Self Space, la plateforme qui ne va pas supprimer tes nus empreints d’érotisme

Self Space, la plateforme qui ne va pas supprimer tes nus empreints d’érotisme

Washing Dishes, c’est un collectif de photographes montréalais, composé de Karine et de Marc-André. Depuis 2017, sur le site web du même nom, ils présentent du contenu érotique original qu’ils produisent eux-mêmes, tout en diffusant le travail d’autres artistes collaborateurs.

Je les ai rencontrés pour discuter de leur plus récent projet : Self Space. Avec cet espace web, le collectif a voulu réagir à la censure grandissante sur Instagram, qui ne tolère pas les mamelons féminins, ainsi qu’aux nouvelles mesures de Tumblr interdisant toutes formes de nudité et de pornographie. Self Space est donc un lieu qu’ils décrivent comme étant « un endroit où toute personne est invitée à s’exprimer sans tabou et sans jugement » au moyen de selfies intimes.

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VICE : Parlez-moi de votre plateforme Washing Dishes? Et pourquoi ce nom?

Marc-André : Au début on a voulu créer un endroit pour partager nos projets photos. Par la suite, c’est devenu notre façon d’explorer l’érotisme et l’intimité comme sujet principal. Et maintenant, on a aussi des GIF publiés et des vidéos en préparation. Le choix du nom n’est pas très rationnel, et nous ressemble, avec ce qu’on fait comme art. On est plutôt dans l’expressivité et la poésie.

Karine : C’est aussi associé à la banalité et au quotidien. Comme laver sa vaisselle. C’est dans l’idée de normaliser la sexualité, même s’il n’y a rien de banal dans la sexualité, c’est certain!

Vous présentez aussi le travail soumis par d’autres photographes?

M.-A. : Oui! On partage les projets d’autres artistes exploitant les mêmes thèmes. En fait, Washing Dishes se divise en trois volets : le collectif, la plateforme et, depuis peu, la partie publique où les gens peuvent soumettre leurs photos.

Justement, parlons de cet aspect public. Vous avez récemment lancé le Self Space sur votre site. C’est quoi et comment vous est venue l’idée?

K. : Ça nous est venu après la censure qu’il y a eu sur Tumblr. Je trouvais ça tellement dommage de perdre cette plateforme. Il y avait beaucoup de sites du genre qui permettaient aux gens, souvent des amateurs, de partager leurs photos intimes et leurs selfies plus osés.

M.-A. : Donc, c’est là qu’on a décidé de donner la place au public pour inclure sa vision de l’intimité et de l’érotisme. Le Self Space nous permet de diffuser les photos intimes envoyées par des gens. Ça peut être des photos seules ou en couple, des parties de corps ou des portraits.

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Crédit photo: Anonyme

Qu’est-ce que vous espérez accomplir avec cette initiative?

K. : Créer un espace sécuritaire et un échange avec les autres. On aimerait que ça devienne une ressource participative et que les gens pensent à aller voir la plateforme et nous partagent leur photo comme sur Instagram.

D’après vous qu’est-ce qui fait que les gens ont envie de mettre leurs photos intimes et leurs nus en ligne? Voyez-vous ça comme une forme d’expression personnelle?

M.-A. : Oui, c’est une forme d’expression. Je pense que ça peut être extrêmement libérateur de se montrer comme on est, et ça fait partie du processus pour s’accepter soi-même.

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Crédit photo: @evilwytch

Est-ce que c’est un processus que vous avez pu remarquer avec les gens qui vous ont soumis des photos pour le Self Space?

K. : Puisque c’est tout nouveau, on n’a pas encore eu de feedback. Mais on sent ce besoin et cette envie de partager. Par contre, on l’a constaté avec les sujets qu’on a photographiés pour nos projets. Chaque fois qu’on finissait un shoot et qu’on le publiait, ils finissaient toujours par nous dire combien ils se sentaient libérés et plus en confiance avec eux-mêmes.

Comment faites-vous la sélection des images que vous publiez sur le Self Space? Avez-vous des critères artistiques ou esthétiques?

K. : Pour le moment, on a surtout des guidelines. Que ça soit respectueux et consensuel. On ne veut surtout pas se mettre à juger la beauté des gens, donc on veut pas se mettre de critères esthétiques. Même si on veut que ça paraisse bien visuellement et qu’il y ait une certaine poésie.

M.-A. : Peut-être qu’éventuellement on aura besoin de faire une certaine sélection, mais ça sera jamais discriminatoire. Ce sera sûrement fait dans le but de conserver une direction visuelle. On verra au fur et à mesure. C’est le public qui crée le contenu et nous on curate.

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Crédit photo: Collectif Washing Dishes

Vous pensez quoi de cette censure de plus en plus présente dans les médias sociaux et avez-vous peur pour le futur de Washing Dishes? Vous avez plusieurs photos qui ont déjà été supprimées sur Facebook, Instagram et même Tumblr.

M.-A. : Le problème, c’est qu’il y a de plus en plus d’évolution dans les logiciels de reconnaissance d’images, donc ça se fait presque automatiquement. Instagram applique sa censure sans réelle réflexion sur ce qu’il juge être de la nudité. Il ne faut pas oublier aussi que toute cette censure vient probablement d’une peur de se faire poursuivre ou de perdre des annonceurs et leurs sources principales de revenus.

K. : Pour nos photos, on joue un peu avec le feu, parfois. Quand on se fait supprimer une photo, on la publie encore. Puisqu’on a notre propre plateforme pour publier les photos non censurées, on utilise surtout Instagram pour amener les gens sur le site.

Vous avez une section entièrement consacrée aux GIF érotiques. Qu’est-ce qui vous plaît autant dans ce format?

M.-A. : C’est un médium intéressant et sous-exploité. Un mélange entre la photo et la vidéo. Il y a quelque chose d’enivrant dans la répétition, qui va bien avec l’érotisme. Ça permet d’isoler un mouvement et d’aller chercher la beauté d’un détail ou d’une action.

Quelles nuances apportez-vous entre la porno, l’érotisme et l’intimité?

K. : On a l’impression que la porno est prise dans une vision un peu archaïque. Elle est souvent mal vue et taboue, car on sous-entend qu’on parle de pornographie traditionnelle, associée à des gestes dégradants, machos, immoraux et à un manque de diversité. On essaye de changer cette image qu’on peut avoir de la pornographie, mais on y va progressivement, on aime autant le contenu plus soft qu’explicite.

L’érotisme pour nous, c’est plus doux, plus sensuel.

L’intimité n’est pas nécessairement reliée au sexe. C’est la zone privée de l’être humain qui inclut émotions, nudité et vulnérabilité. C’est important pour nous de faire la différence.

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Crédit photo: Collectif Washing Dishes

Finalement, qu’est-ce qui vous différencie des autres comptes de photos dans le genre?

M.-A. : Avec le côté participatif qui est en train de se développer, on va miser là-dessus. On essaye aussi de plus en plus d’avoir de la diversité. Diversité des corps, des genres, des préférences. Un autre plus : on ne tente jamais de moraliser. On laisse au spectateur la liberté de changer ses perceptions et ses préjugés de façon un peu inconsciente.

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K. : Toutes ces plateformes qui sont éducatives sont nécessaires! Mais on essaye juste de présenter des choses différentes sans mission précise d’éduquer. On espère que les gens vont se surprendre à trouver des choses belles qu’il n’aurait peut-être pas aimées en temps normal.

Pour soumettre vos selfies intimes à Washing Dishes, c’est ici .