Société

J’ai retrouvé le Crocodile Dundee français en Amérique centrale

Crocodile dundee tom summer costa rica

Il y a bientôt trois ans et demi, j’écrivais un article sans accroc sur un accro aux crocos. L’histoire d’un type assez particulier, aventurier, fan de reptiles, que j’avais rencontré de manière assez random à une soirée (la crémaillère d’une meuf qui allait par la suite devenir ma future ex-copine). Le type en question : Tom Summer. Au tout début, je le pensais beau parleur sous ses airs de gendre parfait, bronzé, musclé, aux histoires dignes des plus grands films de Steven Spielberg édulcoré de quelques détails dont je doutais de la véracité. Mais bon, à l’époque, on avait quand même bien accroché, lui et moi. C’était un type relativement cool au milieu d’une soirée plutôt chiante.

Avec le temps, on est restés en contact et on a continué à s’écrire de façon anecdotique. Je lui racontais ma vie d’étudiant Erasmus à Anvers, il me parlait de ses voyages à travers l’Afrique, à pied, sans thunes ni potes, et surtout avec un paquet de galères. Drôles de conversations que d’échanger sur deux situations qui sont à l’opposé, non seulement géographiquement mais aussi en termes d’adrénaline. Même si Anvers c’est quelque chose, c’est difficile de comparer ça à une traversée de frontières invisibles dans le désert, pourchassé par des miliciens armés d’AK-47 (pour ses 30 ans, il s’était donné comme défi de rallier Avignon à Abidjan à pied en traversant une multitude de frontières à la limite de la légalité, dans des zones contrôlées par des milices).

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Tom habite au Costa Rica et multiplie les boulots grâce à sa débrouillardise de l’extrême. Il prend en photo des animaux qui feraient verdir de peur n’importe quel·le touriste et participe à des aventures extrêmes. « J’en ai fait plein, dans des conditions très particulières, m’explique-t-il. C’est des expéditions transcontinentales dont l’exigence et certaines situations complexes ont parfois donné lieu à des blessé·es graves ou pire… » Ça lui est aussi arrivé de solutionner des situations liées à des crocodiles qui ont décimé la population canine de tout un village – douze chiens en quelques semaines. Et, quand il se fait chier, il se met à l’épreuve. Comme pendant le confinement par exemple : bloqué dans le sud de la France pour une histoire de papiers, il a passé ces quelques mois en tant que réserviste au sein de la Légion étrangère, entre repris de justice, engagés motivés et soldats déchus.

L’hiver dernier, je commençais à déprimer à l’approche du déconfinement, sans savoir où m’échapper. J’ai toujours voulu aller au Mexique, mais le fait que ce soit le seul endroit qui ne demande aucun pré-requis sanitaire sur le plan pandémie y avait attiré en quelques mois les pires êtres humains de la Terre. Du coup, il fallait improviser quelque chose d’autre, semblable mais moins relou. Un jour, alors que je me perdais entre les comparateurs de vols et autres Google Flights, j’ai reçu un message de la part de Tom me demandant une énième fois si j’allais un jour passer le voir. Et je me suis dit : « Pourquoi pas ? » Les heures que j’avais passé avec ce type se comptaient sur les doigts d’une main (deux maxi) et j’allais traverser le l’océan pour vivre 10 jours en pleine jungle avec un presque-parfait-inconnu, quasi sur un coup de tête.

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L’auteur, bien arrivé à destination.

Arrivé à l’aéroport de Juan Santamaria de San José après un vol de onze heures, Tom m’attendait pieds-nus mais en jean (il faut souligner l’effort pour s’adapter à la civilisation), avec une pancarte « Lou Bega » – une comparaison qui me flatte tout autant qu’elle m’énerve. Bref, en parcourant le parking de l’aéroport pour retrouver sa caisse, il me parle de ses problèmes mécaniques. Il avait retapé un 4×4 mais s’était fait arnaquer par un mécano du coin qui avait surfacturé le service pour finalement le rendre dans un piteux état. Le moteur faisait un bruit bizarre ; Tom me prévient qu’il ne faut pas que je m’étonne si jamais il lâche. C’était bon signe pour nos expéditions dans la jungle. Surtout que la bête en question, c’est un monstre mécanique qui, au-delà du pare-buffle, du pot d’échappement sur le toit et des phares qui peuvent aveugler n’importe quelle espèce vivante, n’offre pas de ceintures ni de fenêtres. Sans parler de la portière qui s’ouvre toute seule. La première ride sur l’autoroute était déjà forte en émotions.

