Vous l’avez peut-être loupé, mais hier, c’était les élections. On espère que vous êtes allés voter et surtout, que vous n’avez pas baissé votre froc.
Ce fut une journée folle durant laquelle les médias belges vous ont tenus en haleine avec des informations capitales, lâchées au compte-goutte. Comme Bart De Wever qui a commandé 300 grammes d’américain préparé chez le boucher, Wouter Beke qui a tondu son gazon pour la première fois en cinq ans, ou encore de Maggie De Block en visite chez le coiffeur.
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Point journalistique culminant ? La VRT qui a suivi De Wever en voiture vers Bruxelles et nous rapporte : « Nous passons maintenant devant la voiture du président de la N-VA, ce qui est excitant et pas excitant en même temps, car en réalité, on ne voit rien, les vitres sont teintées. Mais nous sommes certains d’une chose : De Wever se trouve dans cette voiture. »
Si, malgré ces rapports de haut niveau, vous avez manqué un fait important, voici un aperçu plus ou moins complet de tout ce que vous devez savoir.
Comment s’en sont sortis les partis ?
Le Vlaams Belang veut que vous dégagiez
« Linkse ratten, rol uw matten » ( rats de gauches, dégagez), voilà ce qui était scandé au siège du parti Vlaams Belang. Qu’ils progressent était certain, mais le parti a dépassé ses attentes les plus folles. En Flandre, ils sont le deuxième en importance avec 18,5%, et obtiennent 11,95% au niveau fédéral.
Tom Van Grieken a fait preuve de politesse et a tenté immédiatement de courtiser les autres partis afin que le Vlaams Belang puisse enfin avoir la possibilité de co-diriger. À propos, attendez-vous à de nombreuses discussions sur le cordon sanitaire au cours de la prochaine période. La N-VA, entre autres, a déclaré « ne pas être mariée au Vlaams Belang ». Tous les autres partis flamands ont par la suite indiqué qu’ils ne voulaient pas s’allier au Vlaams Belang.
Pepe et les trolls du net
Pendant ce temps, le jeune président Bart Claes a partagé sur le net un collage photoshop pas très élégant avec Tom Van Grieken dépeint comme le symbole raciste Pepe-the-frog, une lance en main. Dries Van Langenhove du groupe radical de droite Schild en Vrienden n’en croyait pas non plus ses yeux. Sa victoire a été applaudie dans les méandres d’internet sur 4chan.
Le fier lion flamand aiguise ses griffes, mais subit un léger recul
« Mauvaise nouvelle : nous avons perdu les élections. Bonne nouvelle : nous restons le plus gros parti, avec la tête bien sur les épaules », a déclaré Bart De Wever (N-VA) à ses militants. Le parti détient 24,83% des voix flamandes. Au Parlement fédéral également, il reste le plus grand parti avec 16,03%.
Le machiavélisme qui sommeille en De Wever a immédiatement surgit. Sans la N-VA, aucun gouvernement flamand ne pourra être formé. De Wever a également constaté avec force qu’il n’y avait jamais eu un tel vote nationaliste flamand, faisant référence au score conjoint de la N-VA et du Vlaams Belang. De Wever a donc également annoncé vouloir s’entretenir avec le Vlaams Belang.
Après quoi, le parti et les militants ont commencé à chanter « ze zullen hem niet temmen, de fiere Vlaamse leeuw » (Ils ne l’apprivoiseront pas, le fier lion flamand). La VRT a décidé de diffuser ce chant flamand-nationaliste pendant quelques minutes, même si un discours de Wouter Beke (CD&V) avait lieu en même temps. À la grande joie de Dries Van Langenhove :
À la télévision nationale, Theo Francken s’est énervé contre les « journalistes de gauche », et comme beaucoup d’entre nous, la présentatrice Martine Tanghe n’a pas pu s’empêcher de lâcher un profond soupir. Peut-être que Francken était un peu vexé car par le passé, il avait déclaré des trucs du style : « L’un des grands avantages de la N-VA, c’est que nous avons réduit l’extrême droite. »
Entre-temps, la démocratie sociale continue d’imploser
Malgré ses cinq années à l’opposition, le PS continue de perdre ses électeurs. Mais le président Di Rupo ne s’est pas laissé abattre. Du côté francophone, il reste le plus grand parti, et c’est l’essentiel pour lui. Le PS semble particulièrement heureux de ne pas laisser Ecolo seul en tête. Di Rupo a immédiatement annoncé qu’il prenait l’initiative de former (et donc de diriger) un gouvernement wallon.
