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Music

Ne comptez pas sur Agoraphobic Nosebleed pour vous caresser dans le sens du poil

Katherine Katz nous raconte comment les titans du grindcore se sont transformés en monstre doom le temps d'un EP et pourquoi la scène metal est toujours aussi désespérément réac.

Toutes les photos sont d'Alyssa Herrman

Vous le savez peut-être déjà, mais Arc, le nouveau EP d'Agoraphobic Nosebleed marque un tournant spectaculaire pour le groupe de Springfield, Massachusetts. Après avoir livré quelques-uns des mètres-étalons du grindcore contemporain (Frozen Corpse Stuffed With Dope, Altered States of America et Honky Reduction, principalement), ils avaient déjà pris leur public par surprise avec le nettement plus « mélodique » Agorapocalypse en 2009. Je mets évidemment mélodique entre guillemets, ça shreddait encore dans tous les sens, mais leur folie était plus méthodique, et certains des morceaux étaient même reconnaissables parmi d'autres, c'est dire.

L'ajout il y a quelques années de la chanteuse Katherine Katz a donné au groupe une nouvelle dynamique, surtout sur scène, mais aussi en studio, comme le prouve Arc, un disque qui n'a strictement rien à voir avec ce qu'ils avaient fait jusqu'à présent. Trois très longs titres sur lesquels plane l'ombre de Black Sabbath, Eyehategod, les Melvins et Crowbar. Imaginer Agoraphic Nosebleed composer des morceaux de 12 minutes aurait fait marrer tout le monde il y a encore quelques années. Mais c'était sans compter sur l'alliance hors-normes qu'allaient composer Scott Hull, membre de Pig Destroyer et songwriter du groupe, et l'impressionnante Kat, qui officiait auparavant dans Salome.

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À l'occasion de la sortie de Arc (que vous pouvez écouter en entier ci-dessous), j'en ai profité pour poser quelques questions à Kat, malgré sa réticence à donner des interviews, afin de parler de sa haine du terme

« chanteuse »

, de la scène metal, de yoga et de sa mère décédée du cancer qui hante tous les lyrics du disque.

Noisey : Ce nouveau EP d'Agoraphobic Nosebleed risque de surprendre pas mal de monde, sauf peut-être ceux qui connaissaient déjà ton boulot avec Salome. Qu'est-ce qui t'a donné envie de revenir à des morceaux plus sludge/doom ?
Kat Katz : Le doom est le genre de metal que je préfère, j'étais vraiment emballée à l'idée de repartir là-dedans. Scott avait déjà écrit le morceau « Gnaw » des années avant qu'on ne parle de cette série de EPs. Je crois que le challenge que représentait le fait d'écrire un disque entier de stoner/doom lui plaisait énormément. On a discuté de nos morceaux favoris dans le genre, et il a tout composé. Je lui disais juste ce que j'en pensais après. Ensuite, je me suis occupée des paroles, du chant et de l'artwork.

Pourquoi est-ce que vous l'avez jouée à la Kiss en présentant ces EPs comme des digressions solo ?
Réaliser une série de disques explorant différents courants musicaux était un défi marrant pour Scott et puis ça permettait à chaque membre de contrôler son projet quasiment de A à Z à chaque fois. Arc, le EP de Scott, est le premier de la série que nous sortons, mais ce n'était pas vraiment voulu de commencer par lui, c'est juste qu'il a fini le sien avant les autres.

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Quand tu étais dans Salome, les médias metal ne faisaient que parler du groupe en se basant sur ton image - celle d'une petite blonde au chant ultra-agressif, comme si c'était un truc jamais vu. Est-ce que ton parcours post-Salome a été une sorte de réponse à ça ?
J'ai toujours détesté quand les médias se focalisaient sur mon identité sexuelle ou mon apparence ; par conséquent, je déteste qu'on se réferre à moi en tant que chanteuse. Mon changement d'apparence - je me suis rasé le crâne - était un bras d'honneur à quiconque pensait que je devais me conformer aux stéréotypes féminins. J'ai toujours été à l'aise avec mon genre et mon identité sexuelle, depuis le lycée. Le fait d'être allée au Smith College, une université avec une importante population queer, m'a certainement poussé à me sentir mieux avec tout ça - cet environnement a été très bénéfique pour moi.

Est-ce que tu as observé une évolution des débats sur le racisme, la misogynie ou l'homophobie au sein du metal depuis que tu as commencé à jouer dans des groupes ?