« J’attrapais des serpents venimeux et je faisais exprès de me faire mordre. Ça enfle la main et te donne des troubles neurologiques passagers. C’est comme la sensation d’être ivre et tu dis des trucs incohérents sans t’en rendre compte. »

On arrive chez Donato, un pote de Tom ; un Napolitain exilé au Costa Rica, qui est passé par Zurich et le Québec avant d’atterrir ici. Il loue des chambres en Airbnb à bas prix et s’occupe de plusieurs business dont il ne veut pas forcément révéler la nature. Une chose est claire au Costa Rica, la plupart des expats sont soit retraité·es soit en exil loin de la justice européenne. Sur ma route, je vais croiser plusieurs anciens dealers internationaux et repris de justice espagnols ou français. Quoiqu’il en soit, le calme et la tranquillité sont des attributs que tout le monde recherche en arrivant ici. Tout l’inverse de ce que je m’apprête à vivre.

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À peine mon sac à dos posé dans une chambre, on me propose d’acheter quelques remontants pour l’apéro – bières, vodka, rhum – et on me file le numéro d’un dealer. Pas forcément chaud pour me mettre la tête à l’envers dès le premier soir, mais curieux d’aventures, on commande du LSD (en micro-dosage) et quelques binch’ pour se mettre dans l’ambiance. De quoi se rafraîchir alors que l’humidité et la chaleur tropicale se font sentir. Il y a aussi de la coke sur la table, mais c’est pas trop mon truc.

On passe la soirée à picoler, blablater et on m’explique un peu mieux le pays dans lequel je viens d’atterrir. Certain·es peuvent trouver ça intense comme début, mais autant pour le départ que pour l’arrivée, une bonne cuite ça aide toujours à éviter le jetlag. Vers la fin de la soirée, alors que tout est en bordel, notre hôte, friand en humour décalé, balance une cuillère de coke dans un mug dans lequel poussait une petit plante et s’exclame : « C’est une plante de coca, peut-être que si je lui fout de la coke elle poussera plus vite. » Ainsi se clôturait cette première soirée.

Le lendemain matin, on se lève tôt malgré la nuit agitée. Ici, le soleil se couche tôt et se lève tôt. Le rythme des journées est différent à celui que je connais en Europe, donc l’emploi du temps s’adapte. On prend la route vers Turrialba, en plein centre du pays, dans les montages, pour trouver des pièces de rechange pour le 4×4 et, accessoirement, y admirer un autre aspect du pays, plus local, moins connu.

Le Costa Rica abrite 6% de l’écosystème mondial. Pour un pays de quelque 5 millions d’habitant·es dont la superficie est plus petite que le Benelux, c’est pas mal. Sur la route, on croise une végétation dense et riche, des singes, des aras, des papillons comme l’emoji iPhone ou encore des coatis, une sorte de petit raton laveur. Arrivés sur place, on installe les hamacs dans une école abandonnée et Tom s’occupe de faire du feu avec une pierre, style Bear Grylls, pour éloigner les insectes et autres animaux sauvages.

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Avant de se coucher, il me briefe sur les dangers naturels du pays en m’expliquant les différentes bêtes qu’on pourrait être amenés à croiser. Il existe bon nombre de serpents venimeux au Costa Rica et en particulier les Terciopelo (Fer de lance, en français), qui peuvent provoquer d’impressionnantes nécroses sur les personnes mordues, et les Maîtres de la brousse, le plus grand serpent venimeux du continent (entre 2,5 et 3 mètres de long). En l’absence d’anti-venin adéquat, ça peut vous tuer en moins de deux heures.

