Crime

Sept histoires de violence policière en Europe

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Les manifestations Black Lives Matter suscitées par le meurtre de George Floyd, 46 ans, aux mains de la police, se sont rapidement répandues dans le monde entier, entraînant une vague de solidarité au Royaume-Uni, en France, en Espagne, en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark et dans d’autres pays européens. Ces protestations resteront certainement dans l’histoire, mais trop souvent, les débats sur le racisme sur le vieux continent sont vus à travers le prisme de ce qui se passe aux États-Unis.

Les événements qui se produisent de l’autre côté de l’Atlantique peuvent nous aider à réfléchir à la question et à établir des parallèles, mais cela peut aussi nous amener à penser que le problème est là-bas, et non ici. Dans son livre Le racisme est un problème de Blancs, l’auteure et activiste Reni Eddo-Lodge souligne que si les discussions sur les droits civiques aux États-Unis sont importantes, elles sont aussi « à des millions de kilomètres » de la réalité vécue par une femme noire au Royaume-Uni. « La lutte contre le racisme aux États-Unis est présentée comme LE combat universel contre le racisme dont nous devrions nous inspirer, écrit-elle, reléguant ainsi l’histoire des Noirs au Royaume-Uni au second plan, à tel point que nous finissons par nous convaincre que la société britannique n’a jamais eu de problème de racisme. »

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Dans une enquête réalisée en 2018 par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) auprès de 6 000 personnes d’origine africaine vivant dans 12 États membres de l’UE, 24 % des répondants ont déclaré avoir été arrêtés par la police au cours des cinq années précédant l’étude et 41 % d’entre eux y voyaient un délit de faciès. De plus, 11 % des personnes interrogées dans le cadre de l’étude ont déclaré avoir été victimes de violences racistes de la part d’un officier de police. Comme l’a révélé une autre enquête réalisée en 2017, sur les 10 500 immigrants et descendants musulmans interrogés, 16 % ont été arrêtés par la police dans l’année précédant l’enquête et 42 % d’entre eux pensaient que c’était à cause de leurs origines. Ces chiffres sont non seulement disproportionnés par rapport à la population de couleur dans la plupart des pays européens, mais aussi une sous-estimation selon la FRA.

La confiance que place le public dans sa police est relativement élevée dans la plupart des pays européens. Et pourtant, chaque année, des personnes de couleur meurent après avoir subi des brutalités policières. Nous avons compilé certaines des affaires les plus célèbres qui se sont produites en Europe au cours des cinq dernières années, en se concentrant sur les cas où votre action pourrait faire la différence. Il ne s’agit en aucun cas d’une liste complète, mais d’un point de départ pour une conversation plus large.

Sheku Bayoh

2015. Glasgow, Écosse.

Sheku Bayoh

Les faits : Sheku Bayoh, 31 ans, était un ingénieur d’exploitation gaz en formation. Originaire du Sierra Leone, il s’était installé au Royaume-Uni à l’adolescence. Sa sœur le décrivait comme « un bon père de famille et un membre très apprécié de sa communauté ». Le jour de sa mort, Sheku est allé voir un combat de MMA chez un ami, où il a pris de la MDMA et de la flakka, un stimulant synthétique. Selon sa famille, ces drogues l’ont conduit à agir de façon erratique. Plus tard dans la journée, les voisins de Sheku l’ont vu se promener chez lui à Kirkcaldy avec un couteau et ont appelé la police. Le temps que la police arrive, il n’était plus armé. En moins d’une heure et demie, Sheku a été déclaré mort à l’hôpital après avoir subi 23 blessures graves. La police a déclaré avoir procédé à des manœuvres agressives parce qu’il agissait « comme un zombie », mais les images de vidéosurveillance ont montré que beaucoup de leurs affirmations étaient exagérées. Selon la version officielle, Sheku n’a été cloué au sol que pendant 30 secondes, mais selon un témoin oculaire, neuf officiers sont restés allongés sur lui pendant plusieurs minutes. « Je l’ai entendu crier. J’en ai eu des frissons. J’ai entendu l’homme crier pour que la police le lâche. Ils n’ont pas bougé », a-t-il déclaré.

