Va te faire foutre, monde moderne – j’ai refait ma vie dans un van

La semaine dernière, j’ai emmené mon van, un Dodge Conversion de 1998, chez le garagiste sans savoir que c’était l’une des dernières fois que j’allais le conduire. Tandis qu’il m’expliquait que ma transmission était morte, je me suis rappelé de la fois où, quand j’étais jeune, j’avais dû emmener mon chien se faire piquer : une expérience atroce et du même ordre. Le mécano a senti combien j’étais attaché à mon van. Et putain ouais, je l’étais. Ce van m’a permis d’explorer tellement d’endroits débiles – je l’aimais. J’étais tellement triste que j’ai décidé d’envoyer un mail à Foster Huntington, fan de vans lui aussi et créateur du célèbre #Vanlife. On a parlé de surf, de voyages, et de chagrins d’amour provoqués par le décès de ces gros véhicules gentils.

Après avoir lâché son boulot de designer à New-York, Foster a vécu selon ses propres règles dans différents véhicules, comme il l’explique dans ses différents blogs. Il a traversé une grande partie du pays en surfant, pêchant, et en campant ; il vient de terminer son deuxième portfolio à paraître en bouquin, Home is Where You Park It. Vous pouvez mater quelques extraits de ces nouveaux boulots ci-dessus, puis notre conversation ci-dessous. Comme je le pensais, on a pas mal de choses en commun Foster et moi.

VICE : OK, votre livre va sortir grâce à Kickstarter. Quelles sont les prochaines étapes ?
Foster Huntington :
J’ai tout mis sur pellicules, il me reste simplement à scanner les négatifs. Je travaille aussi avec des maquettistes new yorkais. C’est à eux de rendre tout ça joli maintenant. Je vais d’ailleurs bientôt rentrer à New-York pour la première fois depuis mon départ en juillet 2011 ; je vais bosser une semaine là-bas. Ensuite, je rentrerai et continuerai à traîner dans le nord de la Californie ; je compte surfer tout l’automne. Je pense partir pour un surf trip au Maroc aux alentours de décembre.

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Cool. J’ai moi-même déjà été au Maroc – mais pas du tout pour surfer.
Ouais, c’est putain de cool. C’est genre, le Baja européen ; c’est encore rude sur les bords donc il y a moins de touristes qu’ailleurs, mais c’est connu pour avoir de bonnes vagues. Mais toi, tu viens genre du Nebraska et tu surfes ?

Ouais, je me suis installé à New York il y a trois ans et je m’y suis mis. J’ai toujours droit à des regards moqueurs de la part des gens qui voient ma plaque d’immatriculation. Mes potes et moi avons fait de nombreux surf trips à Long Island.
Allez dans le Maine, plutôt !

Je sais, ouais… J’ai eu quelques problèmes de van la semaine dernière et j’essaie de régler ça pour mon prochain départ. Vous avez l’air d’avoir eu de la chance avec le vôtre.
Non, mon ancien van était une plaie ! C’est un vieux Volkswagen Syncro que j’avais acheté avant même de l’avoir vu. Quand j’habitais New-York, j’adorais l’esthétique des Synchros et leur système de transmission intégrale. J’ai vu qu’il y en avait un en vente au milieu de nulle part, dans le Nevada. J’ai tracé là-bas – un des endroits les plus perdus d’Amérique du Nord. L’ancien propriétaire avait fait cinq heures de route pour me voir, et je lui ai acheté. Il était le seul à en vendre un, et il avait déjà plus de 469 000 km au compteur. L’engin n’était pas si défoncé que ça, mais après lui avoir mis 95 000 km de plus, c’est devenu un combat de tous les jours. Ces vans sont cool, ouais, mais c’est une fortune pour les maintenir en vie. Je dépensais environ 1 800€ par mois, rien que pour le faire rouler.

