En décembre prochain, l’éditeur Bazillion Points publiera le livre-somme que tout le monde attendait sur le hardcore new-yorkais, NYHC 1980-1990, deuxième ouvrage de notre contributeur Tony Rettman.
Le livre compilera une centaine d’interviews et plus de 500 photos, et est destiné aussi bien aux nerds qu’aux novices. Il couvrira les débuts de la scène avec des groupes comme Agnostic Front, Reagan Youth, The Mob, Urban Waste et Cause For Alarm jusqu’à l’époque bénie de la fin des années 80 avec Cro-Mags, Murphy’s Law, Youth of Today, Underdog et Sick of It All.
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Il y a cependant des tas de trucs que Rettman n’a pas pu rentrer dans le livre, et chaque semaine, Noisey publiera donc une interview inédite signée de son gant de chantier. Le premier de ses papiers est une interview avec le batteur d’Anthrax, Charlie Benante. On voit déjà vos tronches. « Quoi ? Ces vendus qui ont pillé la scène hardcore ? » Détendez-vous un peu. Quoique vous pensiez de Benante, qui a donné sa vie pour le crossover au sein d’Anthrax mais surtout de leur side-project S.O.D. (Stromtroopers Of Death), vous ne pourrez rien faire contre son enthousiasme lorsqu’il revient sur ses premiers concerts au CBGB et sa découverte du NYHC. Eh oui, il parle également de la fameuse rumeur sur à propos du logo NYHC volé. Pas de problème.
Noisey : Vous aviez eu des problèmes au CBGB quand vous avez commencé à jouer aux célèbres « Sunday matinees » ? Est-ce que des gens se disaient « qu’est ce que ces chevelus foutent ici » ?
Charlie Benante : Au début c’était un peu intimidant parce qu’on n’était pas vraiment les bienvenus. Clairement. Sans des gens comme Big Charlie, Billy Milano ou Raybeez, on s’en serait jamais sortis vivants ! Ils nous ont pris sous leur aile en disant à tout le monde qu’on était des mecs réglos. C’était l’amour de la musique qui comptait, pas une question d’esthétique ; du moins pour moi c’était ça. Je n’étais vraiment pas dans le délire straight edge ou skinhead. J’adorais juste la musique.
Qui étaient les patrons de la scène quand vous avez débarqué ?
Agnostic Front était LE groupe du moment. Je me souviens de la première fois que je les ai vus au CBGB. J’ai grimpé l’échelle à côté de la scène et maté le pit vu d’en haut, c’était taré. Je n’essayais même pas d’y aller. Je préférais mater tout ça à distance parce qu’il fallait que je sois en état de jouer et de monter sur scène ensuite. Je ne voulais pas me faire éclater un bras ou autre chose.
Le CBGB était vraiment super. Ce qui a fait beaucoup pour le lieu c’est que le son tuait. Les backstages étaient affreux, mais la vibe du lieu et la sono tuaient. Le degré de respect que tout le monde vouait à Agnostic Front à cette période était incroyablement élevé. Je me souviens qu’au premier concert d’eux auquel j’ai assisté, je me suis dit « C’est quoi ce bordel ? » Leur public avait l’air tellement à fond que je me suis demandé « mais comment ça se fait que je ne connaissais pas ce groupe ? » J’avais l’impression d’être à un cours de rattrapage.
Il y avait aussi ce groupe incroyable du New Jersey qui s’appelait Adrenalin O.D. Je dois être honnête avec toi, S.O.D leur a emprunté beaucoup de choses.
Tu es capable de dater l’arrivée du crossover entre metal et hardcore à New York ?
Il y a eu ce concert de Metallica au club L’Amour à Brooklyn. Scott Ian et moi avions emmené Hetfield à un concert au CBGB le lendemain, pour voir Broken Bones. C’était bizarre parce que beaucoup de mecs de la scène hardcore connaissaient Metallica et certains n’appréciaient pas trop que ces mecs aux cheveux longs se pointent à leurs concerts. Un peu plus tard, James s’est retrouvé dans le pit sur les épaules d’un mec. Tout simplement. On peut dire que c’est à cette période que tout le délire crossover a commencé. Ensuite, plein de mecs du hardcore ont commencé à bouger à L’Amour pour voir les groupes qui y passaient.
