FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Brian Diaz trime pour les plus grands groupes de rock du monde depuis 20 ans

Le roadie de Guns N' Roses et Fall Out Boy a sorti un livre dans lequel il raconte ses meilleures histoires d'inondations et d'invasion de rats.

De nos jours, les gens ressentent le besoin de tout documenter, tout le temps. Les marées de portables tenus à bout de bras qui vous gâchent la vue en concert en sont l'un des exemples les plus flagrants. C’est comme si les gens mettaient momentanément leur vie de côté pour se concentrer sur un truc qui, dans l'absolu, ne servira à rien, si ce n'est à prouver qu'ils étaient à tel endroit à tel moment -même si, techniquement, on peut se poser la question de savoir si ils y étaient vraiment, du coup. Heureusement, certains roadies sont là pour remettre les pendules à l’heure. J'ai passé un moment avec l'un d'entre eux, Brian Diaz, un technicien guitare qui a travaillé, entre autres, pour Guns N’ Roses et Fall Out Boy et qui vient tout juste de sortir un livre intitulé 1800 Miles To Nowhere, dans lequel il revient sur deux décennies de tournées.

Publicité

Noisey : Si je ne dis pas de conneries, tu faisais du ska avec Edna’s Goldfish dans les années 90. Ça représentait quoi d’être dans un groupe à l'époque, par rapport à aujourd’hui ?
Brian Diaz : J’ai fait mes premiers pas de roadie en 1997, alors que j’étais encore dans Edna’s Goldfish. On n’avait pas beaucoup d’influence et on était très DIY, mais on s’est arrangés pour sortir quelques disques. On a pas mal tourné aux Etats-Unis et on est allés en Europe quelques fois. J’ai aussi joué dans un groupe qui s’appelait Reunion Show, de 2000 à 2003, année durant laquelle j’ai tout quitté pour devenir guitar-tech à plein temps. Avec Edna's Goldfish, on n’avait pas de GPS, ni d'iPhones ou de laptops. On appelait les gens de cabines téléphoniques et on avait genre un téléphone portable pour six. On n’avait pas vraiment de roadies à proprement parler. Mon ancien colocataire Brian nous a accompagnés sur quelques tournées. Concrètement, il conduisait le van, nous réveillait et nous aidait à installer notre matériel. En gros, je lui taxais des clopes pendant qu’il surveillait le merch que personne n’achetait de toute façon.

On était sûr de rien quand on partait en tournée. On faisait des deals sans rien signer et on organisait des concerts en appelant des promoteurs et des groupes qu’on ne connaissait même pas. Même si voyager comme ça d’un bout à l’autre du pays était un truc que faisaient beaucoup de groupes, les choses pouvaient mal tourner très rapidement. J’ai l’impression que tout aurait été beaucoup plus simple si il y avait eu un moyen de nous joindre quand on était au beau milieu d’un trajet interminable, pour nous dire que tout était annulé et qu’on n’avait donc plus à s’emmerder à venir. Il y avait clairement plus de surprises à l’époque. On était très jeunes, et aucun d'entre nous ne savait ce qu’on ferait dans les 20 années qui allaient suivre. J’ai fêté mes 22 ans en tournée, en 1998. C’est probablement la moyenne d’âge de la plupart des groupes aujourd’hui. Quand tu as 22 ans, tu penses tout savoir. Et tu ne sais absolument rien. Ces groupes pensent qu’ils peuvent lâcher quelques morceaux en ligne, et qu’une fois qu’ils atteindront un certain nombre de « likes », ils partiront en tournée et que des centaines de personnes se pointeront à leurs concerts. Internet a facilité les choses à tel point que tous ces groupes peuvent se frotter d'emblée aux plus grands, mais il faut garder à l'esprit qu’on ne joue pas dans la même cour. La popularité sur Internet est éphémère et ces groupes se basent juste sur des chiffres, ce qui est extrêmement dangereux. Ils se grilleront rapidement à cause de ça. J’ai vu des groupes sur le Warped Tour, quand je tournais avec Motion City Soundtrack, qui avaient leurs propres bus, dans lesquels ils dépensaient tout leur argent. Je me disais que si ça avait été Reunion Show ou Edna’s Goldfish, on aurait conduit nous-même notre van, même si ça faisait trop fauché. Je ne sais pas si c’est parce qu’on était trop méfiants, parce qu’on n'avait pas les moyens ou parce qu’on était « trop punk » pour ça. Les petits groupes voient ce que les grands font et veulent les imiter. Ils veulent tout avoir, les bus, le matériel top-niveau et les équipes de roadies. Tu ne peux pas avoir tout ça au début. Focalise-toi sur tes morceaux et si tu es assez bon, les extras viendront avec le temps.

