À 15 ans, des amis m’ont demandé si je voulais les accompagner en free party. J’ai découvert un univers incroyable : les vibrations des basses étaient impressionnantes, la communion avec les gens aussi rassurante qu’addictive. J’avais l’impression d’être coupé du monde et d’être enfin moi-même. C’est aussi à ce moment-là que j’ai découvert les drogues et leurs effets incroyables, divers et variés. Je les ai toutes testées et pas seulement en free party, j’en ai acheté certaines sur le darknet : MDMA, ecstasy, amphétamine, kétamine, morphine, LSD, champignons, fentantyl, 2-CB, et bien d’autres encore. Vingt-trois au total. Elles sont devenues ma vie, j’ai grandi avec. Dès le lundi matin j’attendais avec impatience le vendredi pour pouvoir me défoncer. Mais de toutes, la cocaïne est celle qui m’a le moins plu. Je ne la trouvais pas révolutionnaire dans les effets qu’elle pouvait me procurer. Je tiens à préciser que je n’ai jamais surdosé. Je me suis toujours contenté de petites doses, car la défonce pure ne m’intéressait pas.
À 17 ans, ma relation à la cocaïne a changé lorsqu’un ami m’a fait goûter une coke bien plus pure que celle qu’on pouvait trouver en festival. L’illusion si addictive de la poudre blanche a alors commencé, je me sentais meilleur avec que sans. Plus vif, plus intelligent, plus percutant. Je me suis mis à en prendre tous les jours. Je ne prenais pas de traces, mais des microdoses nasales comme on peut voir dans certains films. La coke m’accompagnait à l’école, à toutes les pauses, du soir au matin. Je fumais aussi 25 joints qui me faisaient l’effet de simples cigarettes. Ce rituel quotidien a duré de 5 à 6 mois, jusqu’à mes 18 ans. C’était une étape très importante à mes yeux, une sorte de passage dans une autre époque. Mais il fallait que je change.
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Le grand jour approchant, j’ai décidé de me reprendre en main, de repartir sur de nouvelles bases et de tout arrêter. Cocaïne et marijuana ont terminé dans la cuvette des toilettes. Les free party appartenaient au passé. Le changement a été aussi saisissant qu’instantané. C’est comme si je ressentais enfin les expressions de mon corps : la faim, la douleur ou le goût. Je me souviens encore de ce donuts à la framboise qui m’avait fait l’impression d’une explosion de saveurs. Mon seul problème était le sommeil. La première nuit, je n’ai dormi qu’une heure et cinq au total sur les six jours qui ont suivi mon sevrage. Mais pour moi, tout allait bien. Si je ne dormais pas, c’est que mon corps n’en avait pas besoin. Bien évidemment, je me trompais.
Très vite, mes parents et mes professeurs ont commencé à s’inquiéter. À l’école, je pouvais écrire de 10 couleurs différentes sur une même page. Je parlais sans cesse. J’avais l’impression de tout comprendre Je développais toutes sortes de théories, parfois loufoques, parfois complotistes. À la maison, je voyais mes parents pleurer de plus en plus. Ils ne me comprenaient pas. Ils me voyaient péter un plomb. Et le soir de mes 18 ans, j’ai pété un plomb.
« Les membres de ma famille présents à table pleuraient sans cesse face à ce triste spectacle. Pour mettre fin à leur supplice, mes parents m’ont demandé si je voulais aller voir un médecin de nuit »
C’était enfin le grand jour que j’attendais tant. C’était ma journée, j’avais l’impression que tout était fait pour moi. J’avais l’impression d’être l’acteur principal d’un film, c’était merveilleux. Le soir, mes parents m’ont offert un dîner gastronomique. Tout semblait parfait, mais je délirais. J’ai pensé que mon père n’était pas mon père ; qu’il était un chef d’entreprise ; que le restaurant gastronomique lui appartenait ; qu’il était le producteur de toutes les séries Netflix. Les idées et concepts abstraits fusaient les uns après les autres. Personne ne comprenait. Les membres de ma famille présents à table pleuraient sans cesse face à ce triste spectacle. Pour mettre fin à leur supplice, mes parents m’ont demandé si je voulais aller voir un médecin de nuit. Sur le moment, j’ai trouvé que c’était une bonne idée, je pensais que c’était un prétexte pour m’amener sur le lieu d’une surprise. Nous y sommes allés et il a conseillé à mes parents de me conduire aux urgences. Moi, j’étais toujours dans mon délire de cadeau d’anniversaire.
Arrivé sur place, j’ai attendu sur un brancard, surveillé de près par deux vigiles car j’étais toujours très agité. Je faisais du bruit, je gesticulais, je ne tenais pas en place. J’ai finalement décidé de me lever pour rejoindre un ami. Un vigile m’a pris le bras, je l’ai plaqué au sol. Il a fallu 5 infirmiers pour me maîtriser. Je ne peux l’expliquer mais à ce moment-là, je me suis fait passer pour un schizophrène. Le personnel médical m’a attaché les mains, mais j’ai quand même réussi à me détacher. Les médecins m’ont alors administré du valium afin de me calmer pour un bon moment.
« Pendant près d’un an, je n’ai vu personne »
Je me suis réveillé deux jours plus tard. Je suis resté 15 jours à l’hôpital avant d’être transféré dans une clinique de repos pendant un mois. Pour le personnel médical, j’étais bel et bien schizophrène. Alors que pas du tout. J’ai dû enchaîner les consultations psychiatriques pour prouver que je ne l’étais pas.
Pendant près d’un an, je n’ai vu personne. J’ai passé et obtenu mon BAC français en candidat libre, tout en essayant de comprendre ce qui m’était arrivé. Les médecins ont été très clairs : j’ai essayé de me sevrer seul, sans accompagnement ni produit de substitution. Avec le manque de sommeil, le cerveau n’a pas supporté et je me suis mis à délirer.
Aujourd’hui, tout cela est derrière moi et heureusement, je n’ai aucune séquelle. Je sais que je reviens de loin. Les médecins ont dit à mes parents que j’avais deux chances sur trois de rester fou le jour de mon hospitalisation. Heureusement que dans ma folie, le soir de mes 18 ans, j’ai accepté d’aller voir ce médecin. J’essaie de voir le positif dans cet épisode de ma vie traumatisant.
Ça va faire bientôt deux ans que je tiens bon, même si la cocaïne habite encore mes pensées. J’ai changé mes fréquentations et j’ai obtenu mon BAC. J’ai aussi rencontré quelqu’un qui m’a fait beaucoup de bien. Vraiment, je sais que je reviens de loin.
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