Il arrive parfois que la gastronomie inspire la plus grande démagogie. L’Histoire retient, par exemple, ces mots de Marie-Antoinette qui, quand on lui a fait savoir que son peuple mourrait de faim et n’avait plus de pain, aurait rétorqué : « Qu’ils mangent de la brioche ! »
Le week-end dernier, dans le cadre de la course l’investiture des primaires républicaines pour les prochaines élections présidentielles américaines, c’est Ted Cruz, le sénateur texan et républicain, qui a rassuré les estomacs de toute une nation. Sa promesse culinaire ? « French fries are coming back to the cafeteria » : les frites vont faire leur grand retour dans les cantines aux États-Unis.
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La forumule choc a été lâchée alors qu’il donnait un petit meeting dans la ville de Des Moines, en prévision du caucus de l’Iowa qui a eu lieu ce lundi et dont il est sorti en tête. Dans l’espoir de séduire l’audience, Ted Cruz a fait le choix de s’adresser directement aux écoliers de cet état clé du Midwest et leur a fait part de son programme pour améliorer leur quotidien. Et pour transmettre les valeurs de son « American Dream » (il est lui-même fils de réfugié politique cubain), quoi de mieux que de promettre le retour des frites au menu des cantines du pays ? « Make America great again », comme dirait Trump – pour Cruz, cela semble devoir commencer par le tour de taille.
Dans un soucis de transparence, voici l’intégralité du message que Cruz a prononcé ce week-end : « Je voudrais dire quelque chose à tous les enfants présents dans cette salle et en âge d’aller à l’école. Sachez que si Heidi Cruz [sa femme] devient première dame, les frites feront leur retour à la cantine. »
Est-ce le rôle des Premières Dames américaines de s’occuper du menu des cantines scolaires ? Non – malgré tout, c’est quelque chose qui a occupé Michelle Obama pendant les deux derniers mandats présidentiels de son mari. « Let’s Move », le projet de l’actuelle Première Dame du pays, vise notamment à rendre la nourriture des cantines scolaires plus diététique. On peut donc supposer qu’avec l’annonce du come back du gras dans les cantines, Cruz envoie une petite pique au camp démocrate.
Et pour cause, Michelle Obama s’est distinguée dans son engagement contre l’obésité infantile. En 2010, elle a carrément réussir à faire passer le Healthy, Hunger-Free Kids act au Congrès. Dans les faits, cette mesure a permis d’établir des standards nutritionnels dans les réfectoires scolaires et de garantir à plus de 100 000 écoliers l’accès à des menus healthy à l’heure du déjeuner.
Les bonnes intentions de Mme Obama n’ont pas attendu Ted Cruz pour s’attirer les foudres de certains. Il suffit de faire un tour sur le hastag #thanksmichelleobama sur les réseaux-sociaux pour se rendre compte de l’impopularité de ces nouvelles mesures chez certains élèves à qui la junk food manque un peu.
En se plaçant comme le garant d’une forme de « liberté individuelle de manger de la merde » pour les jeunes citoyens américains, Ted Cruz tente de s’attirer les votes des parents gâteaux. L’argument semble trouver écho : la foule a accueilli cette déclaration par une ovation. Rengorgé par cette liesse populaire, notre sénateur a continué son discours : « Est-ce que je suis le seul à penser que le carton a plus sa place sur les emballages que dans l’assiette ? ». Ambiance.
Ce n’est pas la première fois que les frites font la une de l’actualité politique américaine. Quand la France s’est déclarée contre l’intervention américaine en Irak, certains militants en faveur de l’intervention en Irak avaient rebaptisé les traditionnelles french fries pour leur donner le nom, ironique, de freedom fries, en signe de contestation. Il avait fallu leur signifier que les french fries n’avaient en fait pas grand chose de french, puisque la frite est, à l’origine, une spécialité belge.
Lundi matin, on apprenait que Ted Cruz avait remporté le caucus de l’Iowa, devant Donald Trump. S’il est finalement élu aux primaires et plus tard, à la Présidence, peut-être qu’il se mettra en tête de faire pression sur l’Unesco pour inscrire le ketchup comme un légume à part-entière au patrimoine de l’humanité ?