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Tom Carroll, sous la vague et dans l’histoire

Cet article est publié en partenariat avec Surf Session Magazine. VICE Sports vous propose de lire en exclusivité la chronique “Une vague, une histoire” qui paraît dans le magazine.

Lorsqu’on associe dans une même phrase le mot snap et “vague de 12 pieds à Pipeline”, on est bien obligé de se dire que quelque chose cloche. En demi-finale du Pipeline Masters 1991, Tom Carroll a manifestement perçu les choses sous un autre angle. Déjà auréolé du statut de double champion du monde (1983 et 1984), l’Australien est cette fois en course pour remporter une troisième fois la prestigieuse étape hawaïenne, après ses succès de 1987 et 1990. Surfeur au profil atypique, Tom Carroll est principalement réputé pour son engagement et ses qualités de tuberider. « Dès l’instant où Tom enfilait son casque, il se transformait », se souvient son ami Martin Potter. « Sa tête est la seule partie de son corps qui n’a jamais subi de blessure. Tom était persuadé que, tant qu’elle était protégée, rien ne pouvait lui arriver ». Dans les vagues à la fois chaotiques et somptueuses qui déroulent sur le North Shore ce jour-là, ce n’est pourtant pas caché sous la lèvre que le vétéran du Tour marquera les esprits : après un long drop sur Pipeline, Tom Carroll surprendra tout son monde en allant planter sous la lèvre le rail de sa sublime 7’8 Pat Rawson. « Le feeling que j’avais avec cette planche était incroyable », se rappelle Tom Carroll. « J’ai chopé cette grosse vague au mur si haut et si tendu ! Elle ressemblait plus à un spot de North Narrabeen qu’à Pipe. Alors, j’ai placé ce snap… ».

Une prise de risque impensable sur un spot aussi violent et dangereux que Pipeline. Les images capturées par le photographe Peter “Joli” Wilson donneront encore un peu plus de relief à cette action mémorable. « C’est probablement la première et l’unique vague à Pipeline ayant obtenue un score si élevé pour une seule manœuvre », raconte Martin Potter. « J’étais présent sur la plage pendant la série et ça m’a donné la chair de poule. Tom Carroll a surfé cette vague comme s’il y avait 2 pieds ». Sur un nuage pendant toute l’épreuve, il scorera ensuite deux vagues à 10 en finale contre Derek Ho. Un succès acquis dans les ultimes secondes de la série au terme d’un scénario fou : alors que Derek Ho est prioritaire et que la fin du heat approche, le set de la dernière chance lève devant les deux surfeurs. « Nous étions placés dans une zone délicate mais, dès que j’ai vu cette vague arriver, je savais que j’allais la prendre », relate Tom. « Je ne me souviens même pas avoir regardé Derek. C’était un risque énorme car il savait parfaitement se placer au line-up. Je devais le pousser à l’intérieur, je voulais vraiment gagner ! Finalement, il a refusé la vague… ». Après un late take-off vertigineux, Tom Curren choisira ce coup-ci la voie du tube avant de mettre un gros carve… et de décrocher la note parfaite. Ce troisième titre à Pipeline sera aussi pour lui synonyme de victoire sur la Triple Crown. Jusqu’alors dominée par les Hawaïens, Tom Carroll deviendra le deuxième australien après Gary Elkerton à remporter cette épreuve mythique.

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Bien plus qu’un simple turn, le snap de Tom Carroll à Pipeline va redéfinir la manière de surfer une vague. « Je crois que cette figure a symbolisé le changement de perception du surf avec le passage du long ride à la grosse manœuvre », explique l’emblématique Gerry Lopez, Pipe Masters en 1972 et 1973. « Il s’agissait d’une figure classique de Tom Carroll, avec ses grosses cuisses en flexion, envoyant son gun effilé d’un rail sur l’autre sur une immense vague à Pipeline. En donnant de la crédibilité à la figure radicale, Tom Carroll a ouvert la voie pour que les figures de skateboard et de snowboard deviennent des figures de surf. Aujourd’hui, elles sont un prérequis dans le répertoire de tout surfeur professionnel ». Et malgré une carrière marquée par des évènements de vie tragiques et une addiction à la drogue dont il viendra à bout en 2006, Tom Carroll reste l’un des surfeurs les plus influents de sa génération. En 2014, il remportera à Pipe la Heritage Serie, avec une réplique de sa Pat Rawson sous les pieds, contre Derek Ho, Sunny Garcia et Gary Elkerton. Malgré ses 55 ans, le surfeur de Newport reste toujours bien campé sur ses appuis.

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