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Music

Laisse moi ton 0666 : on a testé un speed dating metal

Ça se passait il y a quelques jours à Brooklyn et on y a entendu tout un tas de trucs sur l'amour, l'alcool, le punk et Shane Smith.

Toutes les photos sont d'Alex Colby

Il y a de l’amour dans l’air. Et il y a aussi une machine à fumée. C’est le comédien et humoriste Dave Hill qui anime la soirée au micro et derrière les platines. Il s’agit du premier « Speed Metal Speed Dating », organisé au Saint Vitus Bar de Brooklyn, New York. La tagline : « Rencontrez l’être unique qui vous suivra jusque dans les tréfonds de l’enfer au son du speed metal et de tous les autres genres possibles et imaginables de heavy metal. » Hill n’est pas nouveau dans le secteur du speed dating : il en a déjà animé un dédié aux fans des Smiths et de Morrissey en 2009. « Mon pote Kent est proprio du Black Rabbit, et m’avait suggéré d’y organiser une soirée », raconte Hill. « J’ai suggéré un speed dating sur le thème des Smiths, pour déconner, parce que c’est vraiment absurde. Et comme je suis plutôt du genre à ne jamais laisser tomber une idée, surtout quand elle est ridicule, j’ai foncé. » Malgré son histoire avec Moz, l’humoriste - dont le groupe préféré est Black Sabbath (« ils sont l'incarnation du metal par excellence ») - est très optimiste quand à une version metal de l’événement. « Que tu viennes ici pour draguer ou juste pour voir comment ça se passe, ça va être cool. Comme à chaque fois. Si en plus tu aimes picoler ou écouter du metal, tu vas forcément t’amuser. Et évidemment, si tu viens pour rencontrer quelqu’un, dis-toi qu’il y a une tonne de gens qui se sont inscrits. C’est vraiment ce que j’aime ici à New York : quand tu as une idée marrante, c’est très simple de la faire exister », dit-il. « Si j’en crois mon expérience sur la soirée Smiths, je peux t’assurer que des gens vont se rencontrer, certains vont décider de se revoir plus tard, d’autres iront s’emballer dans les toilettes. » Il émet une réserve, toutefois : « Bon, il se pourrait aussi qu’un fan de grindcore rencontre un amateur de doom et que ça se passe très mal entre eux. » L’organisatrice de la soirée, Trish Nelson, nous précise que ce soir, il s'agit avant tout d' « un événement destiné aux hétéros, mais on envisage déjà d’en faire une version LGBT à l’avenir, si on perçoit de l’intérêt dans la communauté. » J’ai évoqué le début de polémique sur la page de l’événement Facebook, où certains craignaient que ça ne devienne une « foire à la saucisse » composée en grande partie de mecs, mais elle m’a confié avoir reçu autant d’inscriptions d’hommes que de femmes, précisément 38 de chaque sexe, et avoir dû refuser du monde à la porte. « Les mecs doivent comprendre une bonne fois pour toutes qu’il y a aussi un paquet de fans de metal chez les filles », ajoute-t-elle. J’ai discuté avec quelques participants avant le début de l’événement. Sandra m’a dit : « Je n’ai jamais participé à un speed dating. J’en ai déjà vu dans d’autres bars et je me suis toujours foutu de la gueule des gens, tellement je trouvais ça ridicule. L’événement d’aujourd’hui me semblait assez ridicule pour que j’y participe pour me marrer un peu. Évidemment, je n’attends pas d’y rencontrer le Prince Charmant du metal, mais peut-être quelqu’un de sympa avec qui je pourrai parler de musique. »

