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Le nouvel album de Liturgy est un mélange de Burzum et Bone Thugs-N-Harmony

Hunter Hunt-Hendrix nous a parlé de ses déboires avec la scène metal et de leur dernier disque, The Ark Work.

Photo - Erez Avissar

Si Deafheaven est aujourd'hui la cible privilégiée des milices armées du trve black metal, Hunter Hunt-Hendrix, le leader de Liturgy, reste, lui, depuis 2011, le punching-ball préféré de l'ensemble de la scène metal. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne fait rien pour arranger la situation, bien au contraire. Il y a 4 ans, son groupe sortait son deuxième album, Aesthethica, et Hunter publiait un manifeste extrêmement décrié, Transcendental Black Metal (où il parle en gros du fait que la scène la plus intrinsèquement comique de la sphère metal est, paradoxalement, celle qui a le moins d'humour.) Pour ceux qui ont grandi sans l'ombre de Mayhem ou de Darkthrone au-dessus de leurs têtes, les vagues de haine déversées sur le groupe de Brooklyn ont dû sembler un rien excessives ; pour les autres, Hunter était rien de moins que l'anté-Antéchrist.

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Mais depuis les chaudes années du Liturgy-bashing, l'eau a coulé sous les ponts, d'autres groupes de « hipster metal » ont pris leur place, et Liturgy est de retour dans sa forme originelle, à savoir un quartet composé de Hunter Hunt-Hendrix, Bernard Gann, Greg Fox et Tyler Dusenbury. Les puristes ont toujours le prochain album du groupe, The Ark Work, dans leur collimateur, mais il suffira d'une écoute pour comprendre que Hunter a clairement laissé le black metal derrière lui. On lui a tout de même posé 4 questions simples, pour vérifier.

Noisey : The Ark Work représente une évolution significative par rapport à Aesthethica. Ça s'est fait naturellement ou c'était délibéré ?
Hunter Hunt-Hendrix : Les deux, vraiment. D'un côté, les arrangements sont plus denses et complexes que sur les précédents disques de Liturgy. Il y a certains aspects que j'ai toujours voulu incorporer dans notre musique, mais qu'on n'avait pas vraiment eu le temps d'étoffer. Des trucs comme les cloches et les trompettes et ce type de vibe spectrale. Tout ça reflète très bien la façon dont j'envisageais cette musique dans ma tête, même si par le passé, on l'a arrangé pour pouvoir la jouer au sein d'un groupe rock. Mais pour arriver à ce résultat, il fallait qu'on y réfléchisse : « Ok, comment je peux faire pour que cette musique sonne exactement comme je veux ? » Ensuite, il y a d'autres éléments auxquels je n'avais jamais pensés avant de créer le groupe, le principal étant le rap, que j'ai aussi voulu inclure sur ce disque.

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La production et même le style vocal de beaucoup de morceaux ont été directement influencés par des groupes comme Three 6 Mafia ou Bone Thugs, ce genre de rap occulte. Je suis un gros fan de rap, et je pensais qu'il était peut-être temps de reconsidérer la relation entre le rap et le metal, et ne pas en livrer un truc rap-metal comme on l'imagine généralement, une sorte de Slipknot ou autre, mais connecter ces deux univers sur une nouvelle base, plus proche d'un mélange entre Burzum et Bone-Thugs-N-Harmony.

Est-ce que cet élan créatif a été motivé par le désir de franchir un cap dans ton parcours personnel ou par celui de casser les schémas de la scène metal ?
C'est une bonne question. Je crois qu'il y a un lien entre les deux. Dans la mesure où je ressentais le besoin de synthétiser les trucs que j'aimais, qu'il restait un territoire vierge à explorer et qu'à ce jour, je n'avais pas encore été capable de l'explorer. Je voulais entendre un disque qui sonne comme ça, donc je me suis dit qu'il fallait le faire, tout simplement. Mais il y a un autre aspect là-dedans, parce que, qu'on le veuille ou non, Liturgy est un groupe qui écrit, joue et performe des morceaux, mais qui est aussi au centre de discussions, qui provoque des réactions.

Et quand on sait que les gens vont réagir à nouveau sur ce disque, ça a forcément quelque chose d'effrayant de se lancer dans l'exploration de zones vierges, mais en même temps c'est aussi ça qui rend le truc intéressant et excitant. Je me dis souvent que si le premier album de Liturgy n'avait pas existé, on ne diviserait pas autant les gens. Je ne serais peut être pas associé aussi directement à la scène metal.

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Est-ce que tu envisages Liturgy dans son ensemble, comme un projet global, ou bien plutôt comme quelque chose qui évolue au rythme du temps et de tes envies ?
Un peu des deux, mais plutôt la deuxième en fait. C'est ce truc sans limitation que je recherche, et quand je pense projet ou oeuvre globale, je vois deux interprétations différentes. Il y a d'un côté Wagner, Matthew Barney, tous ces gens dont le but est de créer un nouveau point d'ancrage des lois cosmiques ou de remplir un espace laissé vacant par l'Histoire ou la religion. C'est la version la plus romantique. Et elle me parle, parce que j'ai développé, avec Liturgy, une mythologie qui mêle psychanalyse, mysticisme chrétien et des choses comme la Kabbale, dont on a utilisé le vocabulaire pour certaines chansons.

Après, il existe une autre forme d'oeuvre globale, qu'on trouve chez des artistes comme Fluxus, qui cherchent davantage à court-circuiter les préconceptions idéologiques. Et ça aussi, c'est quelque chose qui m'interpelle. Du coup, je réfléchis à ces deux interprétations. Mais tout reste possible, tout reste ouvert.

Photo : Kevin Shea Adams

Tu disais tout à l'heure que le fait que Liturgy provoque des réactions, c'est quelque chose qui a une influence directe sur toi, en tant qu'artiste ?
Eh bien, c'est compliqué. Par exemple, j'ai fait un fanzine à partir des centaines de commentaires qu'a généré cette fameuse interview que j'avais donnée, où les gens disaient des trucs vraiment blessants… J'ai imprimé un fanzine de tout ça et je l'ai distribué à des amis pour en tirer une sorte de réconfort. C'est un phénomène qui m'intéresse et je ne cherche pas simplement à me calfeutrer ou à l'éviter, mais encore une fois, je n'ai pas d'idées précises sur ce que je fais, alors c'est d'autant plus douloureux de recevoir des retours négatifs, et c'est décourageant aussi.

Liturgy n'a pas sorti de disque depuis longemps, et c'est en partie parce que je trouvais ça intimidant d'enregistrer à nouveau, énormément de gens étaient critiques envers nous. C'était paralysant. J'ai une relation très franche et personnelle avec ce genre de situations, mais j'essaie aussi de prendre du recul et d'y réfléchir d'une façon abstraite et artistique, c'est tout simplement une manière différente d'aborder les choses. The Ark Work sort le 24 mars sur Thrill Jockey.

Jonathan Dick transcende son compte Twitter.