J’ai toujours eu du mal avec le sommeil, mais bizarrement, malgré la trouille du citadin novice en expériences extrêmes, j’ai dormi comme un bébé et me réveille avec une vue à couper le souffle sur des montagnes qui, jadis, étaient des volcans en activité.

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Tom.

Les jours qui suivent, on les passe sur la côte Pacifique, là où Tom a posé le peu d’affaires qu’il possède. Il habite vers Playa Negra, dans la région du Guanacaste, une zone qui couvre toute la partie ouest du pays, frontalière avec le Nicaragua. C’est à la fois une merveille visuelle, avec ses plages de sable noir à perte de vue, mais également un lieu où la nature reprend tous ses droits et toute sa puissance – à en juger par l’immense Boa constricteur de trois mètres qu’on croise sur la route principale. Cette région, c’est le terrain de jeu préféré de Tom, là où les crocodiles côtoient de très (très) près l’humain.

Entre deux missions de photographe ou de guide touristique, Tom vit la plupart du temps sur la route. Sur lui, il a toujours un hamac, des cordes, une machette et quelques accessoires qui me sont complètement étrangers mais qui pourraient me sauver la vie en cas de situation délicate. Là, on est « chez lui », ou plutôt dans une arrière maison qu’un pote à lui met à sa disposition, faite de tôle et de bois, derrière sa grande villa. Le confort est rudimentaire : un frigo, un matelas, une structure en bois et surtout, pas de murs ni de serrure. Il me raconte que souvent, les petits serpents et les scorpions passent sous la tôle en plus du mini torrent qui peut se former de part et d’autre de la piaule quand il pleut. Dans cette antre, il y a tout ce qu’il possède, c’est-à-dire quelques fringues, du matériel d’expédition et ses appareils photo.

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Tom m’explique qu’il est fan de reptiles depuis tout jeune : « J’étais fan de serpents. Ma grand-mère m’avait offert un livre qui répertorie plus de 600 espèces différentes. J’avais appris leur nom latin et leurs caractéristiques par cœur. J’en attrapais qui étaient venimeux et je faisais exprès de me faire mordre. Ça enfle la main et te donne des troubles neurologiques passagers. C’est comme la sensation d’être ivre et tu dis des trucs incohérents sans t’en rendre compte. »

C’est à Playa Negra qu’un crocodile adulte a bouffé les douze chiens en quelques semaines et, dès le premier soir, on allait s’aventurer dans le milieu naturel de ces dinosaures des temps modernes pour aller les voir de mes propres yeux. Équipés d’un pantalon, de bottes et d’une lampe frontale à lumière rouge (pour apercevoir le reflet des yeux des crocodiles dans le noir), j’ai la tenue parfaite pour rattraper le peu de courage qui reste en moi. À côté, Tom est torse et pieds nus, en short. Deux salles, deux ambiances.

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On accède par la plage à une mangrove tout en attendant que la nuit tombe. De là, je commence à réaliser que ce n’est pas juste une petite virée de routine mais une véritable chasse au crocos, immergés jusqu’aux genoux dans une eau trouble infestée desdits reptiles. Tom me rassure en me disant qu’ils ont plus peur de nous que l’inverse ; difficile à croire vu la vitesse à laquelle ma peur grandit sur le moment.

Grâce à nos lampes frontales, on en aperçoit plus d’une quinzaine, allant de 40 cm à 3m de long. Je fais en sorte de garder une certaine proximité avec la rive et une certaine distance avec les monstres. De son côté, Tom part à leur rencontre et essaye de les faire sortir de leur tanière pour en attraper un et me le montrer.

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Au petit matin, on se fait réveiller par des singes hurleurs. C’est comme un bruit de moteur qui surchauffe, et qu’on entend aux quatre coins de la jungle. Pour la suite du voyage, on fait cap vers Arenal, l’un des plus jeunes volcans du Costa Rica. Il crachait de la lave quotidiennement entre 1968 et 2010.