Publicité

Clôture de la tournée de Guns N’ Roses à Beyrouth.

Comment es-tu devenu technicien guitare ?
Quand j’ai quitté Reunion Show en 2003, à cause de disputes débiles et de conflits personnels, je n’avais pas réfléchi à ce que j’allais faire après parce j’avais l’impression que je ne savais rien faire d’autre. C’est comme si j’avais perdu mon temps, je n’avais pas vraiment de plan de secours. Alors que je sombrais dans la dépression, j’ai reçu un appel de Brian Lane [batteur de Brand New] qui m’a demandé si j’étais intéressé par une tournée avec son groupe et Dashboard Confessional, en tant que technicien guitare. Ils venaient tout juste de commencer leur tournée dans un bus. Ils n’avaient pas vraiment de crew, si ce n’est un technicien batterie. Je ne savais pas vraiment quelles seraient mes responsabilités, mais j’étais prêt à apprendre, principalement parce que ça voulait dire que j’allais pouvoir repartir en tournée. J’avais déjà vendu du merch et organisé des concerts pour un groupe de potes, entre deux tournées, mais je n’aimais pas encore trop cette idée. Je n’en avais pas encore fini avec mon groupe et le fait de monter sur scène. J’avais toujours cette envie de jouer en moi.

Quand j’ai finalement commencé à travailler avec Brand New et à gagner de l’argent grâce à ça, mon point de vue a changé. J’avais toujours aimé tout ce qui touchait au matos et aux guitares, c’était donc une chance de travailler dans ce domaine, tout en étant payé. À l’époque, j’avais décidé de déménager à Chicago et de repartir à zéro, en quelque sorte. C’était en 2003 et je suis retourné à New York en 2010. J’avais assez trainé là-bas. J’ai fini par bosser pour Motion City Soundtrack, puis Fall Out Boy, pour qui je travaille encore aujourd’hui. J’ai aussi tourné avec Primus, Sum 41, Anthrax, et plus récemment avec les Guns N’ Roses, ce qui a été la plus grande expérience de ma vie. C’était surréaliste.

Publicité

Selfie de Brian sur la tournée de Guns N’ Roses en Australie.

Qu'est-ce qui t'a donné envie d'écrire ce livre ?
J’étais un grand fan de Henry Rollins, et plus spécialement de sa période Black Flag. Get In The Van était la bible de la tournée. Je voulais tellement avoir le même genre d’expérience que Black Flag avait vécu. Je voulais du sang et des larmes. Pendant deux ans, j’ai tenu un journal de tournée avec Edna’s Goldfish. J’écrivais tout ce qui se passait dans des carnets. Il y avait des choses banales, des choses tristes, des fois où j’étais énervé, où je me sentais seul, où j’étais malade… Tout. Tout était là-dedans. Ce n’était pas aussi extrême que ce que Rollins avait pu vivre, mais c’était mon expérience. À l’époque, j’écrivais juste tout, puis j’oubliais. Mais les gens me disaient : « Tu as tellement d’histoires géniales ». Je n’y croyais pas vraiment, mais je postais de temps en temps des trucs courts sur Myspace, au début des années 2000 et ils trouvaient ça hilarant. J’ai arrêté de tourner pendant un an et demi en 2006 pour me retrouver un peu, et je me rappelle m’être dit, « Maintenant que j’ai tout ce temps libre, j’écris un livre ! », mais je n'ai pas vraiment pris ça au sérieux. En 2012, j’ai déménagé dans un nouvel appartement à Brooklyn et pendant le déménagement, j’ai retrouvé ces carnets dans lesquels j’avais tenu le journal des tournées. Je les ai montrés à ma copine Meghann Right, qui est elle-même musicienne, et elle m’a demandé, « Pourquoi tu ne réécrirais pas certaines de ces histoires pour en faire un bouquin ? » J’ai pensé que c’était une idée ridicule, parce que je n’avais aucune expérience dans le genre. Tout ce que j’avais écrit, c’était sur des blogs, sur Myspace ou dans ces carnets. Mais l'idée était là, et j'ai fini par le faire. J'ai ensuite envoyé quelques-unes de ces histoires à Chris Gutierrez de Dead Stop Publishing. Il s’est avéré qu’il les a vraiment aimées et qu’il a décidé de les éditer.

