J’ai rencontré Pierre de Le Rue lors de la dernière édition de l’Intercrew, une compétition de snowboard organisée à Chamrousse, en 2011. Quand il ne faisait pas de photos, il ridait avec plus de style que la plupart des autres invités présents qui se contentaient surtout de boire de la bière et de prendre des coups de soleil.
Je suis allé sur son site récemment et suis tombé sur quelques-unes de ces photos de militaires et de skieurs prises lors d’un voyage dans le nord de l’Inde. Je l’ai appelé et lui ai demandé ce qu’il avait bien pu foutre là-bas.
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VICE : Salut Pierre, qu’est-ce que tu foutais au Cachemire ?
Pierre : J’y suis allé pour filmer quatre snowboardeuses (Anouck Grau, Marion Haerty et les sœurs Mouthon) qui avaient besoin d’images pour leurs parts. Je suis photographe, mais comme j’avais passé la saison à filmer pour Harakiri, une production de snowboard, les filles qui ont organisé le trip m’ont demandé de les accompagner.
C’est bizarre comme idée de destination, non ?
L’idée est venue d’Anick et Elodie Mouthon. Elles ont l’habitude de partir dans des endroits un peu craignos pour leurs vacances, genre l’Afghanistan, l’Iran ou l’Irak.
Le Cachemire se trouve tout au nord de l’Inde, au début de la chaine de l’Himalaya. Bien qu’il s’agisse de la plus grande chaine de montagnes au monde, il n’existe qu’une seule station de ski, Gulmarg, avec une seule remontée mécanique qui monte à 4000 mètres. Il n’y a pas vraiment de pistes, et tout se fait en freeride. Tu peux aussi choisir de faire de l’héliski mais ça te coûtera plus cher qu’en Suisse : la boîte d’hélicos est tenue par des Américains.
À part vous, qui utilisait les remontées ?
La population est très pauvre, donc il n’y avait quasiment pas de locaux qui skiaient. Ceci dit, après une de nos descentes, on s’est retrouvés dans un petit village où des enfants nous ont sauté dessus pour nous emprunter nos boards – et tenter de nous faire les poches au passage. Même sans boots, avec des chaussures toutes pourries et des boards trop grandes pour eux, ils arrivaient à rider !
Je me suis dis qu’une marque devrait faire une opération marketing là-bas en filant de vieilles planches à ces enfants qui vivent à la montagne et qui n’ont rien d’autre à faire. En plus de ça, ça créerait de nouveaux emplois : certains d’entre eux pourraient devenir des guides pour touristes friqués. La plupart des skieurs et snowboarders que j’ai croisés sur place étaient des sortes de touristes à la quête du « grand frisson » dans ces zones un peu instables.
Vous êtes restés combien de temps ?
Douze jours. J’ai filmé pendant dix jours avec les filles et je suis resté seul deux jours de plus pour faire cette série de photos sur l’omniprésence militaire et sur ces locaux qui trimbalent les touristes sur des luges. Je ne voulais pas partir en Inde juste pour shooter de l’action. J’aurais pu le faire dans n’importe quelle station d’Europe.
Plus de 200 000 soldats de l’Armée indienne stationnent au Cachemire. Cette région a été le théâtre d’une dizaine de conflits ces 50 dernières années.
Votre voyage s’est bien passé, pour autant ?
Oui, même si les Indiens sont un peu lourds : ils collaient pas mal les filles… C’est une zone à 80% musulmane où les hommes ont plus l’habitude de voir des femmes en burqa que des minettes en slim sur un snowboard.
Tu fais quoi cet hiver ?
Je prépare une exposition pour le Festival international du film de freeride qui aura lieu à Saint-Lary-Soulan du 19 au 23 décembre. Après, je n’ai pas trop de plans mais je devrais shooter pour des productions françaises. Je devrais aussi faire des sorties avec mon cousin, Xavier. Je n’ai jamais shooté avec lui et suis impatient de voir ce que ça donne.