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Music

Les festivals français bouclent-ils leurs affiches à l'aide d'un ouija board ?

On a enquêté auprès des programmateurs des Nuits Sonores, Art Rock, We Love Green, Garorock, des Francofolies et des Vieilles Charrues.

Les programmateurs de festivals : qui sont-ils ? Quels sont leurs réseaux ? Pourquoi avez-vous l'impression de voir toujours les mêmes groupes sur les affiches ornant les postes électriques de votre bled l'été venu ? La sorcellerie est-elle impliquée ? Pourquoi le mot « rock » est présent dans 80% des noms des festivals français ? Comment ça se passe quand Elton John annule ? L'éco-gobelet : bien ou mal ? Qui ne sera jamais le bienvenu ? Qui est subventionné ? Qui tire les ficelles ? Quid de la concurrence ? La diversité culturelle est-elle en voie de dispartion dans l'hexagone ? On a abordé quelques uns de ces sujets avec les programmateurs et programmatrices des Nuits Sonores (dont la 13ème édition avait lieu du 13 au 17 mai dernier à Lyon), de Art Rock à Saint Brieuc (qui fêtait ses 32 ans le week-end dernier), de We Love Green (4ème édition ce week-end au Parc de Bagatelle à Paris), de Garorock (volume 19 à Marmande du 26 au 28 juin prochain), des Francofolies de La Rochelle (qui fêtent leurs 31 ans avec Johnny du 10 au 14 juillet) et enfin des Vieilles Charrues (dont la 23ème édition se déroulera du 16 au 19 juillet à Carhaix).

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Noisey : Combien de temps avant l'évènement terminez-vous la programmation de votre festival ? Les têtes d’affiches sont-elles bouclées en premier ?

Violaine Didier (Nuits Sonores) : Nous commençons la programmation en octobre et la finissons début février. Nous travaillons souvent nos plateaux à partir d'une personnalité artistique même si celle-ci ne confirme pas en premier. Ceci nous permet de faire une programmation cohérente et si la tête d'affiche ne confirme pas, nous pouvons transférer le plateau sur une autre scène.

Jean-Michel Boinet (Artrock) : Je travaille la programmation tout au long de l'année. Celle-ci doit être arrêtée au mois de février. Les têtes d'affiche permettent de structurer les soirées. Nous lançons nos propositions vers les mois de septembre/octobre pour essayer de les caler en décembre. Il n'y a pas vraiment de priorité donnée aux têtes d'affiche car je programme en parallèle les artistes « découvertes ».

Clément Méyère (We Love Green) : Après la fin de l’édition précédente, on se laisse 2 mois pour souffler et très rapidement on réfléchit à la prochaine édition. Grosso modo, une programmation se prépare donc 10 mois à l’avance. Il y plusieurs types d’artistes à faire cohabiter : les têtes d’affiches « valeurs sûres », celles plus éphémères, et nos coups de cœur absolus. Il faut savoir les anticiper pour proposer quelque chose de pertinent et frais à l’instant T… On réfléchit souvent aux têtes d’affiche en premier car elles structurent une programmation mais on accorde énormément d’importance aux plus petits noms autour. C’est aussi important sinon plus que les têtes d’affiches, car ce sont eux qui donnent une âme à ton festival. Cette année, par exemple, on est ravi d’accueillir SOPHIE de chez PC Music, le surf rock des Allah Las ou le nouveau live totalement inédit de Jimmy Edgar et Machinedrum en duo (JETS). Côté coup de coeur, on n’oublie pas non plus le très prometteur b2b entre Barnt et Roman Flügel ou bien le jeune Flavien Berger qui vient de sortir un album dont on est tous fans. Enfin parfois , ce sont les artistes eux-mêmes qui demandent à venir jouer sur le festival comme Nicolas Jaar cette année.

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Ludovic Larbodie (Garorock) : Nous, comme tous les autres organisateurs, cherchons d’abord les headliners disponibles sur notre période pour ensuite affiner avec des artistes « découvertes » ou confirmés.

