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Romeo Elvis nous a tout donné

Tout le monde a bien compris que la hype bruxelloise était à son paroxysme en ce moment, que la scène belge était au moins aussi active et influente en France que celle du 93, et qu’on allait se manger des références à Bruxelles à toutes les sauces pendant les cinq années à venir grand minimum, qu’on le veuille ou non. On pourrait toujours se rassurer en se disant que les belges sont historiquement voués à l’échec à cause de l’inimitié naturelle entre wallons et flamands, qui finiront bien par tous s’entretuer un jour, mais un élu est malheureusement apparu sur terre pour mettre fin à cette situation, et réconcilier les peuples : Romeo Elvis, rappeur bruxellois de 24 ans, fait en effet l’unanimité auprès des deux grandes communautés linguistiques du pays, au point de devenir le premier rappeur francophone à atteindre le statut de star dans l’ensemble du plat pays. En réconciliant les peuples, et en gommant leurs différences culturelles et linguistiques, il deviendra peut-être ainsi un leader incontestable, et permettra à la Belgique de marcher sur le monde.

En attendant que ce scénario terrifiant se réalise, Romeo Elvis a accepté de passer une petite heure avec nous en marge de sa participation au Festival Couleur Café, qui s’est tenu à Bruxelles du 30 juin au 2 juillet. Après un premier tour de chauffe au sujet de la place de la scène bruxelloise au sein du rap français, le garçon s’est livré sur sa sensibilité écolo, sur la fonction de la consommation de drogue chez l’être humain, sur la zoophilie, sur ses terribles problèmes de mémoire, et sur ses responsabilités auprès de la jeunesse, en tant que personnage public.

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Noisey : Est-ce qu’en tant que belge, tu te considères comme un rappeur français ? Ou est-ce qu’il faut spécifier rappeur belge ?
Romeo Elvis : Je considère que je fais du rap français, même s’il est issu d’un autre endroit. Au vu de mes influences, de ce que j’ai toujours écouté dans ma vie, et de ce que je continue d’écouter, tout est clairement rap français. Je pourrais pas parler de « rap suisse », par exemple. A la limite, je dirais « rap français issu de Suisse » … c’est pareil pour la Belgique.

A l’heure actuelle, est-ce qu’on peut considérer que Bruxelles est à la France ce que Toronto est aux Etats-Unis ?
Je pense qu’il y a du vrai là-dedans, dans le sens où la scène de Toronto est un genre de petit frère de la scène américaine : elle fait partie de la même famille, mais elle a grandit un peu en décalage, avec une exposition moindre pendant pas mal d’années. Et comme je pense qu’on a un peu fait le tour de tout ce qui vient des Etats-Unis, et qu’on se rend compte qu’il y a une vibe intéressante qui vient de Toronto, on s’y intéresse. C’est un peu pareil avec Bruxelles, je pense. Il y a ce même côté outsider, et donc toute la hype qui y est liée. C’est très soudain, tout le monde s’y intéresse du jour au lendemain, tout le monde veut avoir son article sur le rap à Bruxelles, on veut parler de chaque rappeur, de chaque beatmaker.

Est-ce que tu penses que dans vingt ans on regardera la scène bruxelloise de 2017 (Roméo Elvis, Damso, Hamza, Caballero/Jeanjass, Isha) de la même manière qu’on regarde aujourd’hui celle du Boulogne du milieu des années 90 (Booba/Ali, les Sages Po’, LIM, Mala) ?
On est clairement dans un âge d’or, à mon avis. On est en train d’en profiter à fond, les médias suivent vraiment le truc, et quand tu vois le succès de Damso ou Hamza, même si j’imagine qu’ils vont durer, je me dis qu’il y a forcément des cycles. À moins d’être Booba ou Johnny Hallyday – ce que pourrait devenir Damso, en fait.

Mais pas Hamza, du coup ? Je demande pas ça juste pour foutre la merde hein, c’est pas mon genre.
Si, bien sûr, mais ils ne sont pas dans la même catégorie. Je pense vraiment que Damso pourrait durer très longtemps … mais c’est pas du tout une pique sur Hamza, enfoiré ! [ Rires] On est dans une période où tout le monde a eu son petit tube : Damso avec « Bruxelles Vie », moi avec « Bruxelles Arrive », Caballero et Jeanjass font des scores incroyables sur Youtube … Dans dix ans, on se rappellera de la vibe bruxelloise du milieu des années 2010, c’est certain.

Tu vis de ta musique depuis deux ans environ, et…
[ Il coupe] Depuis un an !

