FYI.

This story is over 5 years old.

Music

A l'aube de l'ère selfie-stick, The Men reste votre dernier espoir de survie

A quelques jours de leur retour à Paris, dans le cadre du festival City Sounds, on a été discuter de l'industrie du disque et de concours à la con avec le groupe New-Yorkais.

Hey les punks, vous trouvez ça malin de de sortir six fois de suite le même album ? Vous avez entendu parler de trucs comme l'évolution ou la remise en question ? Non ? Alors cassez-vous et faites place à The Men, les hyper-actifs les plus bruyants de Brooklyn. Depuis 2008, The Men a sorti 5 albums et à peu près tout essayé, de la noise au honky-tonk. Pour leur dernier album, Tomorrow’s Hits sorti en 2014 sur Sacred Bones, ils ont fait sauter les barrières qui séparaient le punk de Bruce Sringsteen. Plus accessibles ? Non, juste bourrés de bonnes idées et incapables de tenir en place. A quelques jours de leur retour à Paris, dans le cadre du festival City Sounds, Mark Perro, guitariste et chanteur, a accepté de nous en dire un peu plus sur la trajectoire de The Men, l’importance d’écrire de bons morceaux et les rapports qu'il entretien avec ses voisins homonymes de MEN.

Publicité

Noisey : Vous avez fait du chemin depuis votre premier album. Immaculada était plus bruyant et plus noise que Tomorrow’s Hits, qui tombe clairement plus dans le classic rock. L’évolution a été rapide, si on considère que Immaculada est sorti il y a 5 ans.
Mark Perro : Ouais, je suppose que c’est vrai dans une certaine mesure, mais ce n’est pas vraiment ce qu’on a ressenti. D’ailleurs, je sais pas si on peut appeler ça une évolution. Toute évolution implique un changement, le fait de devenir autre chose, or ce n’est pas du tout le cas pour nous. Aucun de nos albums ne peut nous définir en tant que groupe ou en tant que personne. Ce sont juste des instants, pris au vol. Je ne considère par un album comme une pièce faisant partie d'un ensemble plus vaste, à laquelle tu dois te conformer par la suite, mais plutôt comme un projet à part entière, réalisé à un moment donné de ton existence. Par exemple, on a dû attendre deux ans avant de sortir Tomorrow’s Hits. Et au moment où il est sorti, j’étais déjà complètement passé à autre chose. Complètement. Maintenant, je me sens mieux vis-à-vis de cet album mais l’industrie du disque est un énorme merdier. Ou, en tous cas, ça ne colle pas du tout à notre manière de faire. On vit dans l’instant. Enregistrer un album, attendre deux ans pour qu’il sorte, être toujours à fond derrière et partir un ou deux ans en tournées ce n’est vraiment pas notre truc. Ça a tué notre créativité, compliqué nos relations avec le label et ça a niqué l'ambiance au sein du groupe pendant un moment. En sortant quasiment un album par an, vous vous imposez un rythme très soutenu, surtout quand on tient compte de tous les changements que vous apportez à votre musique. Ça a l’air de vous faire chier de toujours faire la même chose.
Ouais, on ne jure que par la nouveauté. Dans un monde idéal, je ne jouerais jamais deux fois le même morceau. C’est sur cette idée de nouveauté qu’on a fondé le groupe, on voulait tenter des trucs différents, essayer de nouvelles choses et tout donner, pour le meilleur comme pour le pire. Quand on a sorti New Moon et Tomorrow’s Hits, on nous a fait des réflexions genre « The Men sont devenus moins bons » ou « ils font des trucs plus accessibles, pour vendre plus de disques ». Ce type de conneries. À mon sens, c’était nos albums les plus expérimentaux. C’était complètement nouveau pour nous. On s’est vraiment donné sur ces albums.

Publicité

On est un groupe de compositeurs, on a toujours écrit des morceaux. Pour nous, c’est le plus important et c’est valable pour chacun de nos albums. On veut juste écrire les meilleurs morceaux possible.

Votre dernier clip,

« Pearly Gates »,

a été intégralement filmé avec une hi-8 par votre pote Brian Chillemi, un obsédé des années 70. Pour Different Days, votre clip précédent, vous avez organisez un concours. C’est quoi la vidéo la plus dingue que vous ayez reçu ?

Je vais pas te mentir, mais c’est toujours douloureux pour moi de parler de ce concours. D’abord je dois faire un disclaimer, j’ai trouvé ça génial et très flatteur qu’autant de gens aient pris de leur temps pour réaliser une vidéo pour l’un de nos morceaux. C’est cool, et la vidéo gagnante est plutôt pas mal. MAIS, ce concours a été organisé sans l’accord du groupe, personne ne nous en avait averti (ou pas tout le groupe en tout cas) et sérieusement, ça craint. On accorde énormément d’importance aux artworks, peut-être un peu trop. On est très portés sur l’esthétique que dégage le groupe. Les vidéos font partie de cet esthétique, on a bossé pas mal d’années avec Brian Chillemi pour nous créer une certaine identité.