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Jimbo Slice : Je voulais juste sortir de chez moi parce que c’est dimanche. Il y a pas mal de monde. Noisey : Est-ce que tu as l’habitude de draguer dans la communauté métal ?
Je ne fais pas attention à ça, mais je crois que oui. Quel est ton groupe de metal préféré ?
Je n'y ai jamais vraiment réfléchi. Mais les groupes vers lesquels je reviens toujours sont Judas Priest, Scorpions et KISS. Après leur avoir donné quelques instructions, Hill ordonne aux participants : « Draguez aussi vite que l’éclair ! » La fumée remplit alors la scène, et sur un écran sont projetées des scènes de Heavy Metal Parking Lot, Vikings, Game of Thrones et d’autres vidéos appréciées des headbangers. Le Saint Vitus Bar est rempli de chaises mais certains « couples » sont obligés de se tenir contre un mur tellement il y a de monde. Chaque rencontre dure le temps d’une titre (« ou de deux morceaux courts », précise Hill) à la suite de quoi les garçons changent d’emplacement, pour le prochain meeting. Alors que les participants n’en étaient qu’à leur deuxième rencontre, un client mécontent est sorti en furie. Je l’ai rattrapé au bar, et j’ai cherché à en savoir plus. Il a refusé de me donner son vrai nom, et m’a suggéré le pseudo Sam Snodgrass. Il m’a raconté ce qu’il venait de se passer : « J’ai raconté cette histoire à une fille, un truc assez bizarre, je le conçois. Quand j’allais à l’école à New York, mes camarades ne payaient pas leur repas, et je ne comprenais pas pourquoi, ce qui me rendait envieux. En fait, ils avaient des aides sociales. J’essayais juste d’expliquer à la fille que j’avais été con toute ma vie, que j’avais beau comprendre cette histoire de privilèges, mais qu’au final j’étais assez stupide. Bizarrement, elle a pris ça pour elle, m’a jeté son verre au visage, puis un citron en plein gueule, et m’a traité de sous-merde. »

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Noisey : C’était ton deuxième rencard, et il t’en reste 36. Tu comptes arrêter maintenant, ou tu y retournes ?
Snodgrass : Je ne veux plus m’approcher de cette meuf en tout cas. Elle est GRAVE ! Tu n’es pas obligé de lui parler.
Mais je vais être obligé de la voir. Elle a été SI ABJECTE ! J’ai discuté avec d’autres gens au cours de la soirée, certains sont plus optimistes que d’autres. Angie : Au bout de dix rencontres, je crois que tout le monde est fatigué d’avoir à poser les mêmes questions. Certaines personnes sont juste timbrées, d’autres sont gays et font une sorte d’expérience sociale. Mais c’est cool, parce que je suis moi-même venue avec ma petite amie, et on fait nous aussi cette expérience. La plupart des gens sont quand même très sympa. C’est un peu une boum gothique.

Teddy : C’est sans doute la chose la plus bizarre que j’ai faite dans toute ma vie. La drague en ligne, c’est clairement de la merde, mais ce truc est encore pire. Noisey : Tu aimerais retenter l’expérience ?
Certainement pas. Tu n’as pas encore rencontré beaucoup de filles, ça pourrait aller en s’améliorant, non ?
Je ne pense pas. Quel est ton groupe de metal préféré ?
Discharge après 1984, c’était assez metal. Enfin, ils faisaient dans les chansons pour emballer les filles, et ils jouaient super mal, mais quand même ! Et puis, ce soir, c’est moi la caution punk. Avec ton jogging Adidas ?
Si tu regardes l’ensemble de mes fringues, le jogging dit « Hey, je suis punk, mais je n’en suis pas moins sportif. Et combien de t-shirts Ride The Lightning de Metallica tu as pu voir ici ?

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Mike : Je ne sais plus combien de personnes j’ai rencontrées, et je n’ai retenu aucun prénom. Peut-être qu’il faudrait que je prenne des notes. Noisey : C’est vrai que ce n’est pas très logique. Tu es supposé échanger des informations.
C’est pour ça qu’on est ici ? Si tu comptes revoir quelqu’un, oui.
Rachel : Moi je crois que c’est du speed dating mal organisé, donc il faut qu’on se débrouille tout seuls.

Mike : Je suis censé récupérer des numéros de téléphone ?