Un an seulement ?
Oui, j’ai quitté mon job super tard.

Alors justement, le jour où t’as posé ta démission, t’étais dans quel état d’esprit ? Est-ce que t’avais peur de ce qui allait arriver, sans aucune garantie de réussite, ou au contraire, est-ce que t’étais juste content de pouvoir vivre enfin de ta passion ?
C’est marrant, ça c’est vraiment une bonne question.

Ca veut dire que celles d’avant étaient mauvaises ? Les premières questions, c’était pour te mettre en confiance, mais on va très vite passer aux questions cheloues, t’en fais pas.
[ Rires] T’inquiète. Pour revenir à ta question, ce qui m’a fait quitter mon job, c’est le déclic de Bruxelles arrive. Quand j’ai su qu’il allait sortir, j’ai noté la date, et je me suis dit « le jeu va changer pour moi à partir de ce moment là ». Il y avait une électricité, une énergie dans le morceau, et tous les retours des gens autour de moi qui ne l’avaient entendu qu’une seule fois… C’est le genre de cartouche que tu n’as qu’une fois dans ta vie. Si je devais arrêter le boulot, c’était à ce moment là. Mais en même temps, j’avançais vers l’inconnu. Je pouvais me reposer que sur mes estimations, sur mes potes qui me disaient « ça va péter ». Le problème, c’est que je suis superstitieux. Pour moi, si tu te dis que ça va marcher, ça ne va pas marcher. Et une fois dans ma vie, je me suis laissé aller, j’y ai cru, et j’ai lâché mon job. Mais c’est vraiment un truc … tu vois, c’est comme ça ce soir, j’ai un concert, je ne pourrai pas te dire à l’avance « ça va être un gros concert, tu vas voir ». J’ai l’impression que je vais foutre la merde dans mon propre destin.

Tu m’as donc menti quand tu m’as dit qu’il fallait te considérer comme un rappeur français, étant donné que tu n’es pas du genre à lancer de grands « vous n’êtes pas prêts » au moindre non-événement.
Dans la mentalité, on a une différence avec les rappeurs français. Notre approche est plus … tranquille. Etant donné qu’en Belgique, on n’a pas la même institution rap, le même passif rap, cet espèce de fardeau à porter, à devoir représenter quelque chose, ou à avoir peur de décevoir telle ou telle catégorie d’auditeurs. C’est un tout, qui fait qu’on a moins de pression. En France, c’est très différent, il y a une culture du clash, de la polémique, de la critique. Une Diam’s, par exemple, je pense qu’elle aurait moins suscité le débat si elle avait été belge. Bon, ça peut paraître présomptueux, mais c’est une vision qui a ses bons et ses mauvais côtés. Peut-être que le rap belge a moins de charme que le français, justement parce qu’il est moins deep. C’est moins profond, moins…

Oui, vous avez tous l’air très gentils et bienveillants.
Voila, ça a tout de suite un côté Benny B, l’aspect divertissement. Il faut savoir en jouer, bien sûr, on a une approche un peu nonchalante, on aime blaguer… C’est juste une autre mentalité, mais ça ne veut pas dire qu’elle est forcément meilleure.

La période où tu avais peur d’être considéré uniquement comme un fils d’artiste est derrière toi ? -les parents de Roméo Elvis sont Laurence Bibot, comédienne et humoriste, et Marka, l’un des chanteurs belges les plus populaires.
Complètement, oui.

T’avais besoin de prouver que tu pouvais t’en sortir par toi-même avant de pouvoir assumer ce truc ?
Oui, c’est surtout ça. J’avais peur que les gens pensent que j’y étais arrivé uniquement parce que mon père venait du monde de la musique. Que l’on croit que venit de ce milieu m’avait ouvert des portes, ou facilité des choses. Il fallait que j’aille le plus loin possible par moi-même, sans l’aide de personne, avant de pouvoir m’en détacher. Il y a au aussi une part de rejet adolescent, j’imagine. Après, les gens pourront toujours parler, mais moi, j’ai prouvé ce dont j’étais capable. Maintenant, je peux parler de mon daron, je peux chanter avec ma soeur, il n’y a plus aucun problème.