L’internationale
Pas de visages heureux au sp.a. Le parti marque un minimum historique. Ils avaient pourtant procédé à une opération de renouvellement total et à une bonne campagne électorale, mais les électeurs n’ont pas suivi. Les militants du parti se sont laissé dire qu’au Parlement flamand, le parti de gauche était le plus important, ce qui est assez pathétique compte tenu des 10% de votes obtenus. Au parlement fédéral, le parti obtient 8,83% des voix. Le sp.a peut-il encore tomber plus bas ? On ne saura jamais si l’Internationale a été chantée, car la VRT a décidé de ne pas la diffuser en direct.
Sauterie communiste dans un club commercial
À gauche, le parti unitaire PVDA / PTB est l’un des vainqueurs incontestés de ces élections. Le président Peter Mertens a organisé une soirée dans la boîte Ampere à Anvers. C’était maintenant ou jamais pour Mertens. En 2014, il était passé à côté d’un siège au parlement fédéral.
Les résultats dépassent leurs attentes les plus folles. Ils comptaient sur 1 élu au Parlement fédéral, et secrètement sur 1 élu au parlement flamand. Il y en aura 3 au Parlement fédéral et 4 au parlement flamand. Avec Jos D’Haese, le Parlement flamand offre un siège à un jeune de 26 ans.
« La droite a les jetons »
« Les partis de droite ont les jetons », a déclaré le président Peter Mertens, en citant le célèbre député Raoul Hedebouw, à la grande joie des militants. Le PTB de ce même Hedebouw rencontre également un franc succès en Belgique francophone. Avec 10 élus, le parti sera le 4ème en Wallonie. Le parti envoie pas moins de 7 représentants élus au Parlement fédéral.
La vague verte s’est affaiblie
En pleine période de changement climatique, les attentes étaient élevées pour les écologistes. Ecolo est le troisième parti en importance en Wallonie et se débrouille également très bien au Parlement fédéral. Il s’agit pourtant d’une pour Ecolo puisque le parti a obtenu des résultats inférieurs aux attentes.
Si une vague verte était encore perceptible du côté francophone, du côté flamand, il s’agissait à peine d’une petite ridule sur une marre. Le vert n’avance que légèrement. Au Parlement flamand comme à la Chambre, il fluctue toujours autour des 10%.
La soirée électorale a été célébrée conjointement à Bruxelles. Très bon choix car c’est aussi là que les verts affichent leurs meilleurs résultats. Groen est de loin le plus grand parti flamand. Cependant, Ecolo n’a pas réussi à détrôner le PS en tant que plus grand parti, pas même à Bruxelles.
Le centre courageux a le cul entre deux chaises
Les démocrates chrétiens flamands prennent un coup dur. Le parti est tombé à 15% au Parlement flamand, mais obtient encore 8,89% au fédéral. Hilde Crevits, figure de proue de la Flandre occidentale, plus connue sous le doux nom de « onze Hilde », affiche également des résultats inférieurs aux attentes. Le parti avait déployé beaucoup d’efforts dans une campagne présidentielle autour de sa personne en espérant capitaliser sur sa grande popularité, mais ce fut une déception. En entamant son discours, Wouter Beke a fait usage de sa talentueuse rhétorique pour essayer de sauver les meubles : « Je mentirais si je disais que les résultats sont décevants. » Ils sont quoi alors, Wouter ? Catastrophique ?
Les sondages pour le CDH prévoyaient un désastre et leur trajectoire politique ces dernières années était tout sauf irréprochable. Mais le parti a quand même réussi à tenir le coup et semble en être très heureux. Ils ont encore 5 sièges au parlement fédéral, mais ils restent à 11% en Wallonie.
La famille libérale a pris un coup mais reste forte
Le MR aussi avait la frousse . Former un gouvernement avec la N-VA était un gros pari pour eux et les sondages n’étaient pas prometteurs. Le MR, cependant, semble avoir sauvé les meubles. Le Premier ministre Charles Michel, par exemple, perd quelques voix chez lui, dans le Brabant wallon, mais conserve trois sièges pour son parti. Le parti enregistre une perte de 5,3 points pour atteindre 21,4%. Le parti acquière 20 sièges au parlement wallon, soit cinq de moins qu’avant.
L’Open VLD espérait remporter la victoire, mais a enregistré un léger recul. La présidente Gwendolyn Rutte ne voyait au début aucune raison de se réjouir, mais Mme Positivo a remarqué plus tard un point positif : c’est le parti du gouvernement flamand qui recule le moins. Champagne!
Vous avez peut-être manqué ces infos mineures
La droite radicale perd en Wallonie. Alain Destexhe s’est désolidarisé du MR pour mettre en place une « N-VA francophone ». Ça na pas été un succès : 0,63% des voix. Le Parti Populaire de Michael Partrikamen (le Vlaams Belang wallon, si on veut) a perdu son seul membre élu de la Chambre et n’arrive pas jusqu’au au Parlement wallon.
