en réalité virtuelle, plus un casque Oculus Go, pour 40 euros par mois. Cela occasionnerait un sacré changement d’échelle pour la distribution de ce casque, car les gens n’achèteraient plus un objet, mais du contenu. »

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Publicité, vertiges et nausées

La diffusion de la réalité virtuelle sportive pourrait faire d’autres heureux : les publicitaires. « C’est le rêve de l’annonceur, car le téléspectateur est concentré, engagé » s’enthousiasme Tom Impallomen. « La VR offre un nouveau canal permettant de toucher les clients de manière engageante. Certains des moteurs de jeu les plus utilisés (tels que Unity et Unreal) créent leurs propres blocs d'annonces et leurs propres réseaux. D'autres sociétés de publicité innovantes, telles que Anzu.io et SuperAwesome.tv, sont en tête des nouvelles technologies de la publicité. » Grégory Maubon dépeint plutôt la publicité en réalité virtuelle comme « quelque chose de subtil, à l’image des placements de produits que l’on voit actuellement dans le cinéma. » Une publicité qui occupait déjà une place prépondérante dans les expériences de réalité virtuelle d’Oculus Venues lors de la Coupe du monde de football 2018.

Malheureusement, la réalité virtuelle a des problèmes qu'aucun publicitaire talentueux ne pourra résoudre. Au-delà du coût des casques, cette expérience occasion nausées et vertiges chez certains utilisateurs. Mais les enjeux économiques expliquent pourquoi l’industrie ne lâche pas l’univers sportif, alors que le nombre d’adeptes demeure faible. Les personnes que nous avons interviewées sont pourtant unanimes : le futur de la diffusion des programmes sportifs passe par la réalité virtuelle. Reste à savoir si les fans finiront par adopter leur avis.

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