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Culture

Les situations étranges vécues par les secouristes du Pukkelpop et de Tomorrowland

Nous avons parlé à trois secouristes qui bossent sur des festivals comme Rock Werchter, Tomorrowland ou Pukkelpop.

Au Pukkelpop, l'organisation humanitaire Het Vlaamse Kruis veille toujours à ce qu'il y ait une piscine, spécialement pour les volontaires qui travaillent aux premiers secours. Ils y sautent dans leur tenue de travail et c'est seulement à ce moment-là qu'ils peuvent commencer à se détendre. C'est bien mérité, car pendant que vous faites la fête, ils bossent sans relâche pour s'assurer que votre festival se passe de la façon la plus safe possible.

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J'ai demandé à trois secouristes combien il était difficile de travailler dans un festival. Comme ce qui se passe là-bas est couvert par le secret professionnel, ils ne m'ont évidemment pas parlé de situations spécifiques ou vraiment graves. À la place, ils m'ont raconté les incidents les plus chelous qui se produisent lors de la majorité des festivals.

Sara Joelens * (26 ans)

Tous les étés, Sara travaille sur de nombreux festivals locaux, mais ses histoires les plus dingues proviennent directement du poste de secours des campings du Pukkelpop, de Tomorrowland et de Bungalup [ un festival néerlandais, ndlr].

« Au Pukkelpop, on parcourt régulièrement le camping pour voir si certaines personnes ont besoin d'aide. On trouve principalement des gens qui vomissent et il est assez courant que des festivaliers nous appellent parce qu'un inconnu a débarqué dans leur tente au beau milieu de la nuit et qu'ils n'arrivent pas à le réveiller. Dans ce cas, j'ai toujours un fou rire. On essaye de réveiller cette personne et si ça ne marche pas, on la place sur une civière pour la transporter dans notre zone de sommeil. On va checker toutes les cinq minutes, parce qu'on ne peut pas savoir si la personne dort simplement où si elle a pris trop de drogue. »

« On a des vêtements de rechange ici, et c'est super drôle de mettre des vêtements de filles aux mecs et vice versa. Quand ils se réveillent, ils pensent que c'était leur propre choix. »

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Les gens qui sont ramenés dans cette zone sont souvent nus. « On a des vêtements de rechange ici, et c'est super drôle de mettre des vêtements de filles aux mecs et vice versa. Quand ils se réveillent, ils pensent que c'était leur propre choix ou que quelqu'un leur a offert les fringues pendant la nuit. On peut les voir retourner à leur camping dans une sorte de marche de la honte. »

Une telle plaisanterie ne se produirait jamais dans un service de soins habituels, mais Sara nous indique que pendant un festival, les premiers secours peuvent souvent se permettre d'être moins dans l'urgence : « Ca reste un festival, hein. Si quelque chose de grave se produit, on ne ferait jamais ça, mais s'il est clair qu'un visiteur vient à nous et qu'il est un peu irrespectueux, ça peut être vraiment drôle. »

Une chose assez rare dans la vie de tous les jours mais qui arrive assez souvent sur les campings des festival, ce sont les mecs qui se retrouvent avec une torsion testiculaire. « Il y a peu d'intimité en festival, mais les garçons veulent quand même tirer leur coup. Résultat : ils font souvent ça très vite afin de ne pas se faire prendre, et ils finissent avec une couille tordue. Bien souvent, ils n'osent pas venir au poste de secours car ils ont honte et c'est un de leurs amis qui vient nous chercher. C'est une bonne chose, car ils doivent généralement passer directement sur le billard. Si ce n'est pas résolu dans les vingt-quatre heures, la couille peut littéralement crever ! »

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« Si quelqu'un sous MD va mal et que ses amis préfèrent lui faire boire deux litres d'eau plutôt que de l'emmener au poste de secours, ça peut lui être fatal. »