Sérieux ?
Ça m’a rendu malade de gérer ça. Le genre de situation où je suis en train de conduire, je tombe en panne et tout ce qu’il me reste à faire, c’est d’attendre là une semaine – ou plus – les pièces manquantes en espérant que « ça ne soit pas plus grave que ça ». À un moment, j’ai eu un problème banal qui m’a couté au final plus de 4 300€ de réparations. C’était intenable. Du coup, je m’en suis débarrassé et ai fait l’acquisition d’un camping-car Toyota. C’est infaillible, ce truc. Certes, c’est pas aussi cool que mon van Volkswagen, mais au moins quand tu veux aller au Mexique, c’est safe.

Je pense que je vais switcher pour un truc du genre. Je vais troquer un peu de confort pour un véhicule plus solide.
Ça vaut le coup : OK, t’es hyper content d’avoir un vieux VW, mais impossible de l’utiliser : il tombe en panne un jour sur deux. Avoir une voiture qui tombe en panne c’est une chose ; quand c’est aussi ta maison, ç’en est une autre. C’est toute ton existence qui doit s’arrêter pendant au moins une semaine.

C’est génial de parler de ça avec vous ; vous êtes un boss de la conduite en fourgonette. Vous avez étudié la photo, à part ça ?
Non, je suis allé dans une petite fac d’arts appliqués gauchise du Maine, le Colby College. Je n’avais pas la moindre idée de ce que je voulais faire dans la vie ; je n’étais jamais allé dans le Maine. Colby m’a accepté, et j’ai fait ça « comme ça ». Je suis arrivé là-bas un jour, sans rien connaître de ce monde psychorigide qu’est la Nouvelle-Angleterre – et pire, ses écoles préparatoires. Je me faisais pas mal chier, c’est pourquoi je me suis mis à prendre des photos et écrire pour mon blog, A Restless Transplant.

Ensuite, un designer de Ralph Lauren a vu mon blog et a pris contact avec moi, pour me demander si j’avais pensé à travailler sur du design ou un truc en rapport avec la « conception ». Je lui ai répondu que non, mais que ça m’intéressait. C’était en 2009. Ce genre d’opportunité ne se présente pas souvent – j’y suis donc allé et j’ai recontré les mecs qui bossait sur la gamme Polo. J’ai été stagiaire là-bas un été, avec un emploi à la clé. Ma spécialité, c’était de trouver des photos de sources diverses et les assembler afin de créer des mini-récits. La majorité de ce que j’ai appris en photo vient de mon travail avec ces mecs ; ils avaient tous super bon goût.

D’habitude, avoir des collègues signifie devoir dealer avec des ignares doublés de gros cons. Donc ouais, c’est plutôt cool.
Ouais, jusqu’au jour où j’en ai eu marre de bosser dans la mode et de designer des trucs pour bourges du Connecticut. Petit à petit, mon intérêt s’est porté sur le minimalisme du design japonais – le wabi-sabi. J’ai réalisé que je zappais cette partie du boulot, la simplicité ; surtout, travailler derrière un bureau 70 heures par semaine dans une putain d’entreprise alors que je n’avais même pas 30 balais, merci quoi.

Quand j’ai commencé ce photo blog, Burning House, j’ai demandé aux gens de soumettre les photos de ce qu’ils aimeraient sauver si leur maison devait brûler le lendemain. Mon idée de départ, c’était que les gens réfléchissent à ce qui était réellement important pour eux. Ça a vite décollé, et la maison d’édition Harper Collins a voulu me recontrer pour transformer le blog en livre. J’ai pris tout le fric qu’ils m’avaient filé en avance, et j’ai acheté un van pour me casser.

En quoi ton prochain livre, Home is Where You Park It, sera-t-il différent de celui-ci ?
Pour le nouveau, je voulais avoir le contrôle sur toute la création. C’est une série de photos de vans et d’anecdotes sur les gens qui vivent et se déplacent en van. J’aime que les gens pensent à ce qui leur est nécessaire, et au fait qu’ils n’ont pas besoin de toutes ces merdes modernes pour être heureux ; peut-être même verront-ils à quel point c’est dur de vivre dans un putain de van. Je pense que vivre, ou du moins passer quelques temps dans un van est un bon moyen de voyager en devant faire face à autre qu’à réserver une putain de chambre d’hôtel.