Avant de commencer, mettons les choses au clair : la pandémie de coronavirus est une situation globalement terrible. Des gens meurent, perdent leur emploi et ont du mal à joindre les deux bouts. En plus de cela, les bars sont fermés depuis des semaines et le Covid-19 pourrait bien être à l’origine d’une perte massive de libido.
Mais il y a un aspect positif : il faut reconnaître que le virus a suscité en nous un sentiment de solidarité. Je précise que je ne parle pas de la solidarité qui amène de vagues célébrités à chanter ensemble des chansons un peu pourries. Le fait est qu’en ce moment, nous luttons tous contre le même démon, et ce faisant, nous subissons tous les mêmes montagnes russes d’émotions erratiques. Il y a des jours sans, où l’on préfère rester au lit, le nez sous la couette, et des jours avec, où l’on se dit que les choses pourraient être pires. Bref, nous avons tous des sautes d’humeur.
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Mais d’où viennent-elles, et que pouvons-nous faire pour y remédier ? Le psychologue Jean-Pierre van de Ven nous donne quelques pistes pour mieux contrôler notre état d’esprit.
VICE : Depuis quelque temps, j’ai de brusques sautes d’humeur. Vous aussi ?
Jean-Pierre van de Ven : Je suis un peu irritable, c’est vrai. J’ai de moins en moins de patience avec les gens dans la rue. Quand ils ne s’écartent pas ou qu’ils ne gardent pas une distance d’un mètre et demi, ça me rend fou. Je me surprends aussi à penser que j’en ai ras le bol, de toute cette histoire de coronavirus.
D’où vient cette mauvaise humeur générale ?
Premièrement, de l’actualité : nous sommes bombardés de mauvaises nouvelles en permanence. Deuxièmement, la situation devient progressivement une réalité. Jusque-là, nous avions intériorisé l’idée selon laquelle nous étions intouchables. Nous pensions que les mauvaises choses n’arrivaient qu’aux autres. Aujourd’hui, nous sommes confrontés au fait que notre famille et nos amis peuvent être des victimes, et nous aussi.
« Découvrez précisément quels facteurs ont une bonne influence sur votre humeur. Peut-être avez-vous besoin de faire un break avec l’actualité, ou de passer un coup de fil à une personne en particulier »
Mais il y a aussi des jours où je me sens plutôt bien.
C’est parce qu’il y a deux pouvoirs en jeu. Nous avons déjà parlé du premier, ce climat de morosité. L’autre est la résilience. La question que vous devez vous poser est la suivante : quelles circonstances ont un impact positif sur vous ?
Je comprends. J’aimerais savoir si je peux faire quelque chose contre ces sautes d’humeur.
C’est à vous de déterminer comment renforcer votre résilience. Elle varie d’une personne à l’autre. C’est à vous de voir si vous êtes capable d’intellectualiser la situation, d’établir des associations entre vos humeurs et les événements qui surviennent dans votre vie. Tout le monde n’en est pas capable. Mettons que, dans la matinée, vous vous disputez avec votre partenaire. Puis, dans l’après-midi, vous vous mettez subitement en colère contre un collègue. Vous ne vous dites peut-être pas tout de suite que ces deux querelles sont liées, mais il y a de grandes chances que ce soit le cas, et il est bon de s’en rendre compte, même plus tard.
Découvrez précisément quels facteurs ont une bonne influence sur votre humeur. Peut-être avez-vous besoin de faire un break avec l’actualité, ou de passer un coup de fil à une personne en particulier. Vous pourriez vous inspirer d’un livre que vous avez lu ou de quelque chose que vous avez regardé sur Netflix. Essayez de trouver des schémas, au moins cinq minutes par jour.
Existe-t-il des schémas communs ?
Je pense que beaucoup d’entre nous arriveront à la même conclusion : le contact avec les autres est essentiel. Souvent, le sexe est un bon moyen de se remonter le moral – de même que les démonstrations d’affection en général. Un autre facteur important est l’ouverture. Si vous avez le courage de vous montrer à une personne tel que vous êtes, avec vos craintes, vos insécurités et vos doutes, vous montrez à cette personne que vous lui faites confiance et qu’elle peut vous faire confiance en retour. C’est une autre manière de stimuler votre résilience. Vous pouvez aussi faire une liste des choses dont vous êtes fier. Certains traits de votre personnalité, des choses que vous avez faites ou des compliments que vous avez reçus. Une fois votre liste établie, rangez-la quelque part et oubliez-la. Lorsque vous retomberez dessus par hasard, elle vous fera sourire.
Que faire si la personne qui partage ma vie passe une journée particulièrement difficile ? Dois-je lui remonter le moral ou attendre que ça lui passe ?
Il est préférable de ne pas intervenir. Nous avons tendance à oublier que nous ne sommes pas responsables des autres. Vous pouvez lui témoigner votre soutien, mais avec prudence. Beaucoup de gens croient qu’il est de leur devoir de trouver des solutions à tous les problèmes de leur partenaire, mais cela revient à penser que vous savez mieux qu’eux ce qui est bon pour eux. Un soutien peut s’exprimer par un mot doux, un baiser, un regard encourageant, un bras autour d’une épaule.
Pensez-vous que nous allons nous habituer à toutes ces restrictions ?
Non. Le cerveau humain est habitué à établir des liens avec les autres. Beaucoup de ces liens ont disparu et nous n’y sommes pas du tout préparés.
Ce n’est pas le message le plus réjouissant. Pensez-vous que nous pouvons tirer quelque chose de positif de cette crise ?
Ce que nous vivons va avoir des conséquences énormes, comparables à celles d’une guerre. Cela va renforcer notre sens de la solidarité et, lorsque nous regarderons en arrière, nous garderons un bon souvenir de ces moments de lutte et de résistance. Dans cette crise, des mesures très importantes ont été prises en très peu de temps. Nous avons tous été mis à profit. Nous avons tous adapté notre comportement. Et nous nous souviendrons que tous ensemble, nous avons réussi à surmonter cette crise.
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