Maintenant que t’as répondu aux questions d’usage, on va passer aux choses sérieuses. Tu as un rapport très particulier au règne animal : tu fais référence à énormément d’espèces différentes dans tes textes, ça va du flamand rose au dauphin, en passant -évidemment- par le crocodile, qui est un peu devenu ton emblème. Est-ce qu’on peut considérer que tu es le Ace Ventura du rap français ?
Ouais… [ Sourire satisfait]

Niveau look, ça colle.
Je kiffe, à fond. Jim Carrey… Sa mentalité, sa vision de la vie, la manière dont il joue, ça me plait énormément. J’avais jamais réfléchi à ça, mais c’est clair que la comparaison me parle. Et puis, Ace Ventura, c’est un personnage intéressant, parce qu’il aime vraiment les animaux, c’est pas un chasseur, ou un mec qui cherche à se servir de l’animal pour nourrir ses propres desseins. Il cherche à créer un genre de communion entre eux et les hommes.

Mais t’es vraiment à fond dans ce délire, ou t’en joues parce que ça apporte un truc en plus à ton personnage et à tes textes ?
C’est bizarre, parce que j’ai l’impression que quand on était petits, on était tous fans des animaux. Les dinosaures, les animaux… Tu vois ? Et c’est comme si tout le monde avait évolué, tout le monde s’était intéressé à d’autres trucs, et que moi j’étais resté focus là-dessus. Aussi loin que je me souvienne, j’ai jamais eu de période où j’étais plus à fond dans les voitures, ou autre chose. Je voulais toujours voir des dessins-aimés avec des animaux, des films avec des animaux, des documentaires avec des animaux …

Du coup, quand t’as eu l’âge de mater du porno, tu t’es tourné vers les catégories zoophiles ?
J’ai cherché des choses, mais j’ai jamais trouvé de plaisir dans des scènes avec des animaux. Mais forcément, ça m’a intrigué. Ça va loin, le porno avec des animaux, c’est très sale ! Mais c’est le côté… Garder cette innocence, ce côté un peu infantile.

Là par contre faut préciser que tu ne parles plus de porno, sinon les gens vont se poser des questions.
[Rires] Oui évidemment, je parle de ma passion pour les animaux, de manière globale. Animaux, dinosaures, monde imaginaire… Et c’était tellement facile de commencer à aborder le rap de cette manière, parce que ça m’évitait de devoir évoquer les sujets de la rue, des trucs qui me concernaient pas. Si j’avais fait ce genre de rap, on m’aurait forcément jugé. Et Le Seize, le beatmaker bruxellois qui m’a pris sous son aile, m’a simplement proposé de réunir tous mes textes sur les animaux. Du coup, ça a plutôt bien fonctionné parce que certes, je parle de trucs un peu légers comme les animaux et les dinosaures, mais qu’en face, je rappe vraiment.

Je te sens quand même très écolo, en plus de ta passion pour le règne animal, tu évoques par exemple les problèmes de déforestation.
Ouais, clairement. Je roule à vélo, je mange beaucoup de fruits et légumes, du bio. J’essaye d’avoir une alimentation saine, je fume de la verte pure, sans tabac. J’aime essayer de véhiculer cette idée. Je me sens pas à l’aise avec la surconsommation. Je me rends compte que j’ai de l’influence, que ce soit à travers ma musique ou à travers mes réseaux sociaux. Quand je fais une story, c’est con, mais je me rends pas compte de l’impact que ça peut avoir. Et quand le lendemain, trente-cinq personnes m’en parlent à chaque fois qu’elles me croisent, je me dis qu’effectivement, ce que je fais peut avoir un impact. Ne serait-ce que quand je crois des gamins qui me disent qu’ils veulent avoir la même coupe de cheveux que moi.

Alors là, permets-moi de douter.
Sérieux, regarde la coupe que j’ai, c’est chaud ! Ça signifie que c’est pas l’esthétique qui leur plaît, mais bien le fait de suivre quelque chose ou quelqu’un. Du coup, je préfère me servir de mon image pour … je ne sais pas, prendre des photos dans un potager quand je fais la promo de mes t-shirts, ou montrer un Fristi -l’équivalent belge du Candy Up- ou une banane quand je suis dans les loges avant un concert. Les gens savent que je fume de la beuh et que je n’ai pas la meilleure hygiène de vie possible, donc j’essaye quand même de montrer des choses positives.

Entre ton côté écolo et l’attention que tu portes à ton comportement, tu as toutes les caractéristiques du rappeur conscient lambda.
Ouais, complètement. J’estime qu’il y a une part de rap conscient dans mes textes. Mais conscient, dans le sens où… Où t’es conscient de ta notoriété, en fait. T’as un rôle, quand t’es une personne publique, j’estime que t’es responsable de ce que tu dis et de ce que tu fais, parce que ça aura forcément un impact sur quelqu’un.