Quand j'ai commencé la musique, j'ai souvent été dénigrée et déshumanisée par la communauté metal, et ça inclut également les membres de mon groupe. Mais c'était pareil dans la vie en général. Il m'a fallu des années pour inverser les dommages causés par notre culture sexiste et pour enfin avoir de l'estime pour ce que j'étais et ce que je faisais. Je ne sais pas si la communauté metal a changé sur ce point - dernièrement, je ne me rends plus trop aux concerts, que ce soit sur scène ou dans le public. Ceci dit, si je dois en juger par les commentaires que je lis sur Internet, la scene metal est toujours très réac. Si on veut changer cette culture, je crois qu'il faudrait que davantage de grandes figures du genre abordent ces sujets et condamnent les attitudes et les comportements intolérants.

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Sur Arc, j'ai été assez frappée par les paroles de « Deathbed » et « Not a Daughter ». Écrire tout ça était-il indispensable pour faire le deuil de ta mère ?

Arc

parle de ma relation avec ma mère et de sa disparition. J'ai commencé à écrire des lyrics là-dessus quand elle a été mise à l'hospice. Ma mère était schizophrène quand j'étais enfant, elle avait une grave maladie neuropsychiatrique. Lorsqu'elle est tombée malade du cancer, sa schizophrénie a empiré, au point où prendre soin d'elle physiquement, mentalement et émotionnelement est devenu quasi-impossible. À l'époque, je n'aurais pu écrire sur rien d'autre. Donc en effet, écrire m'a aidé à faire le deuil - en général, quand on écrit sur un traumatisme ou sur une grande peine, c'est une façon d'aller de l'avant et de donner du sens à ce qui t'arrive. J'écris sur mes chocs émotionnels jusqu'à ce que fasse tout sortir. J'espère que d'autres personnes se reconnaîtront dans mon honnêteté à propos de la maladie mentale et du deuil.

Quel rôle la musique joue-t-elle sur ta santé mentale et émotionnelle ?

C'est un impératif. Sans elle, ma santé mentale et émotionnelle déclineraient, c'est sûr. J'ai absolument besoin d'un exutoire créatif. La musique, l'art, la poésie, sont des éléments centraux de ma personne.

Tu es dans quel état d'esprit quand tu joues sur scène avec Agoraphobic Nosebleed ? Et comment est-ce que tu décompresses après les concerts ?

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Je suis concentrée, volontaire et vulnérable. J'écoute la musique aussi attentivement que je peux et je laisse sortir tout ce que je ressens. Dans un monde où le stoïcisme l'emporte sur la vulnérabilité, je considère que révéler qui tu es et ce que tu ressens est la preuve d'une vraie force. Après un set, j'aime bien passer dix minutes seule pour me relaxer, mais ce n'est pas toujours possible, ce qui est très bien aussi.

J'ai vu la façon dont le public se jetait sur toi aux concert. Tu es à l'aise avec les fans ? Ou ça t'étonne encore qu'on s'intéresse à toi malgré les années ?

J'ai des troubles d'anxiété généralisés, donc c'est toujours relativement inconfortable pour moi de jouer devant une foule. Malgré ça, j'apprécie énormément quand queulqu'un s'approche de moi pour créer une sorte de connexion. Mais oui, je trouve toujours ça bizarre quand on me prête trop d'attention. Vu que que ce n'est pas un truc qui va au-delà des concerts de metal, ce n'est pas un problème non plus.

Le yoga prend une place importante dans ta vie maintenant. Je sais que tu es prof, tu écoutes quoi pendant les cours que tu donnes et durant tes propres séances ?

Oui, c'est un élément vital de mon existence - et il détermine mon bien-être, je m'en sers souvent pour fairte le point et prendre du recul. Quand j'enseigne, j'utilise de la musique créée pour le yoga et la méditation, type Anugama. Quand je pratique seule, la musique dépend de mon humeur. Parfois j'écoute du metal, parfois du classique, d'autres fois uniquement le silence. Je pense que le yoga et le metal vont bien ensemble. Beaucoup de gens que j'ai rencontré pensent que le yoga est simplement destiné à embrasser les facettes positives de la vie, mais pour moi, c'est bien plus que ça. Ma pratique intègre toutes les facettes, y compris les sentiments de rage et de dépression. C'est une opportunité de mettre en lumière les recoins les plus sombres de ta personnalité.

C'est quoi tes plans pour le reste de l'année ?

On a hâte de jouer à tous ces festivals, le Deathfest en Hollande en février, le Southwest Terror fest et le California Deathfest en octobre. Il y en aura d'autres, mais on n'y est pas encore. On projette aussi de sortir un album avant la fin de l'année.

Agoraphobic Nosebleed joueront également au Hellfest en juin prochain.

Kim Kelly joue sur Twitter.