Florence Jeux (Francofolies) : Je démarre le booking généralement en septembre pour le mois de juillet, parfois avant pour des grosses tournées, comme Johnny Hallyday où les plannings sont faits longtemps à l'avance. Le choix des têtes d'affiche se fait plusieurs mois à l'avance, pas forcément par souci de sécurité mais parce que les plannings de tournées se montent plusieurs mois en amont et surtout pour assurer une bonne communication. Au vu de la concurrence avec les autres festivals, nous avons besoin d'ouvrir la billetterie de plus en plus tôt et annoncer des noms est toujours un plus.

Jeanne Rucet (Les Vieilles Charrues) : Notre travail de programmation ne s’arrête jamais vraiment mais à partir du mois de septembre, nous commençons réellement à travailler sur la prog de l’édition suivante. Chaque année on applique la recette « charrues » : une programmation à la fois populaire et pointue, avec tous les styles et pour un public de 7 à 77 ans. Dans un premier temps, nous essayons d’accrocher les têtes d’affiche. Une fois que celles-ci sont bookées, on peut construire notre journée autour et y inclure certaines découvertes ou coups de coeur artistiques. Il n’y a jamais 2 années sur le même schéma mais en général, nous finissons la totalité de la programmation fin avril début mai

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Noisey : De combien de personnes est constituée votre équipe ? Comment fonctionnez-vous ?

Violaine Didier (Nuits Sonores) : Nous sommes trois programmateurs, un assistant et deux stagiaires en production artistique. Il n'y a pas vraiment d’étapes, nous nous réunissons toutes les semaines à partir d'octobre pour soumettre aux autres nos envies et en fonction des différentes pistes, nous construisons les plateaux. Parfois, les choses sont évidentes dès le départ et parfois nous butons jusqu'au dernier moment…

Jean-Michel Boinet (Artrock) : Il n'y a pas d'équipe de programmation mais je reste à l'écoute des suggestions des uns et des autres. J'ai toujours pensé qu'un festival est d'abord un projet porté par une personne avec toute la subjectivité que cela implique. Je veille à ce que la ligne artistique soit bien préservée.

Clément Méyère (We Love Green) : On travaille en équipe avec les différents co-producteurs, We Love Art, Because, Corida et Sony Music. Sans trop rentrer dans les détails, la programmation passe d’abord par une phase d’intense prospection. Nous nous réunissons ensuite chaque semaine pour partager nos envie, débattre (beaucoup), s’engueuler (ça arrive) et finalement se mettre d’accord sur les artistes que l’on veut mettre à l’affiche. Puis vient la sale besogne : contacter les agents, négocier, téléphoner, négocier, connaitre les disponibilités, encore négocier… Il faut se tenir à l’affut, pour des raisons de planning, on n’a pas toujours les artistes que l’on veut du premier coup, on peut aussi passer à côté d’un autre… Quel artiste va tout casser dans 6 mois ? Quels concerts immanquables ? Quel album génial ? Tu construis patiemment ton château de carte et un beau jour, il tient tout seul.

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Parallèlement, et c’est la grande nouveauté de cette édition, on programme une 3ème scène « non musicale », d’échange et de débats spécialement dédiée aux problématiques green. On y retrouve des militants pionniers et différents acteurs du changement comme Jeremy Rifkin, Paul Watson, Kumi Naidoo, Luc Jacquet ou Jean Louis Etienne. Cela afin d’échanger et d’ouvrir les perspectives sur les thématiques liées au développement durable.

Ludovic Larbodie (Garorock) : Nous sommes trois programmateurs avec Thierry Langlois, Dominique Revert et moi-même. Deux étapes importantes : prise de contact avec les producteurs nationaux ; sondage des différents festivals sur la période pour faire des offres à plusieurs sur le même week-end. Ensuite, nous nous concertons sur la direction artistique que nous voulons prendre pour finaliser les offres en fonction des possibilités (artistiques et financières).

