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Music

Crown Court est venu dépoussiérer la oï!

Le jeune groupe Londonien enchaîne les hymnes fédérateurs, adore les groupes français et a une grosse envie de mordre.

Photo - Angela Owens

Il y a aujourd’hui deux catégories de oï!. La première, strictement partisane, à gauche comme à droite, est bourrée de morceaux médiocres et peu originaux, dont plus personne ne se souviendra dans six mois. La seconde, sans couleur politique, est tellement aseptisée et mollassonne qu'on se demande encore ce qui la maintient en vie. Que reste t’il donc aux skinheads qui se respectent ? Bien que la oï! soit un genre extrêmement codifié, aux possibilités somme toute assez limitées, j’ai toujours eu du mal à comprendre comment autant de groupes arrivaient à se foirer. Heureusement, certains jeunes groupes arrivent à préserver l’esprit originel de la scène et à faire honneur aux traditions tout en apportant une gigantesque dose de fraîcheur au genre. C'est le cas Crown Court, groupe londonien de premier choix, formé en 2014 qui a balancé en une simple démo et un EP une invraisemblable poignée d'hymnes bruts et fédérateurs, à écouter poing en l’air et Docs coquées aux pieds. À l’occasion de la sortie de leur nouvel EP English Disease sur Rebellion Records, j’ai pu m’entretenir avec Nick et Charlie, respectivement bassiste et guitariste du groupe. Et ils ont même accepté de nous filer un avant-goût du EP à venir avec le morceau « Jack Jones ».

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Noisey : D’où vient le nom du groupe ? Vous l’avez choisi en référence au morceau du groupe écossais On Parole ?
Nick : Ouais, t’as tout juste !
Charlie : Ouais, c’est en rapport à ce morceau. C’est Nick et notre chanteur Trevor qui l’ont trouvé, on voulait un nom qui ne fasse pas cliché. Crown Court est resté.

Vous entendez quoi par « English Disease » ? C’est une vraie maladie ou c’est une métaphore ?
Nick : C’était une expression de Thatcher pour décrire les hooligans des clubs de foot. Si c’était une vraie maladie, Trevor serait un vrai cas d’école ! Charlie : Ça collait bien au groupe. On est anglais, et ici semer la zizanie est un sport national. On est connu dans le monde entier pour ça.

Quand exactement êtes-vous tombés dans le monde merveilleux des skins et qu'est-ce qui vous a motivé à vous mettre à la oï! ?
Nick : Quand tu grandis à Londres, tu côtoies toutes les sous-cultures possibles dès ton plus jeune âge. Mes parents étaient punk, donc j’ai très tôt eu conscience des différentes tribus. Faire de la oï!, comme du hardcore, c’est juste la meilleure évolution qu’ait connu le punk mais on trouvait qu’il manquait quelque chose aux groupes qui s’en revendiquaient. Charlie : J’ai toujours été sensible au mouvement skinhead. Tu ne peux pas l’éviter ici. Là où j’ai grandi, beaucoup d’enfants avaient des parents qui étaient skin dans leur jeunesse ou qui partageaient une culture casual. Mes deux parents étaient punk dans les années 80, j’écoute du punk et du reggae depuis que je suis môme. On a monté Crown Court parce qu’on trouvait qu’il y avait trop peu de bonne oï! moderne. Beaucoup des groupes actuels sonnent comme Green Day, à la différence qu’ils portent des Docs et des bretelles. Ce n’est pas de la oï! à mon sens. C’est juste du rock’n’roll, mais c’est pas sensé être quelque chose de sympa.

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Depuis plusieurs dizaines d’années, le mouvement skin est morcelé en plusieurs sous-groupes, chacun estimant représenter le skinhead authentique. Selon vous, c’est quoi être skin en 2015 ?
Charlie : Il y a une vraie crise d’identité du mouvement skin. Les gens ne sont jamais d’accord. Moi, j’ai pas le temps pour ça. Je suis juste un mec de Londres qui aime bien se saper et jouer du punk et de la oï! Il faut que les gens voient un peu plus loin que le bout de leur nez et arrêtent de vouloir rentrer bêtement dans les vieux stéréotypes qu’ils ont de la jeunesse anglaise. Ils doivent aussi comprendre le contexte politique de l’époque à laquelle évoluaient les skins. Les skins étaient les gros bras de la rue, les partis de l’époque, qu’ils soient de droite ou de gauche se servaient d’eux pour faire le sale travail. Aucun de ces groupements ne s’intéressait à la musique ou à la culture skin. Les gens doivent bien se rappeler de ça. Nick : Beaucoup des skins de la première heure, de la fin des années 60/début des années 70, refusent catégoriquement tout ce qu’ont apporté les skinheads des années 80. C’est stupide. En revanche, la scène oï! s’est surtout divisée en fonction des grandes idées politiques de ceux qui y appartenaient. C’est hyper chiant, ça n’a aucun rapport avec la vraie vie, les vrais gens et la vraie politique.