Sara constate qu'il y a toujours plus de problèmes avec les Belges qu'avec les Néerlandais : « Au Bungalup, où il n'y a presque uniquement que des Néerlandais, les personnes souffrant d'intoxications partent souvent après une heure. Ils gèrent plus efficacement l’alcool et les drogues et osent avouer plus honnêtement ce qu’ils ont pris, pour qu'on puisse les traiter plus facilement. Les Belges, en revanche, prennent n'importe quoi et boivent beaucoup. En plus, ils ont peur qu'on transmette leur consommation de drogue à la police, ce qui les rend beaucoup plus fermés. Trop peu d’informations, c'est la source principale des scénarios catastrophes. Par exemple, si quelqu'un sous MD va mal et que ses amis préfèrent lui faire boire deux litres d'eau plutôt que de l'emmener au poste de secours, ça peut lui être fatal. »

Ce qui arrive souvent, ce sont les gens qui veulent entrer au camping sans payer et donc escaladent la clôture: « Ils sont ivres ou drogués, et ils ne réalisent pas qu'il y a des épingles rouillées. Leurs mains et leurs pieds sont parfois complètement déchirés. Je me souviens d'un truc qui est arrivé à un père et à son fils : Papa s'était cassé le bras et son fils avait des trous profonds dans les mains et les pieds. Ils ont traversé le camping comme si de rien n'était pour profiter du festival gratuitement. Le terrain de camping est tellement sale, vous ne pouvez même pas imaginer le nombre de pieds que nous devons recoudre parce que les gens marchent sur des boîtes de conserve. »

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« Ce qui me rend vraiment triste et vénère, ce sont les jeunes ados qui vont à un festival pour la première fois, qui sont complètement déchirés et qui sont maltraités par leurs soi-disant amis. »

Quand je parle à Sara de sa pire expérience, elle me dit: « Ce qui me rend vraiment vénère et triste, ce sont les jeunes ados qui vont à un festival pour la première fois, qui sont complètement déchirés et qui sont maltraités par leurs soi-disant amis. Par exemple, ils essaient de déshabiller quelqu'un qui est inconscient pour rire. Ou pire, à chaque festival où je suis allée, j'ai vu tous les jours - tous les jours! - une fille inconsciente à qui on enlève son soutien-gorge parce que sa situation désastreuse est vue comme une invitation à jouer avec ses seins. C'est une agression sexuelle, donc je vais leur gueuler dessus. »

En dehors de ces cas limites, Sara souligne à quel point il est formidable de travailler sur les festivals. « Pendant quelque chose d'aussi éphémère qu'un festival, le contact que vous avez avec les gens est incroyablement personnel. Un garçon, par exemple, revenait tous les jours pour faire soigner une blessure qu'il avait au visage et chaque jour, il me demandait si je pouvais faire un autre motif avec son sparadrap. Les gens semblent vraiment heureux de recevoir de l’aide, du coup c’est un job super gratifiant. »

Dirk de Jonge * (27 ans)

Dirk est infirmier dans l'unité de soins intensifs et combine ce travail avec plusieurs services. Il travaille depuis plusieurs années au poste de secouriste sur différents sites de festivals belges, dont Rock Werchter. Pour un festival qui n'a pas la réputation la plus wild, il arrive à tirer son épingle du jeu dans ce récit d'anecdotes.

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« Chaque année, nous aidons environ six mille personnes à Werchter. Il n'y a pas de poste de premiers secours sur le camping - la nuit, les festivaliers peuvent uniquement appeler une ambulance - ce qui signifie que le lendemain matin, nous faisons parfois 150 traitements par heure. Très souvent, ce sont des personnes avec des ampoules ou des festivaliers qui se sont planté un piquet de tente quelque part. Il y a aussi bizarrement beaucoup de filles de treize à quatorze ans qui réclament une pilule du lendemain, souvent avec des histoires désastreuses à la clé, comme un réveil avec trois garçons dans une tente, sans savoir qui ils sont ou ce qu'il s'est vraiment passé cette nuit-là. »

« Il y a toujours des gens bourrés qui essayent de traverser le feu en sautant par-dessus, ou qui plaisantent en poussant un autre festivalier. Pire, il est arrivé que des personnes inconscientes soient carrément jetées dans les flammes. »

