FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Stonebirds a définitivement placé la Bretagne sur la carte du stoner

Pourquoi fantasmer sur le Sud des États-Unis quand on a des bleds paumés et des paysages irréels à portée de la main ?

Les étiquettes accolées à la scène Sludge ou Stoner sont tenaces. Dans un genre largement influencé par son environnement géographique et les ambiances qui vont avec, difficile de faire son trou quand on ne vient pas du Sud des États-Unis. Pourtant, rien de plus logique que de voir un groupe comme Stonebirds naître sur les terres bretonnes, qui respirent et affichent elles aussi une ruralité aux paysages atypiques. Un paysage qui a servi de toile de fond aux deux premiers albums du groupe mais qui s'est fait nettement plus subtil sur In The Fog…and the Filfthy Air, troisième disque sorti en juillet dernier et nouvelle étape pour le groupe de Rostrenen, aussi bien en termes de production que d'écriture. Nous sommes revenus avec Fañch, chanteur/guitariste du groupe, sur une année particulièrement riche, qui aura vu Stonebirds s'affranchir de ses influences, s'incruster sur l'affiche du Hellfest 2016, sortir une bière à son nom et définitivement placer la Bretagne sur la carte du stoner. Noisey : À vos débuts avec Stonebirds vous citiez Kyuss comme principale influence. Tu penses vraiment qu'il est possible de faire du bon stoner en ayant une autre influence que Kyuss ?
Fañch : En effet, Kyuss a été à la base du projet Stonebirds en terme d'influence. On était tous très fans et Flo, l'ancien guitariste, connaît à la note près tous leur morceaux, donc on est parti sur cette base là. À mon sens, si on parle de stoner pur et dur, et encore, chacun aura sa définition du genre, il est impossible de ne pas être influencé par ce groupe. Pour moi, ce style de musique est très cloisonné, répond à des codes très précis, et Kyuss les a, pour la plupart, posés.

Publicité

De ce stoner frontal à votre nouvel album, plus aérien et expérimental, il y a une étonnante évolution. J'ai aussi l'impression que vous vous êtes dirigés vers une musique plus libre, qui répond moins à des codes. Votre première sortie, Slow Fly, sonnait carré, on ressentait les influences, alors que In The Fog … and the Filfthy Air possède un spectre bien plus large, plus travaillé aussi ?
Tu as raison, ces albums sont un peu une photographie de ce qu'était Stonebirds à un moment donné. Slow Fly est très naïf dans son approche, ce qu'était le projet à l'époque, alors que In The Fog… est le reflet de nos envies actuelles, plus libre et complexe. On a essayé d'être moins influencés que possible par de la musique sur le dernier disque. Le visuel est une bien plus grande source d'inspiration, ça laisse une liberté totale, ça permet de ne se fixer aucune barrière. L'évolution musicale du groupe s'est faite progressivement, notamment grâce à un split album avec les copains de Stangala, où on tendait déjà à écrire des compos plus sombres et un peu plus libres. Le changement de direction artistique s'est fait petit à petit et sans jamais y réfléchir, de manière très instinctive.

Le line-up aussi a pas mal changé depuis vos débuts, ça a beaucoup joué sur cette évolution ?
Bien sûr, je reste le compositeur principal mais Sylvain et Antoine s'approprient bien plus les morceaux que la première mouture du groupe. Je compose énormément de morceaux que je leur envoie, on décide ensemble lesquels nous inspirent, nous plaisent, puis on se voit pour les bosser. ils n'ont généralement pas la couleur que j'imaginais en les composant et ça élargit forcément notre spectre musical. En plus du line-up, la distance qui nous sépare, pas loin de 200 kilomètres, nous a forcés à changer nos méthodes de travail. On ne va plus répéter pour boire des coups, fumer et voir les potes, on tire maintenant notre plaisir du travail effectué ensemble pendant quelques heures.

Publicité

Il y a un gros travail au niveau de la production sur cet album. Vous avez enregistré en Bretagne, au studio Kerwax qui est 100 % analogique et installé dans une ancienne école, entouré d'une équipe étrangère à cette musique. La création de cet album suivait-elle une ligne directrice ?
Le choix de Kerwax s'est fait très rapidement, à vrai dire dès qu'on a appris l'existence d'un tel studio près de chez nous. L'analogique force à plus de sincérité que le numérique, c'est impossible de tricher dans le son avec uniquement une table et des bandes. Tout les morceaux ont été enregistrés d'une traite, il n'y a pas eu de reprise de batterie, rien n'a été coupé hormis une intro, et sur des titres assez long avec une structure libre, ça donne une fragilité qui pour moi était nécessaire à ce disque. Christophe, le producteur, ingénieur du son, ne travaille pas vraiment ce genre de musique habituellement, et c'est aussi ce qui nous a plu. Ne pas sonner comme tous les albums sludge/doom/stoner est une des réussites de Into The Fog… Il a très rapidement compris l'idée qu'on s'était faite de l'album et nous a guidé pour y arriver.