Moi j’écoute tout, des Gaylads à Larry Williams en passant par Indecent Exposure (et plein d’autres trucs qui n’ont aucun rapport avec l’univers skinhead d'ailleurs). Je porte des ourlets de différentes longueurs, mais toujours la couture vers l’intérieur. Parfois, j’ai les cheveux courts ou je rase les côtés et l’arrière. Aux pieds, je porte des chaussures basses ou des boots, ça dépend. Si je parle beaucoup de fringues c’est parce que c’est une partie intégrante de la culture skin, mais ça ne devrait pas être un uniforme figé et obligatoire, respecte le look des anciens mais habille toi comme tu aimes et fais le pour toi. Pardon, je m’égare.

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Vous avez l’air de bien connaître votre domaine. Vous avez pas deux albums oï! à nous faire partager, un peu plus obscurs ou oubliés à tort, d’hier ou d’aujourd’hui ?
Nick : En ce moment, la oï! française marche bien en Angleterre, mais étrangement pas le EP des Swingo Porkies. Pourtant c’est le premier groupe de oï! française de tous les temps et ils ont certainement le meilleur saxo du genre. Ils se sont reformés récemment avec Wattie de Raxe et Lion’s Law au chant. Respect à lui et à tous ses groupes. Ensuite, il y a Blade, un groupe japonais du milieu des années 90. Ils avaient un son très différent des groupes de Tokyo de l’époque des Samurai Spirit Skinhead (SSS), ils faisaient quelque chose de beaucoup plus mélodique. Leur titre « Boycott » est un des meilleurs morceaux punk que j’ai entendu. Et puis, ils savaient se sapper.

Je trouve ça cool que vous ne sortiez que des EP, c’est hyper efficace. Mais vous pensez sortir un album plus tard ?
Charlie : Ouais, j’aimerais bien sortir un album un jour.
Nick : On en a discuté mais on sait pas si ça se fera un jour. On a d’autres groupes à côté, Trev a des horaires bizarres et on est pas franchement très organisés, ça va être compliqué mais c’est ce à quoi on aimerait aboutir.

Dans les années 80, mes potes et moi étions à fond dans la oï! anglaise. À l’époque, ce qui se faisait en oï! américaine était assez merdique, mais j’ai l’impression que ça a changé. Y’a des groupes américains de oï! que vous aimez particulièrement ?
Nick : Ouais, y’a plein de bonnes choses qui sortent aux Etats-Unis. Récemment, j’ai adoré l’album de Vanity. C’est de la bonne musique skinhead, très influencée par le rock’n’roll, bien dans l’esprit des sorties de Chiswick Records. Battle Ruins, le groupe oï! de Brendan Radigan défonce aussi. Et je ne parle même pas des Templars, qui tiennent toujours le pavé et qui continuent d’être aussi prolifiques. Ce n’est peut-être pas un groupe « moderne » de oï!, mais ils sont, encore aujourd’hui, le meilleur groupe oï! des États-Unis. Charlie : Je suis d’accord avec Nick. Le nouvel album de Vanity bute. Et de toute leur carrière, les Templars ont toujours visé juste.

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J’aimerai avoir votre avis concernant ces groupes mythiques de oï! qui ont, après leur premier album, sorti des trucs complètement différents. Par exemple, l’album Second Empire Justice de Blitz, bourré de synthés.
Nick : C’est cool, j’aime bien. Mais bon, c’est quand même moins bon que ce qu’ils ont sorti sur No Future.

Et pour le son plus heavy metal de Cockney Rejects sur The Wild Ones ?
Nick : Ouais, ça va, mais j’écoute plus souvent les compilations Greatest Hits 1 et 2.
Charlie : Ça va, il est pas mal mais je pourrai m’en passer.

Et Volunteers, le tournant plus pop des Sham 69 ?
Nick : C’est de la merde.
Charlie : Je ne l’ai écouté qu’une fois, c’était la première et la dernière.

Dernière question : qui est le boss des skins, Hoxton Tom ou Joe Hawkins ?
Charlie : Hoxton Tom, sans hésiter.
Nick : Y’a pas de compétition possible, l’award va à Howton Tom McCourt direct. C’était le mec le mieux sapé des années 80, le bassiste du meilleur groupe oï! de tous les temps et un super DJ fana de soul. Une légende.

Merci les gars. Un dernier commentaire peut-être ?
Nick : Merci à toi pour l’interview, Freddy. New Breed est ma compil de hardcore préférée depuis toujours.
Charlie : Si vous aimez la culture skinhead alors respectez ses racines et son futur, ne rentrez pas dans une routine débile. Je n’aurais jamais joué de guitare sans le hardcore de New-York, merci pour ça.

Crown Court sont sur Bandcamp et Facebook.

Vous pouvez suivre Freddy Alva sur Twitter.