Florence Jeux (Francofolies) : Evidemment nous en discutons avec le reste de l'équipe et Gérard Pont, le président du festival reste très impliqué, mais je suis seule à la programmation. Pour la grande scène, une fois que nous avons les premières têtes d'affiches, nous essyons de « dérouler » le reste de la programmation de chaque soirée autour d'une esthétique particulière et d'avoir sur les 5 jours du festival, une représentation variée des styles musicaux pour parler à tous les publics. Des soirées thématiques donc plutôt autour de la chanson ou de la variété, d'autres plutôt autour du hip-hop, du rock ou de l'électro. Pour le reste des salles, nous essayons d'être représentatifs de ce qui s'est passé dans l'année, de partager nos coups de coeur et c'est aussi notre terrain de jeu pour sortir des sentiers battus, proposer des créations ou des artistes qui ne sont pas forcément en tournée.

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Jeanne Rucet (Les Vieilles Charrues) : Nous sommes 2 à la programmation, Jean-Jacques Toux et moi-même. Volontairement, nous ne nous partageons pas les scènes. Avant de passer une offre il faut vraiment qu’on soit tous les 2 OK ! Ce qui provoque quelques débats mais nous arrivons rapidement à nous mettre d’accord.

Noisey : Quels sont vos principaux critères de sélection ? Avez-vous une limite de cachet à ne pas dépasser pour un seul artiste ?

Violaine Didier (Nuits Sonores) : La compatibilité avec notre état d'esprit est essentiel. Nous aimons les artistes qui sortent des sentiers battus, les chercheurs, les personnalités atypiques ou simplement ceux qui nous paraissent libres, indépendants et surtout sincères. Nous nous fixons des limites de cachet mais cela dépend vraiment de beaucoup de choses : nombre de membres, carrière, type de prestation… Jean-Michel Boinet (Artrock) : J'aime quand un groupe est représentatif d'un nouveau courant musical et suis à l'écoute de l'actualité internationale. Comme beaucoup de responsables de programmation, j'aspire à ce qu'un artiste que j'ai choisi se produise sur scène au « bon moment », c'est à dire en pleine ascension de sa carrière. Dans le même temps, je suis fidèle à certains artistes. Mon rôle est aussi de les accompagner à travers leurs projets successifs. Art Rock a des scènes de capacité différente et les limites des cachets fluctuent de l'une à l'autre. Pour chaque scène, je m'oblige à ne pas dépasser un budget global pour la soirée.

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Clément Méyère (We Love Green) : La bonne musique doit toujours rester le principal critère de sélection (j’ai presque envie de dire l’unique). Mais si tu veux que la sauce prenne, il faut bien connaitre ton festival, son lieu, son public, ses horaires… La bonne musique dépend d’un contexte. Ce serait gâché de programmer ton groupe favori dans des conditions qui ne lui correspondent pas. Autre critère obligatoire, il faut que le groupe assure sur scène. Et ca vaut aussi pour les DJ de notre scène electro. Il aura beau avoir sorti le disque de l’année, s’il est très mauvais sur scène, ce sera gênant pour lui et pour ton festival. Cette année, je mise beaucoup sur le concert de Joey Bada$$. Peu de rappeurs savent tenir une scène comme lui le fait. Pour ce qui est du cachet, on fait bien entendu très attention à respecter certains plafonds comme tu l’imagines. Beaucoup trop de groupes à programmer pour tout craquer sur 1 ou 2 artistes !

Ludovic Larbodie (Garorock) : Les principaux critères sont d’ordre financier, artistique, scénique, de promotion de l’artiste. Oui, nous avons une limite à ne pas dépasser pour que notre programmation soit cohérente car nous avons en tout 4 scènes à programmer.