Ton rapport à la drogue est finalement assez particulier. D’ailleurs, dans un morceau tu dis « la drogue n’est qu’un outil, c’est l’homme qui fait le mal ». Pour toi, la drogue a pour fonction de désinhiber notre mauvaise nature ?
Je pense, oui. Je pense vraiment que la drogue est un outil et que la nature humaine existe. J’ai du mal avec les idées de Sartre sur le conditionnement… Enfin, je crois que c’est Sartre. On trouve constamment des facteurs pour expliquer le mal, comme l’influence de certains dans notre jeunesse, ou le milieu social, etc. Mais je pense que la plupart des choses sont juste ancrées en nous. Je crois en la génétique. Et la drogue, j’ai du mal à la voir comme responsable de nos malheurs. Si tu finis mal, c’est parce que le mal est en toi. Essayer de soigner ce mal avec la drogue, quelque part, c’est un non-sens. L’homme est beaucoup plus fort que ça. Le psychique est plus fort que le physique, et par conséquent, n’importe quelle addiction est surmontable. Mais si ta nature est autodestructrice, tu finiras forcément par vouloir te faire du mal.

Du coup, ta consommation -même s’il ne s’agit pas de drogues dures- a quelle fonction chez toi ?
C’est simple : je ne bois pas, j’ai arrêté la drogue – donc, je ne fais que fumer. C’est un truc malsain, c’est de l’autodestruction. Il y a l’expression « se mettre bien », et j’estime que fumer, c’est le pendant opposé, « se mettre mal ». Je suis quelqu’un qui pense trop … je ne dis pas que je suis forcément malin, ça serait prétentieux, mais je pense beaucoup. Je n’arrive pas à fumer sans trop me poser de questions. Je fume parce que j’aime ça, je suis dans un milieu où ça se fait beaucoup, mais dans le fond, je sais que je suis en train de me foutre en l’air. Je suis à moitié veggie, je ne fume pas de clopes, je ne bois pas, je fais attention à mes heures de sommeil, j’essaye de rester très clean sur tout un tas de choses … je suis limite straight, je ne sors plus, j’ai une vie très rangée. Mais la bédave, c’est le truc qui me flingue. Les deux trucs qui m’emmerdent dans ma vie, c’est la beuh et mes acouphènes.

Alors justement, j’allais y venir. Tes acouphènes, tu en parles dans le morceau « Ma Tête » , qui conclue Morale 2. On ne va pas forcément reparler de ça, puisqu’on te pose la question dans absolument toutes tes interviews, et que te faire répéter les mêmes choses n’a pas forcément d’intérêt, mais dans ce morceau, tu évoques aussi tes nombreuses pertes de mémoire…
Regarde mon manager, il est mort de rire. Il sait que la mémoire, c’est catastrophique chez moi.

J’étais super content que t’en parles dans ce morceau, parce que j’ai exactement le même souci, et c’est super handicapant au quotidien.
Ouais, c’est terrible. Et je pense que la bédave, ça doit pas aider. Ce qui est vraiment contraignant, c’est que j’ai une mémoire de base qui est extrêmement forte, je peux me souvenir de détails complètement insignifiants, c’est limite flippant. Souvent, mon père ne me croit pas, il me dit « mais non, tu étais trop petit, tu ne peux pas t’en rappeler »… Alors que si, j’ai tout le scénario en tête. C’est comme si j’avais mis toute ma mémoire dans des choses inutiles. Et à côté de ça, j’arrive à oublier des journées entières de rendez-vous, ou des deals avec des marques. Pourtant, j’ai un agenda, tout est noté, on me rappelle mes rendez-vous constamment… Mais ça ne reste pas dans ma tête.

Et niveau musique, c’est comment ? Tes textes, tu les retiens ?
Alors ça, par exemple, j’ai aucun souci. Je connais tous mes textes par coeur, et même ceux des mecs avec qui je joue. Lomepal, ou L’Or du Commun, quand on joue ensemble, je suis le premier à les rattraper en cas de trou de mémoire… Sur ma vie, tu peux leur demander : ils comptent vraiment sur moi, parce que je connais leurs textes par coeur, à la virgule prêt. C’est super frustrant cette mémoire sélective.