La chose la plus choquante selon Dirk, c'est qu'à chaque édition de Werchter, des ivrognes tombent dans des feux de camp et en sortent brûlés au deuxième et troisième degré: « Les premiers jours, les gens jettent leurs déchets partout sur le sol, des assiettes en carton et des fourchettes en plastique. Les festivaliers en ramassent de gros tas et en font un feu. Il y a toujours des gens bourrés qui marchent en plein sur les flammes, qui essayent de sauter par-dessus ou qui plaisantent avec un autre festivalier. Pire encore, il est arrivé que des personnes inconscientes allongées sur le sol soient jetées dans le feu. Mais toutes sortes de gadgets en plastique sont également jetés dans les flammes. Imaginez un peu, 250 000 billes de plastique en fusion ? Le plastique brûle encore, une fois sur la peau. Parfois, les blessures sont si graves que nous ne pouvons pas les soigner sur place et les festivaliers doivent être conduits à l'hôpital. »

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Comme il a été établi que c'était une sorte de tendance, selon Dirk, de nombreuses mesures de sécurité ont été prises: « Par le passé, les terrains du festival restaient ouverts au public le dernier jour. Les grands espaces sont maintenant fermés pour que la sécurité puisse se concentrer sur de plus petites surfaces. On reçoit également des extincteurs. »

Il y également beaucoup d'accidents dans la zone des toilettes: « Il se passe beaucoup de choses, en particulier avec les Cathy Cabines. Pas mal de gens viennent à nous avec une main bleue et enflée, parce qu'il y a des débiles qui aiment repousser les gens qui viennent d'en sortir pour ensuite verrouiller la porte. En guise d'ultime défense, les pauvres essaient de se tenir au cadre de la porte et leur main se fait pincer entre la porte et le cadre.»

« Un groupe de garçons avait renversé sa Cathy Cabine, puis s'étaient enfuis. À cause d'incidents comme ça, de nombreuses personnes ont souffert d'un traumatisme de la colonne vertébrale et ont du aller à l'hôpital. »

Evidemment, nombreux sont ceux qui viennent vers lui couverts de merde. « Parfois, on trouve sur le site une personne inconsciente, recouverte par les excréments de quelqu'un d'autre. Parfois aussi des types qui restent dans le coma pendant une heure, enfermés dans une Cathy Cabine. Ou encore, les petits comiques qui secouent les cabines pendant que quelqu'un est dedans. Je me souviens d'un groupe de très jeunes filles qui transportaient une de leurs amies au poste de secours. Je les ai vues arriver de loin. C'était plutôt épique : certaines filles portaient ses bras et les autres ses jambes. Elles étaient toutes complètement torchées. La fille qui était portée était recouverte de merde. Un groupe de garçons avait renversé sa cabine, puis s'étaient enfuis. À cause d'accidents comme ça, de nombreuses personnes ont souffert d'un traumatisme de la colonne vertébrale et ont dû aller à l'hôpital. »

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Il semble en outre que dans un festival, il faut que tout le monde casse tout. « C'est incroyable à quel point les gens ivres cherchent les problèmes. Du coup, on ne peut plus placer de tables ou de barrières, car les ivrognes les utilisent et se les jettent à la tronche. On reçoit énormément de personnes avec des contusions. »

Ce qui fait le plus mal à Dirk, c'est de devoir soigner des enfants en bas âge: « Les parents emmènent leurs enfants et les portent sur leurs épaules sans protection auditive. Ces enfants pleurent et par temps chaud, il arrive qu'ils s'évanouissent, spécialement quand ils doivent faire la queue à l'entrée. »

Jasper Köiter (44 ans)

Jasper bosse sur des events depuis seize ans, et a passé presque dix au sein de l'organisation de services d'urgence Event Medical Service. C'est l'une des organisations de services d'urgence les plus connues lors d'événements de ce genre. Il travaille depuis la salle de contrôle de tous les grands festivals - de Defqon à Mysteryland en passant par Decibel. Cela signifie qu'il suit les festivals sur plusieurs grands écrans et dirige les secouristes sur le terrain quand il remarque ou entend que quelque chose ne va pas.