Mais s’il y a un groupe crossover à retenir en particulier ce serait les Cro-Mags. Ils avaient tellement d’éléments qui venaient de partout et leurs morceaux étaient vraiment bons. Quand tout le monde a enfin pris conscience de l’importance de ce groupe, j’étais vraiment heureux. Vraiment heureux que ce soient eux qui représentent New York. Je me souviens de leur concert organisé par Rock Hotel il y a des années de ça, j’avais acheté leur cassette juste après. Pour moi, c’était une période incroyable pour la musique. Les Crumbsuckers étaient très bons dans ce crossover entre hardcore et metal aussi. Leurs concerts étaient dingues.
Chris Williamson est entré dans l’équation et a commencé à promouvoir son truc, Rock Hotel. Il organisait des concerts en mélangeant metal et hardcore. Je me souviens avoir vu Bad Brains et Megadeth au Ritz. Les concerts étaient vraiment cool. Il avait même ramené Discharge et G.B.H. et c’est là que tout a commencé.
Le crossover a définitivement pris sa source à New York et s’est répandu ensuite partout. Peu de temps après, Suicidal Tendencies a joué avec Slayer à Los Angeles. Puis à San Francisco, évidemment, tu avais toute cette scène thrash.
Comment Stormtroopers of Death s’est formé ?
S.O.D. était un side-project que je faisais avec Scott et qui s’appelait The Disease à la base. On avait quelques morceaux qui ne correspondaient pas trop au créneau d’Anthrax de l’époque. Notre ancien chanteur, Neil Turbin, avait décidé de lui-même de dégager notre bassiste, Danny Lilker. Ça m’avait laissé un sale goût dans la bouche ; pareil pour Scott. Donc quand on a monté ce side-project on a repris Danny. Donc il y avait nous trois, puis on est devenu potes avec Billy Milano, à qui on a demandé s’il voulait être notre chanteur. L’album Speak English or Die a été enregistré à Ithaca en deux jours et après ça, on a explosé. C’est probablement un des disques crossover qui a changé la donne.
Pourquoi S.O.D a splitté ?
On avait beaucoup de pression parce que Anthrax devenait énorme. C’était dur de continuer à faire S.O.D. Je sais que ça a été dur à digérer pour Billy, mais on n’avait pas d’autre choix.
Pourquoi est-ce que les mecs du hardcore taillaient autant ceux du metal quand ils se rapprochaient de leur scène ?
Je crois que ces mecs voulaient garder leur environnement pur. Ils ne voulaient pas être trop exposés et je comprends ça à 100 %. Mais le truc que les gens ne comprenaient pas à l’époque c’est que la musique est supposée être un truc qui détruit les barrières et réunit les gens. Certains nous ont descendus et on dit beaucoup de merde dans notre dos. Je ne crois pas que c’était très juste parce qu’ils ne savaient rien de nous et ne nous connaissaient même pas. Ça a commencé à me faire flipper au bout d’un moment.
Il y avait cette rumeur comme quoi vous aviez tenté de mettre un copyright sur le logo NYHC.
Oui, des gens ont dit ça. C’était vraiment ridicule. On avait joué au Ritz à cette période et Raybeez s’était pointé et avait traîné avec nous. Lui savait que tout ça était faux. Le truc c’est que d’autres types avec qui on croyait être potes ont commencé à répandre ce genre de rumeurs.
A la base, c’est cette japonaise qui nous avait fait un dessin avec le soldat et elle lui avait mis le logo NYHC dessus et on avait sorti un T-shirt avec ce bonhomme. Le logo NYHC faisait partie de sa tenue et le dessin dans son ensemble était copyrighté. Ce n’est pas comme si on s’était servi de ça. Comment tu peux profiter de ça ? Les mecs ont cru qu’on avait volé le logo NYHC. Ça a été trop pour moi. C’est là que j’ai dit « c’est bon, on oublie, je ne veux pas être mêlé à ça. »
Donc, même s’il y a encore des gens qui tiquent sur le mélange entre hardcore et metal à New York, de ton point de vue, ça a été un truc positif ?
Totalement. Ça touchait à plein de formes de musique différentes, un mix pour pousser la génération suivante à découvrir la racine des deux genres. Regarde tous les groupes que ça a influencés. Regarde toute la musique qui en est sortie. Tout a fonctionné finalement. Peut-être que des gens ont touché des ronds et d’autres pas. Quand tu réécoutes certains de ces disques crossover, il y en a beaucoup qui ont résisté à l’épreuve du temps. J’en écoute toujours et ça me remémore cette époque où le style était hot, et ces putains de dimanche mortels au Bowery.
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