Publicité

À partir de là, je m'y suis vraiment mis, mais ça n'a pas été facile. J’écrivais des trucs et puis j’effaçais tout. Je voulais abandonner. Je pétais des câbles quand je me rappelais de toutes ces conneries et que j’écrivais trop. Je buvais beaucoup et je prenais un paquet de coke à ce moment-là, surtout pendant la résidence de Guns N’ Roses à Las Vegas. J’y ai passé un mois, dont je parle brièvement dans le livre. Ça a vraiment été le sommet de l’improductivité pour moi. C’était en octobre ou novembre 2012. En janvier, j’ai arrêté de déconner, je m’y suis remis et j’ai terminé le livre. Ce n’est même pas un si gros bouquin, mais pour un écrivain sans expérience, c’était un sacré boulot. C’est Meghann qui m’a aidé à m’accrocher et c’est donc la première personne à qui j’ai dédié ce livre.

Qu'est-ce que ces histoires ont de particulier, selon toi ?
Les gens n’arrêtent pas de me dire à quel point ils sont excités de lire tous les trucs incroyables sur ce qu'il se passe en coulisses et tout, mais ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’ils vont lire une histoire qui est vraiment très personnelle à mes yeux. Ça parle surtout de moi en tant que personne, ce n'est pas juste une suite d’anecdotes de 1997 à nos jours. Est-ce que c’est factuel ? Oui. Est-ce que c’est aussi excitant et sensationnel que les biographies de Slash ou Keith Richards ? Probablement pas. Mais c’est le même genre d’histoires racontées par une personne appartenant à une scène bien particulière, et je ne sais pas si il y en a beaucoup comme ça. Peut-être que c’est pour ça que les gens qui sont issus de cette scène ont hâte de le lire. On n’avait pas de jets privés ou de strip-teaseuses et on ne jouait pas dans des stades. C’est ce que j’ai vécu et ce qui m’a fait devenir ce que je suis aujourd’hui.

Publicité

Bill et Pete Wentz.

Tu peux nous raconter l'une de ces histoires ?
Jakarta avec les Gun’s N’ Roses en 2012, c'était dingue. On devait faire ce concert dans une espèce de pavillon à ciel ouvert. On est arrivés tôt le matin et il pleuvait directement sur la scène et sur tous les flight-cases qui avaient été déchargés. Une vraie averse tropicale, dans le style Pacifique. Une partie de l’équipe était sur la scène, en train de se demander comment on allait bien pouvoir faire, et l’eau commençait à s’accumuler. Il y avait des choses qui flottaient tout autour de nous sur la scène. Les échafaudages pour l’éclairage commençaient à être ensevelis par la boue. Certains d’entre nous ont foncé sous la pluie vers la cantine, qui était infestée de mouches et de moustiques, et d’autres ont du évacuer les tentes du crew, parce que des rats sortaient de partout pour éviter d’être noyés. À un moment donné, notre chef a remarqué que la scène était tout simplement en train de couler. Vu qu’il n’y avait aucun moyen d’arranger la situation, la seule solution était de tout remballer dans le camion et d’essayer de trouver un autre endroit pour le concert. Il s’est avéré que Sting était en ville et jouait dans une salle ce soir-là. Donc après avoir rechargé le matériel sous la pluie et être retournés à l’hôtel pour une petite sieste, on s’est tous retrouvés dans les vans aux alentours de minuit pour rejoindre cette salle où l’équipe de Sting avait laissé son matos pour qu’on puisse l’utiliser. À une heure du matin, on avait déchargé tout notre matériel, on l’avait séché, fait notre soundcheck. Et avant de s’envoler pour le Japon, les Guns N’ Roses ont joués à onze heures du matin, ce qui était apparemment le concert le plus matinal de toute l’histoire du groupe.

En fait, il était 11h15. Tu ne pensais quand même pas qu’Axl allait se pointer à l’heure, pas vrai ?

Jonathan Diener est le batteur des Swellers, un groupe qui tourne dans une vieille Suzuki Sidekick. Il est sur Twitter - @jonodiener