Amoureux des animaux, unissez-vous ! Le parti bilingue « DierAnimal » pour les intérêts des animaux obtient 36 944 voix flamandes, 18 417 wallonnes et encore 47 733 voix au niveau fédéral. Tous ces chiffres représentant moins de 1% des votes. Incroyable : avec ses 1,32%, le parti a quand même remporté un siège au Parlement de Bruxelles.
The bold and the beautiful. L’ex-Miss Belgique Goedele Liekens a bel et bien été élue pour l’Open VLD. Le bourgmestre de Samson, Walter De Donder (CD&V), n’est plus élu à la Chambre. Rik Daems, l’homme à l’origine de la vidéo électorale la plus hilarante de cette campagne, n’y parvient pas non plus. Pas plus que Siegfried Bracke (N-VA), notamment présidente de la Chambre du Parlement fédéral.
Tout pour les citoyens. Le mouvement citoyen Agora est l’une des grandes surprises de Bruxelles. Il a remporté un siège avec 5,18%. Des initiatives citoyennes similaires, telles que Burgerlijst, Coöperatie et Collectif Citoyen, n’ont pas obtenu de siège.
Tot ziens, au revoir. L’Union des francophones (UF), ne siègera plus au Parlement flamand pour la première fois depuis 24 ans. DéFi, le parti qui représente les intérêts des francophones, possède encore 2 sièges au Parlement fédéral.
À quand le nouveau gouvernement ?
Fédéral: clusterfuck complet
Le gouvernement fédéral va être très compliqué. Les Flamands votent à droite, la Belgique francophone à gauche. Comment concilier ces deux tendances en un seul gouvernement ?
Après tout, il n’y a pas beaucoup d’options. La coalition « suédoise » actuelle (N-VA, MR, Open VLD, CD&V) ne peut pas prévaloir, même si elle est complétée par le CDH. La tripartite « classique » (démocrates-chrétiens, socialistes, libéraux) n’atteint pas la majorité.
Mais alors, qu’est-ce qui est possible ?
Un gouvernement avec des démocrates chrétiens, des communistes, des socialistes et des verts est majoritaire. Mais il est fort improbable, vu que le CD&V a opposé son veto à plusieurs reprises au PVDA-PTB. Quoi d’autre ? L’actuelle coalition « suédoise » complétée par le sp.a et le CDH. Association difficile, et, de plus, un siège en surplus. Et puis vous avez la possible coalition « bourguignonne », avec les libéraux, les socialistes et la N-VA. Elle a généré beaucoup de spéculation car il y aurait eu un pré-accord entre la N-VA et le sp.a.
Pour compliquer un peu plus les choses, presque tous les partis ont déjà opposé leur veto. De plus, De Wever menace d’utiliser le gouvernement flamand comme un levier pour le gouvernement fédéral: s’il n’y a pas de majorité du côté flamand pour le gouvernement fédéral, il considère qu’il s’agit d’un « problème politique majeur ».
Comment faire avancer les choses ? Il appartient maintenant au Roi d’inviter les partis pour prendre un café. En raison des contradictions flagrantes dans les résultats entre la Flandre et la Belgique francophone, un nouveau twist communautaire s’annonce également. Épuisant
Bruxelles: Violet-vert fort probable
Bruxelles reste une outsider. Une majorité doit être trouvée dans tous les groupes linguistiques du Parlement bruxellois. Une coalition violet-vert bénéficie d’une large majorité logique tant du côté flamand que du côté francophone.
Wallonie: le PS prend l’initiative, mais le CDH fait pencher la balance
En Wallonie, ça peut encore aller dans beaucoup de directions. Qu’est-ce qu’on a sur la table ? Un gouvernement de centre gauche du PS, Ecolo et CDH est possible. Encore plus à gauche : un gouvernement avec le PTB, Ecolo et le PS. C’est assez improbable, c’est pas le grand amour entre le PS et le PTB. De l’autre côté du spectre : une coalition « jamaïcaine » : MR, CDH et Ecolo, sans les socialistes, obtiennent également une majorité ensemble. Cela revient donc toujours à lire l’avenir dans du marc de café. Ce qui est toutefois frappant : le CDH est au centre et peut faire incliner le gouvernement à gauche ou à droite.
Flandre : la N-VA dirige toujours
Sans la N-VA, il n’ya pas de véritable majorité du côté flamand. Il y a deux options probables. Probablement : poursuite de la « coalition suédoise » avec la N-VA, le CD&V et l’Open VLD. Aussi une option : une coalition « Anvers » ou « Bourgogne » avec la N-VA, le sp.a l’Open VLD. Cependant, cette majorité a un seul siège en surplus.
Qu’en est-il du Vlaams Belang ?
Jusqu’à présent, seule la N-VA a indiqué vouloir traiter avec le Vlaams Belang. Ensemble, le Vlaams Belang et la N-VA n’ont pas la majorité, ils doivent donc trouver un troisième parti. Or, tous les autres partis ont déjà déclaré vouloir maintenir le cordon sanitaire.
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