L’enquête judiciaire : En 2018, après une enquête, les procureurs ont décidé de n’inculper aucun des agents impliqués. Mais dans un geste rare, le gouvernement écossais a lancé une enquête publique sur l’affaire en janvier 2020, plus de cinq ans après la mort de Sheku. Les résultats seront publiés dans les prochains mois. « Sheku Bayoh était peut-être sous l’influence de la drogue, mais il ne méritait pas de mourir », a expliqué l’avocat de la famille, Aamer Anwar.

Comment aider : Prenez contact avec l’initiative Justice pour Sheku Bayoh et signez cette pétition.

Adama Traoré

2016. Paris, France.

Adama Traoré

Les faits : Adama Traoré est mort le jour de ses 24 ans. Sa famille, qui se souvient de lui comme d’un « frère généreux » et d’une « oreille attentive », a travaillé sans relâche pour faire de son cas le symbole de la lutte contre le racisme en France. Le 19 juillet 2016, Adama a été interpellé par les gendarmes alors qu’il se trouvait avec son frère Bagui. Ce dernier faisait l’objet d’une enquête pour extorsion de fonds. Adama a pris la fuite, car il n’avait pas ses papiers d’identité sur lui. Il a été rattrapé, mais a réussi à s’échapper. Il a été rattrapé une nouvelle fois par trois policiers alors qu’il s’était réfugié chez un ami. Il n’y a pas eu de témoins de son arrestation. Selon le rapport des gendarmes aux enquêteurs, Adama avait du mal à respirer et donnait l’impression de faire un malaise pendant qu’on l’emmenait au poste. Lorsque les pompiers sont arrivés, Adama était menotté et couché face contre terre. Il ne respirait plus. Lorsque sa mère s’est rendue à la gendarmerie, on lui a menti en disant qu’il était en garde à vue, alors qu’il était déjà mort. La famille n’a été informée de son décès que plusieurs heures plus tard.

L’enquête judiciaire : Au cours des quatre dernières années, trois autopsies et trois contre-autopsies réclamées par la famille ont été pratiquées sur Adama. Toutes font état d’un « syndrome asphyxique ». La version du procureur attribue sa mort à une infection cardiaque préexistante combinée à sa consommation de cannabis. La dernière contre-expertise demandée par la famille attribue sa mort à un plaquage ventral réalisé lors de son interpellation. Les gendarmes impliqués ont été disculpés en 2018, avant que l’enquête ne soit rouverte en 2019 et qu’un juge ne les disculpe à nouveau en mars dernier. Le 5 juin, l’affaire a été rouverte pour entendre deux nouveaux témoins : une femme qui a assisté à la première arrestation d’Adama et l’ami chez lequel il s’était réfugié avant d’être rattrapé.

Comment aider : Prenez contact avec La Vérité pour Adama et contribuez à cette campagne.

Rashan Charles

2017. Londres, Royaume-Uni.

Rashan Charles

Les faits : « Rashan avait 20 ans. Il était un fils, un frère, un cousin, un ami bien-aimé », a déclaré son grand-oncle, Rod Charles, un ancien inspecteur en chef de la police. Le 22 juillet 2017, le jeune père de famille a été suivi dans une épicerie de l’est de Londres par un policier qui le soupçonnait de possession de drogue. À l’intérieur du magasin, Rashan a mis un paquet dans sa bouche, dont on a découvert plus tard qu’il contenait un mélange de caféine et de paracétamol. Le policier l’a frappé et a fouillé sa bouche alors qu’il le plaquait au sol. Les images de la caméra de surveillance du magasin montrent Rashan se débattant de tous ses membres. Interprétant sa réaction comme une résistance à l’interpellation, l’agent a demandé à un passant de l’aider à menotter Rashan, qui semblait alors ne pas réagir. Lorsqu’il a réalisé que Rashan était inconscient, le policier a appelé des renforts au lieu d’une ambulance. Un médecin de la police lui a prodigué les premiers soins, mais l’objet dans sa bouche avait bloqué ses voies respiratoires, lui provoquant une crise cardiaque. Lorsque les ambulanciers sont arrivés, son cœur avait cessé de battre.

