L’article original a été publié sur VICE News.
Le président français Emmanuel Macron fait face à la plus grave crise de sa présidence après que les manifestations du week-end ont dégénéré en la pire émeute qu’ait connue Paris depuis Mai 68, à l’issue de laquelle 400 personnes ont été arrêtées.
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De nombreux actes de violence et de vandalisme ont été commis, faisant 130 blessés et des dommages évalués à plus de 3 millions d’euros ( 4,5 millions de dollars canadiens).
Des invitations à manifester de nouveau à Paris samedi prochain ayant été lancées, sans compter que des manifestations et des actes de vandalisme ont aussi eu lieu ce lundi dans la capitale française, le gouvernement d’Emmanuel Macron doit rapidement parvenir à apaiser le mouvement de ceux que l’on appelle les « gilets jaunes ».
Emmanuel Macron affirme qu’il ne cédera pas aux revendications des gilets jaunes, qui se sont d’abord mobilisés contre une hausse de la taxe sur les carburants, avant que le mouvement fasse boule de neige.
« Penser que, comme on a toujours fait depuis 30 ans, un petit geste et puis on met bien la poussière sous le tapis, et on ne règle surtout pas le problème fondamental et structurel, a réagi Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, à France Inter. Et ça recommencera dans six mois, douze mois, dix-huit mois. »
Qui sont les gilets jaunes?
Les gilets jaunes – nommés ainsi en raison des gilets de haute visibilité que les automobilistes sont obligés d’avoir dans leur véhicule et qu’ils ont adoptés comme symbole – ont manifesté dans les dernières semaines en opposition à la hausse de la taxe sur le prix des carburants, une mesure du gouvernement Macron visant à financer la transition écologique.
Les gilets jaunes ont obtenu des appuis dans tout le spectre politique et dans tout le pays. Le mouvement se nourrit de la colère contre la pression économique qu’impose le gouvernement aux citoyens ordinaires, alors que le président Macron, un ancien banquier, a réduit le fardeau fiscal des grands entrepreneurs et des plus hauts salariés.
Depuis la première manifestation tenue le 17 novembre, le mouvement a organisé une série d’actions de perturbation. Au cours du week-end, plus de 130 000 personnes se sont mobilisées, notamment en créant plus de 600 barrages routiers. Lundi, des gilets jaunes ont bloqué onze importants dépôts de carburant de la compagnie Total et, par conséquent, 75 des stations-service du géant pétrolier se sont retrouvées à sec, d’après la compagnie.
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Dans le cadre des manifestations, trois personnes sont décédées, et, samedi seulement, 260 personnes ont été blessées. Mais, malgré cela, le mouvement semble gagner de la force : sept personnes sur dix l’appuient selon un sondage de Harris Interactive mené après les manifestations de samedi.
Environ huit porte-paroles officieux des gilets jaunes sont sortis du lot, mais le mouvement n’a pas de structure hiérarchique, ce qui rend les négociations difficiles pour le gouvernement.
Que s’est-il passé à Paris?
Samedi, à Paris, des voitures ont été incendiées, des maisons saccagées et des commerces pillés. Les pompiers ont éteint près de 190 débuts d’incendie, mais six immeubles ont été la proie des flammes, dans les quartiers parmi les plus huppés de la ville, notamment autour des Champs-Élysées, du Louvre et de la place Vendôme, que des manifestants ont mis à sac.
D’autres, certains portant des lunettes de ski, ont lancé des pavés aux policiers, qui ont répliqué avec des grenades de gaz lacrymogène et des canons à eau. Le bas de l’Arc de Triomphe, un monument emblématique de la France dédié aux soldats qui ont pris part à la bataille d’Austerlitz, a été couvert de graffitis disant entre autres : « LES GILETS JAUNES TRIOMPHERONT » et « NOUS AVONS COUPÉ DES TÊTES POUR MOINS QUE ÇA ».
« Quand on voit le type de projectiles qui ont été balancés sur nos effectifs […] on ne peut que dire qu’effectivement il y avait manifestement une intention de tuer, pas seulement de faire du mal », a affirmé le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, à la radio lundi.
Des membres du gouvernement ont affirmé que des extrémistes avaient infiltré et exploité les gilets jaunes pour commettre ces actes de violence. Le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, a quant à lui dit que beaucoup de ceux qui ont été arrêtés étaient des hommes de 30 à 40 ans venus de l’extérieur de la capitale avec l’intention d’en découdre avec les forces de l’ordre. Il a ajouté que la violence avait aussi été nourrie par les jeunes de la banlieue qui ont participé aux manifestations afin de tirer profit du chaos pour se livrer au pillage.
Mais des radicaux au sein du mouvement des gilets jaunes ne se distancient pas de la violence. Bien que bon nombre d’entre eux présents samedi aient affirmé qu’elle fait du tort au mouvement, d’autres ont dit aux journalistes qu’ils continueraient jusqu’à la démission d’Emmanuel Macron.
Que fait le gouvernement?
Le premier ministre, Édouard Philippe, a échangé avec des représentants de l’opposition lundi à propos des mesures à adopter, et une rencontre avec des représentants des gilets jaunes est prévue ce mardi.
Parmi les mesures évoquées au cours du week-end, il y a eu le recours à l’état d’urgence, comme lors des émeutes de 2005 dans les banlieues françaises ainsi qu’après les attentats terroristes à Paris en novembre 2015. Mais cette mesure « pour l’instant n’est pas à l’ordre du jour », a déclaré Laurent Nuñez.
Pour le moment, Emmanuel Macron semble par contre déterminé à ne pas suivre l’exemple de précédents présidents français qui ont cédé aux revendications des manifestants. En Argentine, à l’occasion du G20, quand les émeutes ont éclaté, il a affirmé qu’il n’accepterait jamais la violence et a promis de « ne pas changer de cap » au sujet de la taxe carbone, une mesure prise pour lutter contre les changements climatiques.
Le président, hué par la population dimanche alors qu’il constatait en personne les dommages, se dirige donc vers un bras de fer avec les gilets jaunes. L’une des porte-paroles du mouvement, Jacline Mouraud, a déclaré à l’AFP qu’elle se présenterait à la réunion de mardi avec le gouvernement seulement s’il « annonce un gel de la hausse des taxes sur les carburants » au préalable.