Rachel : C’est toi qui vois ! Ou bien tu donnes le tien !
Mike : Ah ok. Bon, j’aurais dû apporter un carnet, avec mon numéro de téléphone dessus. La plupart des gens ont leur téléphone sur eux, tu comprends, un truc qui leur permet de… Enfin, tu vas bien trouver une solution.
Mike : Tout le monde a l’air très gentil et je m’amuse bien. Je rigole beaucoup. Je rigole aussi de la situation. [En regardant Rachel] Et c’est agréable de trouver quelqu’un d’autre avec qui se moquer du truc.

Kanika : Chou blanc pour moi jusqu’à présent, mais déjà quelques plans à creuser, alors que je n’en suis qu’à mon sixième rencard. Noisey : Ton groupe de metal préféré ?
Ministry, ça compte ? Non, non, attends : Tool ! Après deux heures de rencontres, Dave Hill siffle la fin de l’événement, bien qu’il restait encore une quinzaine de tours. Alors que les gens se lèvent pour aller boire un verre, se réunissent en couples et s’éclipsent, ou encaissent la fatigue de la soirée, un semblant de désordre se fait jour, et Hill propose aux gens de continuer à faire connaissance de façon plus informelle, autour d’un verre. Ça se transforme en une soirée normale au Saint Vitus Bar, sans speed dating.

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Je décide alors de récupérer des témoignages à chaud.

Rutger : C’était cool. Je dirais que j’ai rencontré plus de gens mal à l’aise que ce que j’avais imaginé. Des gens qui en réalité n’avaient pas envie d’être ici. J’ai rencontré cette femme, très gentille, qui m’a dit : « Je suis venue seule, et c’est vraiment trop angoissant pour moi. » Je lui alors proposé un truc : « Tu sais ce qu’on va faire ? Quand il va dire ‘transition !’, on va se lever, tu vas te barrer, et je vais aller aux toilettes. » Puis je suis passé à Barbara. Barbara : Ouais, Rutger a carrément sauvé cette pauvre fille. Noisey : Tu t’appelles Barbara ? Pourquoi as-tu retiré ton étiquette ?
Je ne l’ai pas retirée. Un type s’est frotté à moi de façon assez agressive, l’étiquette s’est détachée et s’est collée contre lui. J’imagine que vous deux, toi et Ruger, faites partie des succès du speed dating de ce soir.
Barbara : Il est un peu mon échappatoire, oui. Mais il est un peu trop grand, et il a dû se baisser très bas pour être pris en photo avec moi.

Rutger : Je me suis incliné devant toi. Et on est dimanche. Et quand je m’agenouille un dimanche, faut pas déconner, c’est du sérieux.

Barbara : Il s’est quasiment allongé sur le sol pour moi !

Quand je demande à Ryan son avis sur la soirée, il me montre un sms qu’il a envoyé à un ami :