L’enquête judiciaire : En 2018, un jury a décidé que la mort de Rashan était un accident. Ils ont estimé que la technique d’immobilisation pratiquée par le policier était appropriée. Bien que ce dernier n’ait pas suivi le protocole et n’ait pas appelé d’ambulance en premier, ils ont déclaré que ses actions ne constituaient pas une faute. Le grand-oncle de Rashan, Rod, a contesté le verdict, affirmant que le jury était fortement influencé par le coroner appelé à témoigner dans l’affaire, qui avait des liens étroits avec la police de Londres. Le Bureau indépendant sur la conduite de la police (IOPC) a également mené une enquête séparée, que la famille de Rashan a décrite comme « imparfaite » dès le départ. L’IOPC a conclu que la technique d’immobilisation utilisée par le policier était peu commune, mais n’a pas contribué à la mort de Rashan. Le ministère public n’a pris aucune autre mesure. « L’absence d’admission de toute responsabilité fait reculer les rapports communautaires de plusieurs générations, a commenté la famille dans une déclaration. Notre quête de réponses se poursuit. »

Comment aider : Prenez contact avec Justice for Rashan ou contribuez à Black Lives Matter UK.

Mike Ben Peter

2018. Lausanne, Suisse.

Mike Ben Peter

Les faits : Mike Ben Peter était un Nigérian de 40 ans et père de deux enfants. En 2018, la police l’a arrêté pour « comportement suspect » près de la gare de Lausanne. Lors de son interpellation, il a été gazé et frappé au niveau des genoux et des organes génitaux par six policiers. Selon le rapport officiel, il a été maintenu à terre pendant six minutes. Les directives de la police suisse prévoient un maximum de deux minutes. Lorsqu’il a perdu connaissance, la police a appelé une ambulance et lui a prodigué les premiers soins. Il est mort d’une crise cardiaque à l’hôpital douze heures plus tard. Les policiers ont déclaré avoir trouvé des pochons de cocaïne dans sa bouche, mais son rapport toxicologique était négatif.

L’enquête judiciaire : Sa mort a été jugée accidentelle en 2018. Les policiers impliqués dans son arrestation n’ont jamais été sanctionnés et sont toujours en service, bien que l’enquête soit toujours en cours.

Comment aider : Prenez contact avec le Berner Rassismus Stammtisch.

Amad Ahmad

2018. Kleve, Allemagne.

Amad Ahmad

Les faits : Amad Ahmad, 26 ans, était un réfugié kurde qui a fui la Syrie du Nord avec sa famille pour demander l’asile en Allemagne en mars 2016. « Il aimait la vie », selon sa mère Fadhila. En juillet 2018, Amad a été arrêté après que quatre femmes ont porté plainte contre lui pour agression sexuelle. Son identité a été vérifiée par le système informatique, où la police a trouvé deux mandats d’arrêt en cours de la ville de Hambourg correspondant à un autre homme, un jeune Malien avec un nom similaire. Les deux hommes avaient des descriptions personnelles différentes : Amad n’était pas noir et était né à Alep, pas à Tombouctou. Néanmoins, Amad a été arrêté et maintenu en détention pendant deux mois et demi, alors même que la police avait été informée par un procureur qu’elle ne détenait pas la bonne personne.

En septembre, un incendie s’est déclaré dans sa cellule. Deux semaines plus tard, Amad est mort à l’hôpital des suites de ses blessures. La police a affirmé qu’il avait mis le feu à ses vêtements pour se suicider, fermant sa fenêtre pour passer inaperçu. Mais d’autres détenus ont déclaré qu’Amad avait frappé à la porte de sa cellule et crié à l’aide par sa fenêtre pendant les 15 minutes qu’il a fallu à la police pour intervenir. Les dossiers montrent qu’il a également demandé de l’aide par son interphone. Un expert a également déclaré que le feu n’aurait pas pu prendre à ce point avec la fenêtre de la cellule fermée. « Mon fils a été emprisonné pendant trois ans en Syrie, a déclaré le père d’Amad, Malak Zaher. Il a été torturé. Pourquoi se serait-il suicidé en Allemagne ? »