« Il avait un cygne gonflable autour de la taille, complètement rempli de protoxyde d'azote, et tout le monde venait en aspirer une gorgée. »

« S'il y a bien quelque chose qui m'étonne à chaque fois, c'est bien l'inventivité des festivaliers en matière de contrebande de drogues », dit-il. « Sur les images de la caméra, j'ai un jour vu un groupe de personnes autour d'un type qui avait un cygne gonflable autour de la taille. Ce cygne était complètement rempli de protoxyde d'azote, et tout le monde venait en aspirer une gorgée. Aussi, on trouve souvent du GHB dans des flacons de pulvérisation nasale ou des petits flacons de sirop. »

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Bien sûr, il se passe toutes sortes de situations étranges avec des gens sous drogue lors des festivals. « Un garçon qui avait consommé du GHB avait perdu connaissance dans sa tente. Normalement, on place la personne sur une civière, mais il avait vomi et chié partout et ça puait tellement qu'on a simplement sorti les piquets de sa tente et on l'a emmené au poste de secours avec sa tente et tout le toutim. Une fois arrivés, on a sorti tout le contenu de la tente avec deux paires de gants. »

« Lors d'une soirée électro, un couple avait visiblement pris trop d'ecstas et on pouvait les voir assis, intimement enlacés, mais immobiles comme des statues dans une étreinte figée. Ils ne bougeaient plus. Dans la tente des premiers secours, on les a séparés au moins une dizaine de fois, mais dès qu'on avait le dos tourné, ils se ré-emboitaient dans la même position, sans dire un mot. Nous avons finalement dû les placer dans des pièces séparées. »

Certaines situations nécessitent des mesures drastiques: « Un garçon passablement perché et sous drogue se battait contre tout ce qui entrait dans son environnement direct. Un poteau, un mur, le sol. Il faisait des bruits d'animaux et était super énervé et agressif. La sécurité, en consultation avec notre équipe d’ambulanciers, l’a cloué au sol et lorsque l’ambulance est arrivée, ils lui ont administré un sédatif. Il a été transporté aux premiers secours, ensuite à l'hôpital. Son comportement rappelait très fort ces images d'hôpitaux psychiatriques où les gens se débattent jusqu'à en mourir. »

« Nous nous méfions aussi des proxénètes qui traquent les adolescentes : des types qui recrutent des filles naïves ou qui les rejoignent sur un festival. »

« Nous faisons également très attention au proxénétisme d'adolescentes. Ces types qui recrutent des filles naïves ou qui les rejoignent à un festival, les charment avec beaucoup d'attention et de petits cadeaux, puis les forcent à se prostituer », poursuit-il. « Par exemple, il y a eu cette jeune fille accompagnée à notre poste par un mec plus âgé, car elle n'était pas bien à cause du GHB qu'elle avait pris. Le type ne voulait pas qu'on appelle ses parents. Il voulait l'emmener avec lui et la ramener là-bas. Ce qui était vraiment bizarre c'est qu'il ne pouvait pas nous dire son âge ou l'endroit où elle vivait. Ce sont des situations suspectes, donc dans ces cas-là, on appelle d'office les parents. »

Jasper souligne également l'inventivité dont ils doivent faire preuve lorsqu'ils bossent sur des sites festivaliers : « On utilise très souvent du ruban adhésif pour réparer des choses comme des pantalons déchirés, des semelles de chaussures arrachées et des plâtres brisés. Ou si quelqu'un, par exemple, se retrouve sans fringue mais qu'aucune de nos sapes ne sont à sa taille, on doit lui fabriquer une sorte de toge à partir de couvertures de survie. Dans tous les cas, on essaye toujours que les gens puissent continuer à faire la fête ou au moins rentrer dignement chez eux. »

* Certains noms ont été modifiés, car le secouriste en question voulait rester anonyme. Les véritables noms sont connus de la rédaction.

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