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Allume ton bang et écoute cette putain de compilation de Wizard Rock

Entre le Vietnam, Nixon, et Peter Frampton, qu'est-ce que tu pouvais faire durant les années 70, sinon te défoncer et balancer des riffs monolithiques ?

Entre le Vietnam, COINTELPRO, Nixon, Peter Frampton, Barry Manilow et tous les autres trucs horribles qui ont ravagé les années 70, il était normal pour tous les gens munis à l'époque d'une guitare et/ou d'une moustache de se défoncer au méga-max. Si vous vous étiez suffisament bien démerdé pour échapper à l’armée, vous saviez que votre esprit devait à tout prix aller tenter sa chance ailleurs, et pour des légions d’ados nord-américains, la porte de sortie a été la Sainte Trinité formée par Black Sabbath, Led Zeppelin et un sachet de weed locale bas-de-gamme. Une combinaison qui donna naissance à de nombreux groupes – des légendes vivantes comme Pentagram, Sir Lord Baltimore et Warpig, mais aussi, bien sûr, tout un tas de pouilleux dont le quart d’heure de gloire s'est résumé à un 45 tours mal pressé et une anecdote sur la fois où ils avaient ouvert pour Alice Cooper à Ypsilanti, Michigan ou pour Allman Brothers à East Dogdick, Arkansas. Entassez tous ces types dans une cave remplie de bouquins de Tolkien et de jeux de rôles pré-Donjons & Dragons et vous obtiendrez la base de Warfaring Strangers : Darkscorch Canticles, la dernière compilation de Numero Group, un label qui a construit sa réputation grâce à une poignée de compiles R&B et soul tout à fait hallucinantes, et qui présente ici 16 groupes dope-rock méconnus de la fin des 70’s.

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Les noms de ces groupes ont souvent des significations à double-sens (Stonehenge, Stone Axe, Stoned Mace), et leurs morceaux s'appellent « Sorcerer », « Wizzard Kings », « King Of The Golden Hall » ou « Song Of Sauron ». Il y a un groupe qui s’appelle

Air

, mais qui n’a

rien

à voir avec ces deux types un peu maigres de Versailles. Vous saisissez le truc. Tous ces groupes ne jouaient que lors de beuveries, dans des strips clubs ou des bals de fin d’année, mais se démerdaient quand même pour ouvrir aux concerts de Stooges, MC5 ou Bob Seger (comme

Saginaw

ou les petits gonzes de

Sonaura

). Parfois, ils splittaient après une sombre histoire de machine à fumée en panne sur un concert en première partie de Frijid Pink (ce sera le cas du groupe de Chicago,

Gorgon Medusa

). Quand ils parvenaient à jouer ailleurs que dans leur ville, c'était généralement pour se taper la partie la plus sordide de la

Rust Belt,

ou un truc comme le Haut Ontario. Certains groupes répétaient dans des mines de charbon (comme

Stoned Mace,

en Indiana). D’autres ont flirté avec les majors, ont sorti un LP, et ont abandonné pour devenir avocats ou produire des disques de Buddy Miles (comme

Wizard,

de Tampa, Floride). Certains types ne se souviennent même plus des autres membres de leurs anciens groupes, - comme George Bisinov, chanteur/guitariste de

Houston’s Space Rock

, un groupe qui a enregistré son unique single dans un studio construit sous un bowling. Réalise un peu.

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Et ils ont fait tout ça en étant déchirés 24/24.

Savoir si les anecdotes du livret sont toutes vraies n’a pas vraiment d'importance. Les meilleures légendes sont basées sur des rumeurs déformées à outrance et des mensonges pur et durs. Comme Robert Johnson, qui est censé avoir pris des cours de guitare avec le diable en personne. Ou ce type qui aurait fait le premier pas sur la lune. À l'arrivée, on s'en fout : Robert Johnson est un maître indiscutable du blues, la NASA a mis un gros doigt à l’Union Soviétique, et tout le monde a gagné – excepté les Russes, qui ont toujours de la musique de merde et ne sont jamais allés sur la Lune.

Au rayon des bonnes surprises, il y a ce groupe appelé

Wrath

, sorti tout droit de Canton, Ohio, qui était au centre d'une guerre locale intra-scènes avec un jeune Joe Walsh, pré-Eagles. Ils ont rapporté plus tard avoir jammé avec Black Sabbath dans une base militaire d’Atlanta et ont sorti leur seul single en 1975, sur leur propre label, Stone Cold Records. Quand ils sont entrés en studio pour l’enregistrer, le chanteur/batteur Rick Page avait une laryngite. C’est le guitariste Ralph Minocchi qui a ramené sa femme de l’époque, Sherry, pour qu’elle chante sur le morceau « Warlord », ce qu'elle a fait en une seule prise. C’est le deuxième morceau de

Darkscorch Canticles

, et c'est clairement mon préféré. Un genre d'hybride prémonitoire entre Shocking Blue et The Devil’s Blood, qui défonce à 100 %

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Puis il y a « Tasmania » de

Stoned Mace

, qui sonne comme la complainte triste d'un soldat médiéval dans un style à mi-chemin entre les B.O. western spaghetti de Ennio Morricone et « White Rabbit » du Jefferson Airplane. Et il y a aussi ce quatuor de Caroline du Nord au nom mortel,

Black Death

, avec son morceau « Arrogance», chanté par Terry Reid – envisagé un temps par Jimmy Page pour chanter dans Led Zeppelin – qui aurait dû, en toute logique, les rendre célèbres. Sans oublier non plus cet autre groupe du même coin,

Inside

, une version Southern Rock des anglais de The Sweet, qui pond une bombe glam intitulée « Wizzard Kings ». Pour clôturer la compile, le trio texan

Hellstrom

composé exclusivement de musiciens noirs déploie son « Cry For The Newborn », une bizarrerie psych-funk suffisamment lourde et funèbre pour figurer au panthéon hard-rock.

Comme pas mal de récentes compilations axées raretés heavy des années 70 – je pense notamment à l’excellente série

Bonehead Crunchers

du label allemand Belter ou à

Man Chest Hair

sortie en 2012 chez Finders Keepers— les titres présents sur

Darkscorch Canticles

vont du moyen au meilleur. Mais le meilleur vaut le putain de détour.

La compilation est dispo depuis ce mercredi, et vous pouvez la commander directement sur le site de Numero Group.

J. Bennett joue de la guitare dans Ides of Gemini. Peut-être que vous devriez les écouter, non ?