Société

S’injecter du yaourt dans le vagin n’est (toujours) pas l’idée du siècle

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L’Organisation mondiale de la santé (OMS) prévoit que d’ici 2050, le nombre de décès dus à des microbes résistants aux antibiotiques sera supérieur à celui des décès dus au cancer si on ne modifie pas rapidement notre approche des antibiotiques. Une perspective peu réjouissante. Une perspective vraiment très peu réjouissante, en fait. Mais pour les fanatiques de bactéries comme la chercheuse Sarah Lebeer de l’Université d’Anvers et son groupe de recherche, c’est une raison de plus pour jeter un coup d’œil tout frais à l’intérieur du vagin. Le groupe a récemment mené une étude à grande échelle et à participation citoyenne appelée le projet Isala – du nom d’Isala Van Diest, la première femme médecin en Belgique. Plus de 3 300 échantillons vaginaux ont été examinés à cet effet.

Poissons et fibres

« C’est vraiment fascinant de voir qu’on peut désormais appuyer certains “faits généraux” par des connaissances scientifiques, introduit Sarah Lebeer. Par exemple, il est de notoriété publique que les sous-vêtements fabriqués à partir de certains matériaux ne sont pas bons pour le microbiome vaginal. Cette question fait actuellement l’objet d’une étude approfondie par un doctorant de notre groupe. » Il en va de même pour les protège-slips, d’ailleurs. C’est préférable de les laisser de côté. « Je peux déjà vous dire que le vagin moyen [en Flandre, NDLR] est sain de façon générale, poursuit la chercheuse. Environ 80% des gens qui ont participé à l’étude avaient de bons ​​lactobacilles. Ceux-ci produisent de l’acide lactique et maintiennent un faible niveau d’acidité. Ça garantit le fait que les micro-organismes indésirables, certaines bactéries comme les virus et les champignons, ne puissent pas affecter le vagin. »

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Ce qui est également prouvé par l’étude d’Isala, c’est qu’il existe bel et bien un lien entre l’alimentation et la composition des bactéries de votre vagin. Un champignon n’arrive pas par hasard. Et cette odeur d’asperge non plus. « Une première constatation est qu’un IMC plus élevé est associé à une composition bactérienne moins favorable », avance Sarah Lebeer.

« Les graines et les noix ont un effet positif sur l’écosystème vaginal, remet-elle. Pareil pour les légumes : ceux qui contiennent beaucoup de fibres semblent être particulièrement bons. » Les brocolis, les carottes, les pois chiches, les haricots, les panais, mais aussi le potiron ou encore la patate douce, donc. En revanche, l’étude a montré que la viande est moins bonne pour le microbiome vaginal, alors que le poisson est bénéfique. « En même temps, on a des indications qui montrent que certaines vitamines, que l’on trouve principalement dans les produits animaux, jouent un rôle positif dans la bonne santé d’un vagin, contrebalance Sarah. Les végétarien·nes ont souvent des carences de ce côté-là. »

Un tampon-yaourt pour la nuit ?

Plusieurs théories circulent sur Internet quant à ce qui constitue une nourriture dite « adaptée au vagin ». Et le yaourt est souvent numéro un. On dit qu’il s’agit d’un remède approprié contre les infections fongiques. Le pot de Danio ou d’Oikos – selon vos goûts – serait à consommer par voie vaginale plutôt que par voie orale. Les personnes qui souffrent de démangeaisons peuvent trouver la meilleure façon de procéder en une recherche Google « Insérer le yaourt par voie vaginale ». En général, c’est le « tampon-yaourt pour la nuit » qui est recommandé. Facile et soigné. Tout aussi pratique sur papier que les « overnight oats ». La chercheuse Sarah Lebeer n’est pas effrayée par l’idée : «  C’est vrai que les bactéries des yaourts sont apparentées aux lactobacilles vaginales. L’acide lactique qui est produit par les bactéries du yaourt pour fabriquer le yaourt est également produit par les bactéries lactiques du vagin. L’injection de yaourt n’est donc pas une idée saugrenue, il y a un raisonnement logique derrière ça. Mais le yaourt contient également d’autres ingrédients qui peuvent ne pas être idéaux pour l’écosystème de votre vagin. Je pense aux sucres ajoutés et aux conservateurs. » La chercheuse confirme donc finalement que l’injection de yaourt n’est pas une bonne idée. Elle déconseille même les yaourts purs et non pasteurisés : « On doit d’abord mener une enquête plus approfondie. » Il en va de même pour le kéfir, d’ailleurs.

En parlant de sucre : « Les boissons riches en sucre comme les sodas ont clairement un effet négatif ». Le Coca et le Fanta, c’est pas fou, mais le projet Isala a abouti à une autre conclusion quelque peu surprenante : « L’alcool n’a aucun effet négatif sur la composition bactérienne du vagin, contrairement à ce à quoi on s’attendait. On peut même parler d’un effet positif. » Cela dit, la chercheuse nous invite à faire gaffe avant de faire couler le vodka-pomme : « L’alcool reste mauvais pour la santé, malgré son association positive avec le microbiome vaginal. ».

On peut aussi lire ça et là que les aliments fermentés permettent d’obtenir des conditions idéales pour le vagin. Commander du Kimchi et l’avaler avec un kombucha serait synonyme de vagin heureux. « Il y a un effet positif possible, mais c’est impossible de dire si c’est dû à la fermentation ou simplement au fait que vous mangez des légumes, explique Sarah. Les bactéries du kimchi ou du kombucha ne vont pas non plus directement dans le vagin. L’écosystème y est différent et il n’est pas dit qu’ils y survivent. De plus, dans la première phase de l’étude, il n’y avait pas assez de participant·es suivant un régime riche en aliments fermentés qui ont fourni des échantillons. On prévoit d’examiner cette question plus en détail à un stade ultérieur. »

Les autres aliments recommandés pour la santé de votre vagin seraient les framboises, les ananas, les pommes, les citrons verts, etc. À ce niveau, l’équipe de recherche ajuste les conseils qu’on trouve sur internet : « On n’a pas trouvé de lien clair avec les fruits, mais ça ne veut pas dire que les fruits ne font absolument rien de bien pour votre vagin. Les vitamines, les fibres et les minéraux constituent de toute façon un bonus appréciable. »

Bifidobactéries

Le projet Isala a également abouti à des conclusions plus fascinantes qui n’ont rien à voir avec le contenu d’un frigo, mais plutôt avec celui de votre corps. La naissance d’un enfant, par exemple, a un effet majeur et à long terme sur le microbiome. « C’est l’un des facteurs les plus importants qu’on ait trouvés, dit Sarah Lebeer. Chez les mères, on a vu plus de bifidobactéries. Ce sont les premières bactéries à apparaître chez un bébé. On pensait que cet effet durerait un an, mais ce n’est pas le cas. » Que cette science soit réconfortante : votre vagin a peut-être été déchiré, mais vous avez encore des bactéries bien intentionnées : « Même chez les personnes plus âgées qui ont eu un enfant dans le passé, l’impact de ce facteur a été mesuré. » Il est également intéressant de noter que la cup génère un effet positif : « On a trouvé plus de Lactobacillus crispatus pour ces cas. » Enfin, le sommeil semble être un facteur particulièrement important dans le fait d’avoir ou non un écosystème vaginal sain. Alors, pour les personnes qui optent finalement pour le vodka-pomme : mieux vaut commencer tôt.

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