Pour en revenir à la ligne directrice, l'album raconte une histoire et la production s'est mise au service de cette histoire avec par exemple la reverb qui pèse sur tout l'album, qui oppresse ou éclaire suivant les parties. La non-utilisation du reamping, de l'édition, des effets à gogo, centre l'attention sur ce qui se passe musicalement. Ça facilite la perception en plus d'être complètement honnête.

Publicité

Et puis après être passés par l'auto-production vous atterrissez chez un label, Pink Tank records.
Pink Tank est un label Allemand, de Hambourg, tenu par Jan, un passionné et collectionneur de vinyles. Il a dans son roster des groupes comme Kaleidobolt, Bone Man, Libido Fuzz, Weedpecker, Craang et d'autres très bons groupes. C'est un jeune label qui monte avec le temps et qui commence à se faire un nom. On a eu la chance de sortir deux belles éditions limitées grâce à lui, en plus du vinyle noir, un vinyle rouge/splattered noir, et un gris/splattered noir ont vus le jour. Après de longues années passées en autoprod, rentrer dans un label nous semblait important pour asseoir un peu plus le groupe, l'album a joui d'une plus grande exposition ainsi qu'une diffusion mondiale. Ça nous a aussi donné l'occasion de mettre un pied dans un autre monde, celui avec des contrats, des droits… Ça a été assez dur pour nous au départ de laisser certaines décisions au label, cela fait 10 ans pour moi et Antoine, et encore plus pour Sylvain, que nous fonctionnons en autoprod. On s'est d'abord sentis privés de certaines libertés, mais finalement avoir le regard et l'expérience d'un professionnel pour sortir cet album à été très bénéfique pour nous.

Je me dis parfois que si une scène Sludge devait émerger en France et faire parler d'elle, ce serait clairement dans les campagnes bien boueuses de la Bretagne. Mais justement, en Bretagne comme en France, le genre n'est-il pas souvent trop limité à ses influences ?
C'est le problème de cette scène et de la musique en général pour moi. La plupart des groupes font des morceaux comme on fait des maths, ils connaissent les formules existantes qui fonctionnent et leurs résultats, ils les appliquent un peu au détriment de l'émotion réelle et de l'imaginaire. C'est aussi le problème des étiquettes, elles possèdent toutes leurs codes, leur imagerie, et les gens s'en servent pour créer alors qu'elles sont faites pour vendre. La Bretagne fait partie des régions bien représentées dans le style, certains groupes se démarquent, il y'a l'ovni Stangala et son Doom/Black/Celtique, les Rennais de Fange et Huata… On a aussi, comme partout ailleurs, des groupes qui vont ressortir les poncifs du genre et de belle manière, donc on a pas à se plaindre ! Et puis il y a quelques orgas qui font que cette scène soit prolifique, le Skik à Rennes, l'Amicale du Fuzz à Lorient et le désormais mastodonte Breton, les Stoned Orgies à Nantes en plus des Crumble Fight. Ce sont des supports de qualité pour les groupes locaux. Il faut aussi garder à l'esprit que l'envie première des groupes c'est de faire le plus possible de scène et en Bretagne tu vas plus souvent jouer dans le PMU du coin que dans une salle d'amateurs du genre. Il est plus facile de satisfaire un public lambda en faisant un bon stoner de base, énergique, que lorsque tu joues une musique plus complexe, où tu perdras le public avec des mesures composées ou des structures qui sortent des normes…

Publicité

Du coup vous avez fait votre lot de dates dans des bleds paumés ?
Comme tout le monde oui, et on est originaire d'un coin paumé donc on ne pouvait pas y échapper mais ça donne généralement de très bonne répet', et un bon mal de crâne le lendemain [Rires].

Justement, tu expliquais récemment que ton inspiration te venait principalement de ta terre, le Centre Bretagne, mais aussi de tout un tas de livres, films ou jeux-vidéos. Quels furent-ils pour cet album ?
La base de mon inspiration c'est en effet les paysages de ma jeunesse, le Centre Bretagne a inspiré de nombreux contes, toutes les forêts, routes, villages ont titillées l'imaginaire des locaux. Puis pour cet album je suis d'abord parti de Macbeth de Shakespeare, le titre de l'album est issu d'un dialogue entre les 3 sorcières : Fair is foul and foul is fair, over through the fog and the filthy air. Cette phrase annonce le début d'une certaine apocalypse qui était le thème que je m'étais fixé. L'ambiance du livre colle parfaitement à celle que je souhaitais trouver dans l'album et on s'en est aussi servi dans la production, avec la réverb qui fait écho a ce brouillard omniprésent dans le livre comme dans le Centre Bretagne. L'adaptation cinématographique qu'en a fait Akira Kurosawa, avec Le Château de l'Araignée est aussi une excellente source de travail, très sombre, très fragile. Ma seconde inspiration a été le jeu vidéo Fallout 3. On retrouve dans l'album la liberté que j'ai trouvé dans le jeu, l'esprit post-apocalyptique nucléaire et je me suis servi de l'imagerie d'un mot et de sa définition dans le jeu : wasteland, les terres désolées, qui m'a encore une fois renvoyé a des paysages connus. Les influences musicales sont aussi présentes mais, comme je te le disais tout à l'heure, j'ai occulté cet aspect pour me concentrer sur les sensations d'écoute.