Je comprends tout à fait. Maintenant, on va revenir un peu sur certains de tes textes. Dans « Morale », t u disais que le bonheur était un idéal, et que l’amour était une idée fausse. Au delà du fait que ce soit super déprimant, est-ce que c’est un truc que tu penses vraiment, ou est-ce que c’était uniquement sur le coup d’une relation qui s’est mal terminée ?
Non, c’est vraiment lié au contexte. Je sortais d’une rupture, j’étais très triste. J’ai quitté ma meuf et c’était très dur. Ce texte est sorti de mes tripes presque d’une traite : j’étais en voyage avec ma daronne et j’ai écrit dans l’aéroport, dans l’avion, puis en arrivant à l’hôtel. Aujourd’hui, je vois les choses différemment, parce que je suis méga amoureux.

Ok. Dans « Bruxelles arrive », tu parles du Bendo. Étant donné que tu viens d’un milieu aisé, et que, tu le dis toi-même, tu n’as jamais connu la rue et tout ce qui s’y rattache, c’est quoi, pour toi, le Bendo ?
J’ai entendu des congolais en parler il y a pas longtemps, et j’ai bien aimé leur version : pour eux, c’est le sens « maison abandonnée », le sens originel de l’expression. Perso, j’ai accroché sur cette explication. Après, je me doute qu’il doit y avoir d’autres significations, mais dans mon morceau, c’est vraiment pour dire « la zone, le secteur », et donc, par extension, Bruxelles.

Dans « Assurance », tu dis « ma dégaine est inimitable ». Alors je veux bien, mais quand tu vois par exemple Sch, ou PNL, tu te dis pas que t’as du boulot à ce niveau-là ?
Bah… Si tu regardes bien, j’ai toujours eu les cheveux longs, alors que de leur côté, c’est venu progressivement.

Ok, mais eux c’est lissé, soigné.
Les miens sont lisses naturellement, alors il faut se demander qui pompe le style de l’autre [ Rires]. C’est moi le précurseur. Mais je kiffe qu’il y ait des PNL et des Sch qui viennent… Casser les codes, comme on dit. Parce qu’on parle souvent de casser les codes alors que ce n’est pas forcément le cas. Mais eux, ils cassent vraiment les codes. Sch, je suis vraiment fanatique. On n’est pas du même milieu musical, on est pas forcément amenés à se croiser dans nos carrières, mais en termes d’imagerie, de musique, de textes, je suis à fond. J’ai beaucoup de respect pour lui.

Il y a une phrase qui m’a fait sursauter quand j’ai écouté « Diable » : « parfois, je malaxe le pénis ». Tu dis « le » pénis, et pas « mon » pénis, du coup on se demande si tu parles de toi ou de quelqu’un d’autre.
On pourrait penser que je malaxe celui du diable.

Alors pour le coup, ça a déjà été fait par Rochdi.
Non, je plaisante, mais j’ai remarqué que je parlais souvent de ma bite dans mes morceaux.

T’es un rappeur, quoi.
C’est ça. Donc au bout d’un moment, tu peux te permette de dire « le » pénis, parce que les gens savent forcément que tu parles du tien. C’est plus ça que l’idée « malaxage du pénis de quelqu’un d’autre ».

Dans le même morceau, tu dis « on ne baise pas l’avocate ». C’est une règle implicite en Belgique ? Parce qu’en France, je connais des gens qui ne se gênent pas pour le faire.
Non, c’est plutôt dans le sens « on ne la fait pas à l’envers ». L’avocate, c’est la personne qui va te défendre corps et âme, donc faut pas lui faire à l’envers. C’est la seule personne qui peut t’aider dans certaines situations, donc à un moment donné, il faut être raisonnable.

L’un de mes morceaux préférés sur ton dernier projet s’appelle « Les Hommes Ne Pleurent Pas ». C’est quand, la dernière fois que t’as pleuré ?
J’ai pleuré en me réveillant, il y a pas longtemps. En fait, j’ai rêvé – ou plutôt cauchemardé – de sa mort. Et j’étais tellement à fond dedans, c’était tellement réel, que je me suis réveillé en pleurant. Ma meuf a pas compris… Je l’ai feintée : « Rendors-toi, je pleurais de joie et … et c’était très viril » [ Rires]. Mais je suis quelqu’un de très sensible, je dois souvent me retenir de ne pas pleurer, parce que ça sort trop facilement. Les hommes qui pleurent, c’est un tabou, et c’est pour ça que je voulais en parler dans ce morceau. Je considère que je me suis prouvé assez de choses viriles, masculines, pour pouvoir assumer ce genre de choses. Ok, je pleure, mais je suis un homme, au sens des valeurs qu’un homme se doit d’avoir, mais j’assume à fond mon côté sensible.

Merci, t’as été bon.
C’était ma seule interview aujourd’hui, alors j’ai tout donné.


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