Florence Jeux (Francofolies) : Tout dépend de la notoriété du groupe et du « potentiel remplissage », les critères ne sont pas les mêmes. Nous sommes évidemment très dépendants des plannings de tournée pour les têtes d'affiches, pour les artistes moins connus, nous pouvons nous laisser aller plus facilement à des coups de coeur. Nous n'avons pas fixé de limite de cachet, nous étudions chaque possibilité. Evidemment, accueillir Johnny Hallyday ne représente pas le même coût financier que l’accueil d’un autre artiste, nous avons donc aménagé spécialement cette soirée et avons dû augmenter exceptionnellement les tarifs de cette soirée.

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Jeanne Rucet (Les Vieilles Charrues) : On nous fixe une enveloppe budgétaire pour la totalité de la programmation. À nous de construire une programmation Charrues, c’est à dire variée et pour toutes les générations, tout en veillant à ne pas dépasser le budget.

Noisey : Certains artistes ne seront-ils jamais les bienvenus dans votre festival ?

Violaine Didier (Nuits Sonores) : Oui !!!

Jean-Michel Boinet (Artrock) : Je ne mets pas à priori de barrières ou d'interdits sur le plan musical mais refuse d'accueillir les groupes qui affichent des propos racistes, homophobes ou violents.

Clément Méyère (We Love Green) : À priori, peu de chances pour que tu retrouves ton groupe favori de black metal atmosphérique sur l’affiche du prochain We Love Green. Mais en dehors de ça, le festival est très ouvert et le champ d’exploration immense. On se laisse porter par nos intuitions et c’est ce qui le rend, à titre personnel, passionnant à programmer. Je m’ennuierais si je devais programmer un festival de micro-genre avec les mêmes têtes d’affiches chaque année. Je préfère programmer un producteur de rap en live band (Shlohmo), du shoegaze (H-Burns) et de la house anglaise (Ben Ufo) sur le même line up. Créer des passerelles entre les scènes, être ouvert sur et défricheur, c’est un parti pris de toujours chez We Love Art.

Ludovic Larbodie (Garorock) : Oui, tous les groupes alliant une ligne artistique à caractère raciste ou religieux.

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Florence Jeux (Francofolies) : La Direction Artistique des Francofolies est évidemment plutôt centrée autour de la francophonie et même si nous nous sommes ouverts ces dernières années plus largement à la production francophone et donc également aux groupes qui chantent à anglais notamment, l'idée est quand même de rester dans cet esprit.

Jeanne Rucet (Les Vieilles Charrues) : On ne s’interdit rien, ni même de rêver ;-)

Noisey : Si un artiste annule sa prestation à la dernière minute, quelles sont vos options ? Quel est votre plus mauvais souvenir à ce sujet ?

Violaine Didier (Nuits Sonores) : Nous remplaçons pratiquement toujours les groupes qui annulent. L'idéal, quelle que soit la provenance du groupe, sa formation, sa notoriété est de respecter l'esprit du plateau. Evidemment, si c'est la tête d'affiche qui annule nous essayons de trouver un groupe un peu connu par respect pour notre public… Toutes les annulations sont difficiles à accepter car si c'est une tête d'affiche le public sera déçu et si c'est un artiste moins connu, mais nous tient à coeur, c’est nous qui serons triste de ne pas l'avoir fait découvrir au public.

Jean-Michel Boinet (Artrock) : Je cherche tout de suite à le remplacer et pour cela j'ai chaque année en réserve quelques artistes dont je suis fan. Alors qu'il était déjà à Saint-Brieuc, le groupe Morcheeba a dû annuler à la dernière minute pour cause d'extinction de voix de la chanteuse Skye Edwards. J'ai réussi à le remplacer au pied levé par Tinariwen.

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Clément Méyère (We Love Green) : Mon plus mauvais souvenir, c’était l’annulation de DJ Rashad l’année dernière suite à son décès…! Sous le choc, un mois avant le festival, incapables de savoir comment réagir. Nous en avons discuté avec l’équipe de Teklife (le crew de DJ Rashad) et avons décidé ensemble d’inviter d’autres membres du crew pour un show hommage. Ce fut un super moment, à la fois émouvant et chaleureux.

