Des scientifiques ont transformé le dioxyde de carbone rejeté par une centrale électrique islandaise en minéraux. Cette découverte pourrait représenter une étape importante dans les efforts déployés pour contrôler le changement climatique.
« C’est un résultat prometteur », a assuré Ken Caldeira, un climatologue de la Carnegie Institution for Science, qui n’était pas impliqué dans le projet. « Si cela pouvait être réalisé à une large échelle et si les coûts pouvaient être réduits, alors ça pourrait en effet être très prometteur. »
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Le projet a pris place dans la centrale géothermique de Hellisheiði, la plus grande centrale thermique du monde et le fournisseur d’énergie de la ville de Reykjavik, la capitale de l’Islande. En général, les centrales thermiques n’émettent pas autant de gaz à effet de serre, mais la centrale produit environ 5 pour cent des émissions d’une centrale à charbon parce qu’elle puise dans la chaleur volcanique qui émet aussi du dioxyde de carbone.
Cependant, l’activité volcanique produit aussi du basalte, la roche noirâtre que l’on trouve dans les coulées de lave et ailleurs.
Une équipe internationale de scientifiques a découvert que s’ils mélangeaient les émissions de carbone de la station avec de l’eau et injectaient ce mélange dans le basalte, cela devenait de la calcite, un composant du calcaire.
« Nous avons besoin de gérer les émissions de carbone croissantes », a expliqué dans un communiqué de presse de l’Université Columbia Juerg Matter, professeur en géo-ingénierie à l’Université de Southampton, en Grande-Bretagne, et co-auteur d’une étude sur la découverte dans la revue Science. « Ceci représente le stockage permanent ultime — les transformer en pierre. »
Dans des circonstances naturelles, le dioxyde de carbone peut mettre des centaines ou des milliers d’années pour se transformer en minéral. Mais les scientifiques certifient que 95 pour cent des 250 tonnes de dioxyde de carbone qu’ils ont injectées à environ 610 mètres sous le sol sont devenus de la calcite inoffensive en deux ans.
Les scientifiques en Islande assurent que leur procédé coûte environ 30 dollars par tonne, alors que d’autres types de capture et de stockage de dioxyde de carbone coûtent environ 130 dollars par tonne. Les autres méthodes viennent aussi avec le risque de voir le gaz ou le liquide s’infiltrer de nouveau dans l’atmosphère, alors que la méthode élaborée en Islande semble jusqu’ici les rendre inertes.
Il existe cependant deux problèmes.
Le processus nécessite l’utilisation d’une énorme quantité d’eau, environ 25 tonnes pour chaque tonne de dioxyde de carbone. Hellisheiði puise déjà de l’eau chaude sous le sol, elle dispose donc de réserves abondantes. Les autres centrales électriques pourraient ne pas être aussi chanceuses.
Robert Williams — chercheur scientifique principal à l’Andlinger Center for Energy and the Environment, de l’Université de Princeton — a déclaré que les chercheurs en Islande réalisaient des tests pour voir s’ils pourraient utiliser de l’eau salée dans le processus. Ceci rendrait le processus beaucoup plus facile à adopter ailleurs, a-t-il expliqué.
« Les énormes besoins en eau représentent un défi », nous a assuré Williams. « Les applications pourraient être limitées aux endroits où l’eau de l’océan peut être utilisée. »
Ce procédé a aussi besoin de basalte. L’Islande est constituée principalement de basalte. Mais seulement 10 pour cent de la roche terrestre est constituée de cette roche, selon les scientifiques. Le fond de l’océan est cependant largement fait de basalte, donc les centrales électriques pourraient réussir à utiliser l’eau de mer pour injecter le carbone sous le fond marin.
Mais Caldeira a remarqué qu’on ne sait pas avec certitude si les gisements de basalte à travers le monde possèdent des fractures assez grandes pour contenir les minéraux résultant de la solidification des environ 40 milliards de tonnes de dioxyde de carbone que les centrales électriques rejettent dans l’atmosphère tous les ans. Il a aussi questionné le fait de savoir si le mélange de dioxyde de carbone et d’eau pourrait réagir avec le basalte après qu’une injection ininterrompue a rempli une fissure avec de la calcite endurcie.
« Ils ont montré qu’ils étaient capables de stocker un cinquième des émissions de CO2 mondiales émises en une seconde », a déclaré Caldeira. « S’ils maintiennent le processus à un niveau plus élevé, cela continuera-t-il à être efficace ? C’est la grande inconnue. En gros, il faut faire de plus grandes expériences pour déterminer le fait que si vous injectez continuellement ce truc, cela continuera-t-il à réagir. »
Si le basalte accessible peut contenir des quantités énormes de dioxyde de carbone injecté, Caldeira et Williams ont tous deux exprimé des inquiétudes sur le fait de déstabiliser le sol avec des injections d’eau, cela pourrait peut-être causer des tremblements de terre, un problème qui apparaît avec la fracturation hydraulique.
Ce problème et d’autres questions laissent suggérer que les chercheurs en Islande et les autres travaillant sur la transformation solide du dioxyde de carbone ont encore beaucoup de travail.
« Le concept est loin de pouvoir être commercialisé, en grande partie parce qu’il y a peu de recherche et de développement sur le concept », a assuré Williams. « Ce n’est pas quelque chose que nous allons mettre en oeuvre en un an, ou cinq ans. Si et quand nous utiliserons cette technologie de manière commerciale dépend du succès de la recherche et du développement à venir — et seulement s’il y a une politique publique sérieuse mise en place pour répondre au défi du réchauffement climatique. »
Malgré leurs réserves, cependant, Caldeira et Williams ont insisté sur le fait que, si le processus était développé à grande échelle, il pourrait changer la donne.
L’Inde dispose de larges gisements de basalte qui pourraient être un endroit parfait pour stocker le carbone issu des nombreuses centrales à charbon du pays, par exemple, a expliqué Williams. « L’Inde représente potentiellement le principal lieu de mise en application, parce que les possibilités conventionnelles de stockage du CO2 sont limitées là-bas », a-t-il assuré.
Reykjavik Energy, le fournisseur qui possède la centrale thermique, expérimente dorénavant l’injection de 5 000 tonnes du mélange sous la terre.
Cet exemple pourrait convaincre les entreprises de l’énergie d’investir pour perfectionner cette technologie, a affirmé Caldeira.
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