« Je peux voir la carte des vins ?
- On n’a qu’un seul vin à la carte. » Noisey : Ok, t'es venu pour le bar. Et ton point de vue sur le speed dating ?
Je m’attendais à voir pas mal de gens bizarres. Et ce fut le cas. De bonnes chances de rencontres, mais peu de bonnes rencontres - d’un côté comme de l’autre. Je n’ai ni demandé ni donné de numéro de téléphone. J’ai quand même rencontré quelques personnes avec qui je pourrais peut-être traîner, mais bon… Tu le referais ?
Oui, sans doute. Le seul souci, c’est que la musique était trop forte, et j’ai perdu ma voix au bout de quatre tours. Ils auraient pu faire un truc plus calme, ce qui aurait été un peu contraire au thème de la soirée, je l’avoue. Du metal easy-listening ! Alors que les gens quittaient le bar, j’ai pu discuter à nouveau avec deux des participants que j’avais rencontrés avant que l’événement débute. Sandra : Je n’ai récupéré aucun numéro, mais j’ai rencontré quelques personnes intéressantes qui n'avaient pas l'air de tordus chelous. Il y a ce mec qui allait au même bar metal où j’allais pendant mon lycée. C’était cool, et j’irai écouter son groupe. Mais c’est quand même très fatigant de parler à autant de personnes, pour moi qui suis plutôt du genre introvertie. Donc j’ai arrêté avant la fin, car je ne pouvais plus avoir une conversation normale. Je pense que j’ai eu ma dose de socialisation pour au moins un mois ! Teddy : Tu bosses pour VICE ? J’ai rencontré une meuf de Vice dans un bar, qui m'a dit qu'au bureau elle était assise à côté de Shane Smith. Je lui ai dit de dire à votre boss qu’il était nul et complètement à côté de la plaque en ce qui concerne le punk. Noisey : Comment ça s’est passé pour toi ? On a discuté plus tôt dans la soirée.
Teddy : C’était beaucoup plus bizarre que d’aller dans un bar et draguer des filles. C’était un truc complètement artificiel. On a encore discuté de son jogging Adidas, et il a insisté sur le fait qu’il le portait parce qu’il était très sportif, et qu’il était allé deux fois à la salle de muscu ce jour-là. Il a retiré sa veste pour me montrer ses biceps, ce qui nous a amenés à parler de son tatouage : JFK qui vient de se faire tirer dessus, du sang coulant de son crâne. Noisey : C’est quoi ce truc ? Tu n’aimes pas JFK ?
Teddy : Rien à voir, c’est juste pour le côté choquant de l’image. Juste avant de quitter le bar, j’ai rencontré Joe. Je l’avais repéré dès le début, à cause de ses cheveux rouges, mais aussi parce qu’il utilisait des béquilles, ce qui me paraissait assez contraignant quand on doit changer de chaise toutes les cinq minutes. Il m’avait l’air d’avoir un avis assez positif sur la soirée.

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Joe : Je suis musicien, et je suis donc habitué à parler aux gens. C’est agréable de parler à des gens qui sortent un peu du lot. Il sort son téléphone et me montre une vidéo hyper bien produite de son groupe, Night Spirit, en m’expliquant que le guitariste jouait dans Blue Öyster Cult. Je n’arrivais pas à entendre le son dans le brouhaha du bar et je suis allé visiter son site plus tard. J’y ai appris que Joe était le chanteur, compositeur et producteur exécutif du groupe, qu’il se faisait appeler « Animal », et que son guitariste était un sacré shredder. Il n’avait pas ses béquilles avec lui quand on a discuté, et je ne lui ai donc pas fait de questions à ce sujet. Mais en lisant sa bio, j’ai appris qu’il avait été diagnostiqué d’une paralysie motrice cérébrale quand il était enfant, et que « même s’il avait des contraintes physiques, ce n’étaient que des défis qu’il fallait savoir relever ». Joe avait fait le voyage depuis Staten Island pour essayer le speed dating, et m’a confié qu’il reviendrait s’il y avait une nouvelle édition. Joe : L’important, c’est de rencontrer des gens et de travailler sur tes qualités sociales. S’il y a une connexion, alors tant mieux. Sinon, tu auras toujours bu quelques bières et rencontré des gens sympa. Je suis d’accord avec Joe. Même si quelques participants avaient un point de vue négatif sur l’événement, il semble évident que la plupart d’entre eux a passé un bon moment. Et même s’ils se plaignaient de n’avoir rencontré personne ou d’avoir trouvé le moment un peu bizarre, ils se plaignaient et compatissaient tous ensemble au bar, l’occasion de faire alors plus ample connaissance. Au final, je pense que ce premier Speed Metal Speed Dating était une réussite. Je ne peux pas m’empêcher d’imaginer à quoi ça ressemblerait avec d’autres genres ou artistes : un speed dating rockabilly ? Dubstep ? Juggalo ? Fais-nous rêver, Dave Hill !

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Christine Colby est sur Twitter.