Cet article vous est présenté avec la collaboration du Sosh Big Air d’Annecy qui aura lieu les 30 septembre et 1er octobre.
À l’époque où j’étais barman à l’UCPA, on diffusait tous les soirs des vidéos de snowboard ou de ski dans le hall d’accueil où se trouvaient le bar et l’entrée du réfectoire. Et les vidéos qui ont tourné en boucle pendant toute la saison étaient des vidéos de freestyle. Dès qu’ils rentraient de leurs leçons de ski, les vacanciers se retrouvaient exposés à une débauche d’images de cascadeurs exécutant des pirouettes indéchiffrables pour leurs yeux de non-initiés.
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Bien sûr, la majorité de ces galipettes — les fameux tricks — avaient pour théâtres des stations de ski ou des plaines de neige vierges. Des paysages de haute montage à couper le souffle qui sont les décors naturels de cette pratique. Mais chacune de ces figures contenait aussi son lot d’images street : les riders envahissaient les rues de la ville, glissaient sur les rambardes d’escaliers, sautaient des sets de marches, rebondissaient contre des grillages, faisant du tissu urbain un nouveau terrain de jeu. Ces images avaient le don d’interloquer le moniteur-chef du centre, un ”BE ski” très sympa, mais à l’ancienne, qui skiait à une époque où les doubles spatules et les snowparks n’avaient pas encore fait leur apparition dans le vocabulaire des stations de ski. Pour lui, rider en ville n’avait aucun sens, car le ski et le snowboard restaient avant tout des sports de pleine montagne, de nature.
L’une des évolutions récentes du ski et du snowboard qui a échappé à ce moniteur, c’est le développement de ces pratiques street, directement inspirées du skateboard. D’ailleurs, aujourd’hui, les vidéos de nombreux professionnels se composent en majeure partie — voire en totalité — d’images filmées en ville : le freestyle moderne peut se passer des stations de ski. Et on pourrait même aller plus loin. Depuis quelques années, pas une saison ne passe sans son lot de riders de “frigos” comme on dit. Et chaque année, on ne peut que constater la progression de ces riders.
Il n’y a encore pas si longtemps, la notion de ski indoor faisait bien rire. On voyait ça comme un truc de bourgeois, qui se développait dans les centres commerciaux de Dubaï, de Shanghai ou d’ailleurs. C’était loin, c’était ridicule. Les riches allaient faire trois descentes sur une piste de 100 mètres de long entourée de papiers peints de montagne, dans une atmosphère qu’on imaginait sentir le renfermé et la vieille boots de location. C’est du moins l’idée qu’on s’en faisait. Des pistes de ski indoor, c’est surtout en Europe qu’on en trouve. Le Royaume-Uni compte quatre snowzones. La Hollande, six. Il y en a aussi deux en Allemagne, et une en France. Le snowhall d’Amnéville, à une vingtaine de kilomètres de Metz, c’est 620 mètres de descente pour 90 mètres de dénivelé. Mais aussi une piste débutante et un snowpark. Et en attendant que la folie made in Auchan qu’est Europacity ne sorte de terre, c’est aussi la seule piste de ski indoor en France. Ici comme ailleurs, les exploitants n’ont pas tardé à doter leurs installations de petits snowparks. Quelques rails, voire une bosse ou deux. Pas grand-chose en général, mais au fond, pas de quoi rougir face à l’absence d’infrastructures de nombreuses stations françaises. Amplement de quoi satisfaire les pulsions des riders du coin.
Car, tout comme on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas toujours où on vit. Pourquoi un type né dans la Meuse ou en Moselle devrait-il se contenter d’une semaine de ski par an, et encore, à condition que ses finances le lui permettent ? Prenez Maxime Schillé, par exemple. Ce local du snowhall d’Amnéville se serait retrouvé fort dépourvu si l’idée un peu dingue de construire une piste de ski sur un ancien terril n’avait germé dans l’esprit d’un entrepreneur aux motivations floues. Heureusement pour lui, il a pu développer son art et sa maîtrise des slides dans ces infrastructures. Au point de voir ses edits relayés par Bangingbees, le site de référence du snowboard underground français. Un peu plus au Nord, c’est le crew Postland Theory qui impose le respect. On ne peut qu’halluciner devant le niveau de ces riders et rideuses hollandais, qui se paient le luxe de pondre un edit de plus d’un quart d’heures uniquement composé d’images de frigo. Question maîtrise de la barre de fer, ces jeunes sont largement au niveau de nombreux crews européens !
Privés des grandes descentes à toute berzingue, des runs de bonne heure entre les sapins les jours de neige fraîche, les riders de frigo ont cependant développé une manière de faire du freestyle bien à eux. On peut en voir certains plaquer sans sourciller des tricks de rail à hyper techniques, mais sembler patauds quand il s’agit de slalomer entre des groupes de débutants ou d’aller tout droit dans un mur de piste noire.
Le frigo livre donc des techniciens du rail qui sont parfois hésitants sur des terrains de jeu aussi grands que les stations des Alpes, mais dont la passion a été savamment entretenue par une frustration et des doses homéopathiques. Alors que chez les pratiquants élevés en station, on se prend souvent à hésiter de monter si le temps ne nous convient pas, si la neige est trop lourde, le park pas shapé, les riders de frigo ne peuvent jamais complètement assouvir leurs besoins. Alors, une fois ceux-ci lâchés sur les pistes des stations, pas étonnant qu’ils soient plus affamés que les autres.
Cet article vous est présenté avec la collaboration du Sosh Big Air d’Annecy qui aura lieu les 30 septembre et 1er octobre.