Découvrir après tout le monde ce concours, et voir quelle vidéo avait été élue et choisie pour Different Days sans qu’on soit au courant de rien, ça m’a tué. Dis-toi que j’ai découvert ça en lisant un article sur Internet. Ce n’est juste pas notre façon de faire.

Publicité

Pour en revenir à Brian, on a toujours adoré bosser avec lui, c’est un réalisateur doué et un musicien de talent. C’est aussi un ami très proche. Il joue dans un groupe qui s’appelle Junk Boys, tu devrais écouter !

Deux des membres du groupe font aussi partie de Dream Police. Le premier album, Hypnotized est sorti l’an dernier, sur Sacred Bones aussi. Cette même année vous avez sorti Tomorrow’s Hits, comment vous trouvez le temps pour tout ça ?
Comme je l’ai dis, Tomorrow’s Hits a été enregistré en 2012, donc quand il est sorti, on était déjà passé à autre chose. Ca posait problème, et c’est en partie ce qui nous a poussé à fonder Dream Police. On était bloqué avec Tomorrow’s Hits et tout le bordel qui a suivi. Il n’y avait plus aucune créativité, on était pris dans le piège de l’industrie musicale et on devait se conformer à ses règles idiotes.

Au début, on a monté Dream Police avec Nick parce que nos idées n’étaient pas forcément acceptées par le reste du groupe, ou qu’on ne disposait pas de suffisamment de temps pour les mettre en oeuvre. Dream Police est né en réaction à The Men, en quelque sorte, quand le groupe merdait complètement. C’est la même chose pour l’album Hyponotized, on l’a enregistré quand plus rien n’allait dans The Men, il fallait qu’on fasse quelque chose d’autre. Les morceaux qu’on a enregistrés auraient pu être pour The Men si tout allait bien à ce moment là dans le groupe, mais finalement on a trouvé ça cool, et Dream Police est devenu un projet à part entière.

Publicité

C’est étrange mais tous vos albums, de vos débuts noise à aujourd’hui ainsi que votre projet parallèle ont été sortis sur Sacred Bones. Et je suppose aussi qu’il n’y a que vous dans Dream Police, sans membre extérieur. Vous ne vivez que pour le changement et la nouveauté, mais toujours dans des environnements qui vous sont familiers.
En fait, on est 3 dans Dream Police : Nick, notre pote Russell Hymowitz et moi. Russ est un des meilleurs bassistes je connaisse et c’est un type plein de vie, hyper déconneur. On a un autre pote aussi, Kyle Hagerman qui a joué un rôle central dans l’enregistrement de l’album. Il a été ingénieur son pour The Men pendant des années, c’est comme s’il était membre du groupe mais sans jouer d’un instrument. Sans Kyle, l’album de Dream Police n’aurait jamais vu le jour.

Ce n’est pas tant une question de changement, mais plus de développement. Comme pour tous les albums de The Men, on a eu les mêmes motivations : écrire de bons morceaux.

The Men est un groupe de Brooklyn, comme le collectif d’artistes MEN qui a été fondé par des membres de Le Tigre. Ça peut prêter à confusion. Vous vous êtes déjà retrouvé dans des situations gênantes à cause de ça ?
Au début, les gens nous confondaient pas mal, mais plus tant que ça aujourd’hui. D’ailleurs, j’en avais parlé à JD de Le Tigre. Une fois, une paire de crétins s’étaient pointés à une performance de MEN en pensant que c’était un concert de notre groupe. Ils ont pas supporté, ils s’attendaient à du rock bien violent et ils ont fait de la merde sur place, ils se sont finalement fait jeter du show. Ça nous est revenu aux oreilles et ça m’a rendu furieux, ça donnait une très mauvaise image du groupe. Je suis un gros fan de Le Tigre et de tout ce que ces filles ont fait. Je les soutiens à fond. D’ailleurs, j’ai voulu organiser un concert de MEN et The Men, j’ai fait une proposition à JD mais elle ne m’en a pas reparlé depuis. Ça pourrait être très cool.

Time Out New York vous a rebaptisé « Thurston Moore and the E Street Band ». Vous en pensez quoi ? Vous jouez tous les deux au City Sounds Festival et j’ai cru comprendre que vous aimiez jammer. C’est peut-être le bon moment pour faire honneur à votre nouvelle réputation et monter un groupe de reprises de Bruce Springsteen avec lui ?
HA, et bien Thurston, si tu es dans le coin, sache qu'on est chauds pour jouer avec toi. C’est cool d’être comparé à des artistes qui t’ont beaucoup apporté. Mais en vérité, je veux juste qu’on sonne comme The Men. C’est ce que je préfère, quand on me dit qu’on sonne comme nous et rien d'autre. The Men jouera de 17 juillet à la Cigale, dans le cadre du City Sounds Festival, aux côtés de Thurston Moore, Heavy Trash, White Hills, Mystery Lights et Beech Creeps. Et on a évidemment des places à vous faire gagner ici.