Ludovic Larbodie (Garorock) : Aucune option si c’est à la dernière minute, mis à part de réorganiser les scènes et de permettre aux têtes d’affiches de rallonger leur set. Je ne préfère ne pas en parler car je ne garde que les bons souvenirs du Garorock.

Florence Jeux (Francofolies) : Je n'ai encore jamais vécu d'annulation de dernière minute sur le festival. Si nous avons le temps, je pense que nous essaierions d'étudier la possibilité de pouvoir le remplacer.

Jeanne Rucet (Les Vieilles Charrues) : Sur plus de 60 groupes à l’affiche chaque année, il est malheureusement fréquent d’avoir des annulations. Nous ne pouvons pas avoir des artistes « au cas où »… Quand une annulation se produit, on se met au plus vite à la recherche d’un remplaçant à la hauteur de l’artiste annulé… Nous n’avons pas envie de décevoir les festivaliers mais ce n’est pas si simple. Les artistes ont déjà bouclé leur tournée, c’est compliqué de modifier leur rooting… En général, nous travaillons en étroite collaboration avec les tourneurs et agents qui cherchent avec nous quel artiste pourrait coller au mieux et surtout être dispo. L’annulation d’Elton John en 2013, à quelques jours du festival a été un gros coup dur. Depuis Sir Elton a chanté aux Charrues, un grand moment ! Je pense aussi à David Bowie en 2004…

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Noisey : Est-ce que vous souffrez de la concurrence d'autres gros festivals français ou européens ? Comment gérez-vous cette compétition ?

Violaine Didier (Nuits Sonores) : D'un point de vue de la programmation musicale, bien sur la concurrence est rude, il y a de plus en plus de très bons festivals. Nous essayons de faire découvrir des artistes qui ne jouent pas ailleurs mais c'est de plus en plus difficile… Ce qui différencie le plus Nuits sonores des autres festivals, c'est probablement la multiplicité et l'originalité des propositions artistiques qu'offre le festival : carte blanche à une ville invitée, Mini Sonore (le festival des enfants), Extra!, des projets partout dans la ville… Dernière chose essentielle, en parallèle de Nuits sonores, a lieu European Lab, forum qui permet aux festivaliers de s'interroger sur la culture et la société contemporaine.

Jean-Michel Boinet (Artrock) : De mon point de vue, un festival c'est d'abord un projet artistique et pas une simple programmation de groupes qui se succèdent. Je pense que le projet d'Art Rock qui repose sur la pluridisciplinarité fait qu'il ne se situe pas « en concurrence » avec les autres festivals mais en complémentarité. Il tire son épingle du jeu de cette spécificité. C'est au travers de projets innovants que les festivals se complètent et que l'offre est riche et variée. Cependant, nous sommes parfois en compétition pour accueillir telle ou telle tête d'affiche et même si cela a un caractère stimulant, c'est indéniable que cela provoque une montée des prix qui est regrettable.

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Clément Méyère (We Love Green) : Au contraire, nous tissons des liens forts avec de nombreux festivals européens ; Primavera et Field Day (qui se tiennent le même week-end que We Love Green) avec qui nous discutons lorsqu’il s’agit de faire venir certains artistes et construire une collaboration étroite. C'est par exemple ce qu'il s'est produit cette année avec Julian Casablancas et Ratatat qui jouent à Primavera avant de débarquer à We Love Green le jour suivant. Et We Love Green participe également à de nombreux workshops et conférences à l’échelle européenne pour échanger et partager nos expériences en terme de production éco-responsable.

Ludovic Larbodie (Garorock) : Il n’y a pas de compétition avec les festivals européens car nous ne combattons pas dans la même catégorie.

