Comme tout le monde, vous avez déjà appelé le service clients d’une entreprise, avant qu’on vous mette en attente pendant 40 minutes et que vous ne déversiez votre bile vindicative sur la personne qui vous a finalement répondu. Avez-vous déjà réalisé qu’un être humain se trouvait à l’autre bout du fil ? Afin de mettre un visage sur ces pauvres gens, le photographe Paul Jeffers et l’écrivain Mike McHardy ont passé deux semaines avec les employés de centres d’appel situés aux Philippines.
Nous avons découvert que de nombreuses personnes commençaient à travailler à la tombée de la nuit. Ces employés sacrifient un rythme de travail sain et leurs jours fériés pour offrir un service opérationnel 24h/24 aux clients occidentaux. Noriel Atos travaille au sein d’une entreprise qui vend des produits cosmétiques à des clients fortunés un peu partout dans le monde. À 6 heures du matin, elle finit son service en partageant une bouteille de Red Horse et une cigarette avec ses collègues.
Videos by VICE
« On a l’habitude, ça fait très longtemps qu’on fait ça », confie-t-elle à propos de ses heures de travail tardives. « C’est très stressant et c’est difficile de se maintenir en bonne santé. Parfois, je ne me sens pas d’humeur quand je vois la journée de travail qui m’attend, et j’ai du mal à m’endormir le matin. »
De nombreux centres d’appel sont externalisés en Inde, mais les Philippines en accueillent de plus en plus. C’est assez logique, sachant qu’après un demi-siècle de colonisation américaine aux Philippines, les habitants ont grandi en regardant des émissions américaines, en apprenant l’anglais à l’école et en mangeant dans des fast-food américains. Les rues bondées de Manille sont jonchées de Starbucks, de Krispy Kreme et de pizzerias Papa John.
En 2016, le nombre d’employés de centres d’appel devrait atteindre les 1,3 millions, et ce rien qu’aux Philippines. Selon Cesar Tolentino, membre de l’association Contact Centre, les employés débutants gagnent entre 10 000 et 14 500 pesos philippins (168–242 euros) par mois – sans compter les primes et autres indemnités. C’est un salaire plutôt correct aux Philippines – à peu près le double de ce que gagne un employé de bureau classique – qui leur permet de s’offrir des vêtements de créateurs et des gadgets dernier cri.
Ces employés sont souvent diplômés et méticuleusement formés pour comprendre la culture américaine. On les entraîne à avoir un accent et un humour américain afin qu’ils puissent interagir plus facilement avec les clients.
Néanmoins, le travail peut s’avérer très fastidieux. « Les clients se plaignent sans arrêt », nous a confié Ron, un des employés. « Ils parlent tout le temps et nous insultent sans cesse, mais nous ne devons jamais nous énerver. Nous devons faire preuve d’empathie et faire de notre mieux pour les apaiser. »