C’est un lieu sacré pour les Malekus, un peuple indigène du Costa Rica mais il est aussi devenu l’un des lieux les plus touristiques du pays. Tom y va de temps en temps pour gagner sa croûte auprès de voyageur·ses en quête d’aventure.

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Depuis le Covid et ses galères de caisse, la stabilité financière de mon pote a pris un coup et tout business est bon à prendre, ou tout colón (la monnaie costaricienne) est bon à économiser. Et justement, il m’apprend une bonne technique pour ne pas se ruiner tout en profitant des activités que propose la zone.

En Europe et dans les sociétés occidentales, on est beaucoup trop habitué aux échanges monétaires alors que dans d’autres régions du monde, les échanges de bons procédés ou le troc sont monnaie courante. Du coup, au culot, contre quelques photos, vidéos immersives et une poignée de traductions pour leurs sites internet et réseaux sociaux, on a pu profiter peinards de trois nuits d’hôtel dans un trois étoiles, petit-déjeuner et virée en rafting inclus.

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Lors du deuxième jour à l’hôtel, alors qu’on prenait des photos pour notre mission professionnelle et qu’on préparait le matériel pour filmer le rafting, on tombe sur un curieux personnage en plein milieu de la place centrale de la ville. Un vieux hippie, à l’allure 50% Jack Sparrow, 50% Ben Kingsley. Dès que des touristes passent près de lui, il murmure sans trop de discrétion : « Champignons, DMT, Changa… » J’ai vu plus discret comme dealos. À côté de lui, un Espagnol de Madrid, coincé entre le réel et le rêve, vante les mérites des produits de son compère. Il lance : « C’est génial, ça m’a permis de réaliser que le temps n’existait pas, plein de choses de ce monde sont subjectives mes amis. »

Fouineur de nature, je décide de tester son Changa. Par le passé j’avais déjà testé l’Ayahuasca dans une réserve amazonienne, mais là, son équivalent plus soft, en plein cœur d’une zone hyper touristique, piquait ma curiosité. Le Changa, c’est un mélange d’herbes à fumer dans lequel se trouve une plante contenant du DMT. Pour rendre le DMT actif, les producteur·ices ajoutent une plante inhibitrice de la MAO. J’en achète pour deux, le tout pour 20 balles, et je reçois en cadeau un joli petit champignon. Un bon business man ce Jack-Sparrow-Ben-Kingsley.

Le soir, on rentre dans la chambre d’hôtel, j’écris quelques lignes dans mon carnet de voyage et on prépare la chambre pour ce « trip ». Lampes frontales en mode lumière rouge sur le front, chambre dans le noir, musique d’ambiance et une pipe en verre dans la main. J’ajoute petit à petit le Changa sous forme de pâte rougeâtre dans la pipe, puis fume un coup. Je me sens léger mais mon état n’est pas plus altéré qu’après un joint de CBD. On réessaye à plusieurs reprises. Rien du tout. Sur le coup, je me dis qu’on s’est bien fait avoir comme des touristes, malgré une légère sensation d’apesanteur.

Tom va se coucher et moi, frustré, je décide de tenter le tout pour le tout et de mettre ce qu’il reste dans une dernière taffe. Et là, vlan ! Les murs ont commencé à s’illuminer, habillés de néons verts, tout était texturé d’une façon complètement différente à n’importe quelle réalité que je connaissais. Quand je fermais les yeux, j’avais l’impression de tomber dans un trou noir, comme dans Interstellar, et que l’espace-temps apparaissait face à moi. Il ne faisait plus chaud, il n’y avait plus aucun bruit autour de moi, juste une poignée de sensations condensées en un instant. Un trip de quelques minutes qui s’est fini en explosion visuelle de plein de nappes de couleur dans ma tête, pour tout d’un coup se dissiper et redevenir sobre à 100%.