Publicité

Weedeater a sorti sa sauce piquante et un paquet de groupes outre-atlantique ont déjà sortis leurs bières. Vous avez aussi sorti la vôtre ?
On fait partie du collectif Tomahawk qui, entre autres, intègre en son sein une brasserie, « La Couille de Loup ». En parlant avec Vincent, le brasseur, grand amateur de doom/black/sludge, est née l'idée de faire une bière Stonebirds. On lui a donc proposé de nous faire un brassin de bière blonde avec du malt fumé à la tourbe. Il nous a d'abord fait une centaine de bouteilles 75cl, qu'on a plus picolé que vendu au final. On attend le second brassin et il ne reste plus qu'a embouteiller, donc ça ne saurait tarder !

Il y a possibilité de la goûter dans un rade breton ?
Non, on la réserve au public de nos concerts, lorsque nous y sommes autorisés. Le prix des frais de port et l'emballage nécessaire pour l'expédition de ces bouteilles ne nous permettent pas pour l'instant de les vendre sur Internet non plus mais on va réfléchir à ça. Ça reste du goodies parmi d'autres sur notre table de merch, et on ne cherche pas, même si elle est très bonne, à en faire un produit de consommation. Par contre, « La Couille de Loup » est en vente dans quelques bars du Morbihan, notamment au Galion à Lorient puis sur certains événements comme le Samaïn fest ou les bars artistes du Hellfest et du Motocultor.

Vous avez réalisé ce dernier album grâce à un financement participatif. C'est une manière de faire qui vous a satisfait ?Bien sûr, on aurait pas pu faire cet album sans le soutien des amis qui ont participé à notre campagne de financement. Chacun a son avis sur cette de manière de faire, nous avons vu ça comme des précommandes avec un tarif préférentiel : le vinyle + pack de goodies était à 15€… La part de financement par le biais de cette campagne était modeste mais nécessaire, moins d'un tiers du budget global. A l'époque nous étions en autoprod, nous devions tout payer de nos poches, et ne pouvions tous les trois assurer la totalité du financement. Il y a aussi tout les débats autour du crowfunding qu'il faut prendre en compte, et quelle répercussion cela peut avoir sur l'image du groupe…

Publicité

Vous avez soigné la sortie en terme de production mais aussi visuellement, avec cet artwork réalisé par DZO.
DZO, ça a été comme Kerwax pour l'enregistrement, on a tout de suite flashé sur son travail. Les premières esquisses qu'il nous a envoyé bien avant d'entrer en studio nous ont mis sur le cul. On lui a donné les thèmes de l'album, dit ce qu'on voulait trouver sur la pochette puis il avait carte blanche. Son travail a été fait dans l'esprit du nôtre puisqu'il n'y a eu qu'une seule illustration de réalisée, sans retouches. L'aspect visuel d'un album, qui plus est en vinyle, est vraiment important, l'artwork est souvent la première impression que l'on se fait d'un disque et suscite ou non l'envie de découvrir la musique qu'il illustre. DZO a fait un travail énorme, on est très fiers et reconnaissants de pouvoir proposer un objet de cette qualité.

Vous êtes à l'affiche de la prochaine édition du Hellfest. Grosse attente ?
On est plus qu'heureux de voir que le Hellfest a pensé à nous pour composer l'affiche de la Valley, c'est un vrai honneur qu'ils nous font. C'est aussi l'aboutissement de tout le travail que nous avons fourni cette année, on a bossé dur musicalement mais l'investissement de notre manager Thib, qui a passé des centaines d'heures à communiquer, faire chroniquer et promouvoir l'album a été colossal lui aussi. Le fait que nous ayons également chez Dead Pig entertainement à rajouté du poids à tout ce travail. On était déjà vraiment satisfaits des retombées de l'album et le Hellfest est venu compléter ce sentiment. Cet événement va aussi nous servir pour franchir une nouvelle étape, cette fois-ci on va focaliser notre travail sur l'aspect live, travailler notre son et nos lumières pour offrir au public ce que nous avons en tête.

C'est la fin de l'année et tu ne vas pas y échapper : quels ont été tes disques favoris de 2015 ?
Dur… J'ai beaucoup aimé le dernier Chelsea Wolfe, Meliora de Ghost, Atheist's Cornea d'Envy, Hochelaga de Dopethrone, This is not supposed to be positive des Hangman's chair, Regarde Les Hommes Tomber, Barabbas, Klañv des Stangala, Death Engine, Wheelfall… Il y en a trop !

Nicolas Milin est sur Twitter.