Florence Jeux (Francofolies) : Nous sentons la concurrence surtout localement, de plus en plus de municipalités veulent une programmation d'été et organisent des soirées, souvent gratuites, avec des artistes que nous programmons et ne comprennent pas forcément que cela nous pose problème. Nous essayons de trouver un accord et de ne pas programmer les mêmes artistes. Nous menons depuis toujours une politique de tarifs très bas

Jeanne Rucet (Les Vieilles Charrues) : Un certain nombre de festivals européens ultra sponsorisés sont apparus ces dernières années… Nous n’avons pas les mêmes budgets, il arrive que ces festivals offrent 2 à 3 fois le montant du cachet que l’on propose, on ne peut pas lutter… Cela dit, nous échangeons beaucoup sur l’artistique avec d’autres festivals « amis », entre autres les festivals de la fédération de festivals De Concert! (Paléo en Suisse, Dour en Belgique ou les Eurockéennes de Belfort par exemple…)

Noisey : Dernière question, beaucoup de festivals ont été annulés en France cette année, craignez-vous « une disparition de la diversité culturelle » ?

Violaine Didier (Nuits Sonores) : Personnellement, je ne connais qu'une poignée de festivals dont je me sens proche qui sont annulés. Ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas solidaire de la disparition d'autres types de festivals mais pour pouvoir analyser le phénomène je préférerais connaitre les statistiques plus précisément. Je pense que le phénomène festival est une nouvelle façon de se divertir, de se cultiver ou de passer des vacances, c'est pourquoi il est important qu'il existe et qu'il survive. Le festival est devenu d'utilité publique. Son équilibre budgétaire est très fragile et les soutiens financiers sont indispensables.

Jean-Michel Boinet (Artrock) : On ne peut que regretter la baisse des subventions des collectivités territoriales mais aussi du Ministère de la Culture qui met les festivals en danger. Plus d'une centaine d'entre eux disparaissent cette année : je pense que c'est un très mauvais choix politique tant d'un point de vue culturel qu'économique. En effet les retombées des festivals sont très importantes pour les territoires ou les villes et le festival Art Rock en est une preuve de plus en plus évidente à Saint-Brieuc.

Clément Méyère (We Love Green) : On n’est jamais content d’apprendre qu’un évènement à vocation culturelle est annulé. On sait à quel point il faut être passionné pour monter un festival, à quel point ce sont des projets périlleux. Une annulation peut arriver à tout le monde alors oui, on ne peut qu’être solidaire. Pour autant, si je prends l’exemple de Paris, je crois au contraire que l’on n’a jamais eu autant de propositions culturelles, de festivals et de projets musicaux. Pourvu que ça dure !

Ludovic Larbodie (Garorock) : Selon moi, nos politiques pondent des lois anti-productives (loi Evin entre autres) en se portant garrant d’une certaine moralité conservatrice et religieuse qui ne fonctionne absolument pas. On déresponsabilise les jeunes sous je ne sais quel lobbying ?! De ce fait nous n’avons que très peu de ressources possibles mis à part des subventions publiques. Voilà ce qui arrive quand ils décident de couper les vivres : l’apocalypse culturelle. Bien sûr, je suis solidaire, nous sommes dans un pays qui tue toute initiative, mais surtout qui donne peu de possibilités de s’en sortir et ce n’est pas nouveau, ça empire avec les années. Les festivals qui meurent sont aussi des emplois qui disparaissent !!!

Jeanne Rucet (Les Vieilles Charrues) : C’est toujours dur de voir des festivals disparaître… Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde. Si le projet artistique est pertinent et original, chacun doit pouvoir trouver sa place dans le paysage culturel. Le modèle économique des Vieilles Charrues reste fragile. Nos fonds proviennent uniquement de nos festivaliers (60% billetterie 20% restauration et bars) et partenaires, mécènes (20%). Et malgré le fait que nous n’ayons pas de subventions publiques, nous tenons à garder une politique de prix du billet abordable.

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