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Au petit matin, on prend la route, direction le sud du pays. On longe l’océan Pacifique en direction du petit village de Dominical. En quelques heures, on passe des montagnes à la jungle, puis de la jungle aux longues plages de sable noir du Pacifique sud. Pour être encore plus dans le contraste, la route nous emmène à travers une succession de paysages socialement très différents. Des petits villages aux maisons en tôle de San Mateo aux complexes immobiliers de luxe de Jaco, en passant par les méga-usines de fabrication d’huile de palme adjacentes aux champs de palmiers à perte de vue. Délire.

C’est la saison des pluies au Costa Rica et, malgré une météo plutôt clémente depuis le début de mon voyage, je n’allais pas y échapper. Dans cette région, il pleut tous les jours à la même heure, parfois pendant quelques minutes, parfois quelques jours. Arrivés à Dominical, on doit chercher un endroit pour poser notre camp avant la tombée de la nuit, sous une pluie diluvienne.

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On décide de s’arrêter près d’une rivière, sous un pont, en plein milieu de la forêt. Le temps d’inspecter la végétation pour voir à quel point le cours d’eau monte en cas de fortes pluies et de décider quel était le meilleur endroit pour installer nos affaires, on finit trempés.

L’heure tourne, il est 17 heures et la nuit commence à tomber. Installer un campement sous une pluie battante, c’est pas une mince affaire. Il faut trouver des arbres assez solides pour y attacher les bâches qui recouvrent les hamacs, trouver du bois sec pour sécher les affaires, installer les moustiquaires… Pendant que j’essaye d’entretenir les braises et rester dans un périmètre sec et safe, Tom court heureux comme un pape, pieds nus, à la recherche du meilleur bois.

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À un moment, il s’exclame « Mec, regarde ce que j’ai trouvé ! » Je m’attends à une trouvaille plutôt positive comme des fruits, un toit, une chambre au sec avec écran plat et douche à l’italienne… Tout l’inverse. Il arrive vers moi, avec dans sa main un des serpents les plus dangereux du continent. « Je t’en parlais la dernière fois, ça ressemble à ça, un terciopelo, me dit-il, tout confiant. Si jamais tu te fais mordre, faut que tu te rappelles de la couleur et des motifs du serpent, sinon l’hôpital ne pourra pas te fournir le bon anti-venin. Et t’as plus ou moins 2-3 heures avant de mourir. » Rassurant, sachant qu’il l’a attrapé à moins de 10 mètres du campement.

Pour me rassurer, je cherche sur Google les statistiques nationales en termes de morts par enveniment. Sur 700 morsures, 10 personnes meurent par an à cause du venin d’un serpent, soit 1,4% des victimes. Le chiffre est bas, je souffle un peu ; mais sur un coup de malchance, on ne sait jamais. Outre une sensation d’être mouillé jusqu’à la moelle, quelques bruits de pas très lointains et plusieurs aboiements, la nuit s’est déroulée sans accroc et, encore une fois, j’ai dormi à poings fermés. Et je me suis réveillé toujours vivant.

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Après plusieurs jours passés à sillonner le pays entre aventures, rencontres et mise à l’épreuve de mon courage (dont je doutais l’existence), je reprends la route vers San José pour mon avion vers Bruxelles. Après un certain temps passé à bouger, se mettre en danger, explorer, il y a toujours comme un certain besoin de retrouver son chez soi. Mais sur le chemin, je prends le temps de réaliser tout ce qui s’est passé. Les relations humaines peuvent parfois pousser à dépasser des limites qu’on se pose, sans qu’on sache si celles-ci ont une quelconque valeur réelle. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un ami aventurier mais, chacun·e à notre échelle, on fait des rencontres aléatoires qui mènent à des situations improbables.

Je sais pas si en refaisant cette aventure une autre fois j’obtiendrais le même résultat, safe et avec plein de souvenirs dans la tête. J’aurais très bien pu finir en amuse-gueule pour croco, kidnappé en pleine jungle par un dealos, sclérosé ou en PLS mortel suite à la morsure d’un terciopelo, en overdose cosmique dans une chambre d’hôtel trois étoiles ; mais cette fois-ci, j’ai simplement vécu une pré-retraite journalistique à mener une vie modeste, pépouze dans la jungle. Que sera, sera.

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