En 2012, le producteur québécois Tommy Kruise a balancé Memphis Confidential Vol. 1, une tape de beats inspirée par la trap et le rap sudiste des années 90, la bande-son parfaite pour fumer et skater. Et ça a propulsé directement le jeune Montréalais dans la liste des beatmakers à suivre. Après l’excellent EP Fête Foreign, sorti l’année denrière, où figuraient des compos originales, on vous présente la tant attendue deuxième édition, Memphis Confidential Vol. 2, 6 tracks qui vont rendre fous les diggers de samples et tous ceux qui aiment se détendre.
Depuis 3 ans, Kruise joue un peu partout, il rentre d’une tournée européenne et a récemment suivi une opération pour résoudre son apnée du sommeil. Son clip satirique « SS16 » (premier morceau du Vol.2) montre Kruise vaper dans un col roulé blanc immaculé et présenter sa nouvelle collection, qui n’existe évidemment pas. Les conneries des rappeurs mainstream le fatiguent et il voulait les parodier dans un clip pour le montrer.
Ecoutez Memphis Confidential Vol. 2 juste là (l’artwork est signé Skip Class et le layout Rhek), et lisez notre interview avec Tommy plus bas.
Noisey : Parle-moi de cette nouvelle tape, les samples sont hyper deep.
Tommy Kruise : En gros, c’est le dernier projet que j’ai réalisé alors que je me battais encore avec mon apnée du sommeil. J’ai cru que ça me prendrait dix ans pour sortir ce Vol.II… Je me suis replongé dans d’obscures tapes de Memphis, pour trouver des samples qui n’avaient jamais été utilisés. Je voulais vraiment composer plus, mais le sample est mon premier amour. Je ne dirais pas d’où ils viennent, excepté quelques faces B de cassettes Big Hill Management, parce que j’aime bien que les gens s’investissent un peu pour les retrouver quand ils ne les connaissent pas.
C’est vrai qu’il y a plus de mélodies et de compos originales sur celle-là.
Le premier volume était surtout trap et chopped-and-screwed, tandis que là, dès le premier morceau, c’est plus émotionnel. Il a deux tracks qui sont des bangers, une autre conçue pour que les gens dansent en soirée. Les interludes sont dans une approche plus lo-fi, pour les gens en voiture ou ceux qui fument. Je reviens à mes premiers amours parce que Memphis Confidential Vol. 1 est le premier truc que j’ai jamais sorti.
Comment tu en es venu à t’intéresser au Southern rap ?Quand j’étais super jeune, vers 12 ou 13 ans, ça a été ma transition après le heavy metal. J’écoutais Dr. Dre et tous ces disques de l’époque, mais le rap du sud était la meilleure transition pour moi, pour pouvoir me dire enfin
« J’adore le rap maintenant et ça me prend tout mon temps
». Il n’y a jamais eu un moment depuis ce temps-là où je n’ai pas écouté de trucs provenant d’Atlanta, de Dallas ou de Houston.
C’est ça qui t’a donné envie de produire ?Ouais ! Le séquencage, la manière dont ils utilisent le charley, ça a toujours été une influence dans tous les types de rap. Les sons de DJ Paul et Juicy J sont toujours utilisés dans des singles bien placés dans les charts aujourd’hui, que ce soit par Future ou autre. Quand je me suis lancé dans la production au départ, j’étais bien plus branché par le rap de Détroit,
Black Milk, Hi-Tek, etc. Quand je me suis mis à Fruity Loops, je me suis plus influencé par les techniques de samples de J Dilla. Tu t’en sors avec cette apnée du sommeil ? Content de voir que ça va mieux.Oui. J’ai accepté la maladie, c’est une partie de moi, je dois vivre avec ça, c’est tout. Je ne comprenais pas pourquoi mon énergie s’évaporait chaque jour. Mais quand
A$AP Yams est mort et que c’était lié à ça… je l’avais vu lutter et ça m’a rendu très triste. Alors ma mère m’a dit : « Yo, il faut que tu commences un traitement. » Il a fallu un an et demi avant de trouver la solution au problème. Je me demandais si je devais dormir avec une machine ou autre. Finalement, j’ai été opéré et en l’espace de 48 heures, j’ai ressenti la différence. Ca n’avait plus rien à voir.
Avec toi, Lunice, Kaytranada et les autres, on dirait que c’est le boom pour les producteurs de Montréal.Beaucoup de gens qui sont en plein boom en ce moment sont tous liés au départ. On allait tous aux mêmes soirées et on jouait les sons des uns et des autres. C’est super parce que Montréal est une ville qui est capable de briller. Beaucoup ont peur de prendre des risques, mais Montréal t’apprend comment faire, il y a un goût du risque ici.
Il y a beaucoup de soirées illégales et des artistes qui font des trucs qui n’avaient jamais été faits auparavant, et ça t’inspire. La vie est courte, pourquoi ne pas tenetr des choses ? Montréal est bourrée de talents. Et c’est une bonne chose qu’elle reçoive enfin la reconnaissance qu’elle mérite. L’hiver ici, comparé à Los Angeles, c’est inspirant. Six mois au cours desquels tu ne sors pas, c’est bon pour le boulot. S’il fait toujours beau dehors, ça ne va pas t’inciter à rester enfermé et à faire des beats toute la journée.
C’ette idée de faire quelque chose de nouveau, c’était le but de « SS16 » non ?Voilà ! Cette vidéo me sort de ma zone de confort. Je voulais me moquer de l’industrie de la haute couture et du rap game, et de ces rappeurs mainstream qui font des délcarations destinées à révolutionner la vie dans le simple but de vendre des merdes à des prix exorbitants. Toutes ces expérimentations dans la mode oublient le but originel, qui est de sortir de la bonne musique et de faire passer un bon moment aux gens. Ca tue que des gens ne comprennent même pas le clip. Genre, « qu’est ce que ce type est en train de foutre ? Pourquoi il vape dans cette tenue ? » Je veux que les gens pensent que c’est ringard. C’était le but.
Tu as skaté récemment ?Je veux m’y remettre à fond. Je suis de retour d’Europe depuis peu, c’est un rêve qui s’est réalisé, mais j’ai dû jeter mon skate dans une poubelle à l’aéroport. J’avais passé la douane et tout ça, mais Air France m’a dit « Ah oui, ça, ça ne rentre pas dans l’avion. » J’ai fait un shoot à la Kobe et le skate a rejoint les déchets. Il m’en faut un autre.
Tommy Kruise est sur Facebook // Twitter // SoundCloud
Adria Young est sur Twitter.