L’enquête judiciaire : En décembre 2018, une enquête a été lancée par une commission parlementaire sur sept officiers de police et un médecin de prison pour détention arbitraire. Un an plus tard, l’enquête s’est arrêtée, invoquant une série d’erreurs, mais aucun acte criminel. La famille a fait appel de cette décision. En janvier 2020, un expert a envoyé à la commission un rapport confidentiel expliquant que la fusion incorrecte des dossiers personnels d’Amad avec le suspect malien nommé Amedy Guira s’était produite trois jours après l’arrestation d’Amad, ce qui signifie que les deux hommes ne pouvaient pas être confondus. L’expert a déclaré que les données d’Amad pourraient avoir été manipulées. Le cas d’Amad a rappelé à beaucoup un autre incident célèbre en Allemagne, impliquant le réfugié du Sierra Leone Oury Jalloh. Amad et Oury sont tous deux morts dans un incendie de cellule dans des circonstances mystérieuses, et les deux incidents ont été identifiés par la police comme des suicides.

Comment aider : Prenez contact avec l’initiative Amad Ahmad et contribuez à cette campagne.

Tomy Holten

2020. Zwolle, Pays-Bas.

Tomy Holten

Les faits : Tomy Holten, 40 ans, était un citoyen néerlandais d’origine haïtienne. Il était sur le point de devenir père. Le 14 mars, il a été arrêté devant un supermarché après que des employés ont déclaré qu’il avait harcelé des clients. Selon la police, Tony a commencé à se sentir mal alors qu’il était plaqué au sol par six agents lors de son interpellation. Une ambulance est arrivée, mais les ambulanciers ont déclaré qu’il était apte à être conduit au poste de police. En 90 minutes, Tony était mort. « C’était mon frère le plus cher. Il était toujours là pour moi », a déclaré son frère. Ce dernier a ajouté que Tony luttait contre la toxicomanie et qu’il avait déjà eu des problèmes pour avoir demandé de l’argent à des passants, mais que ses petits délits ne justifiaient pas ce qui était arrivé.

L’enquête judiciaire : L’affaire sera examinée par le département national néerlandais des enquêtes criminelles, ce qui est fréquent après le décès d’une personne en garde à vue. Son frère pense que l’enquête ne sera pas équitable. Il cherche des témoins prêts à l’aider.

Comment aider : Prenez contact avec Controle Alt Delete et signez cette pétition contre une nouvelle loi qui prévoit des peines moins lourdes pour les agents qui commettent des violences policières aux Pays-Bas.

Adil

2020. Bruxelles, Belgique.

Adil

Les faits : Adil était un jeune Bruxellois de 19 ans. Sa famille n’a pas souhaité divulguer son nom de famille. Dans la nuit du 10 avril, Adil roulait en scooter avec un ami à lui quand une patrouille de police les a pris en chasse parce qu’ils ne respectaient pas les règles de distanciation sociale. Ils ont pris des directions différentes et Adil est arrivé à 700 mètres de la maison de ses parents. Selon les déclarations de la police, Adil aurait percuté un véhicule de police qui arrivait en sens inverse alors qu’il essayait de dépasser une camionnette. Mais un expert de la circulation routière a constaté qu’il n’y avait pas de traces de freinage sur la route et que la voiture de police avait dépassé de plus de 70 centimètres le terre-plein central, ce qui prouverait que c’est la police qui a percuté Adil, et non l’inverse. Entre-temps, l’ami d’Adil avait abandonné sa fuite et s’était garé sur le côté de la route. Alors que les policiers étaient en train de rédiger son amende, il a entendu quelqu’un dire dans le talkie-walkie : « On l’a eu, on l’a percuté. »

L’enquête judiciaire : Un juge d’instruction a été désigné pour mener une enquête préliminaire pour homicide involontaire. C’est la procédure standard en Belgique.

Comment aider : Prenez contact avec l’organisation JAVVA.

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