Ça sent la peinture, le ballast et l’adrénaline… Prévue pour la fin 2018, la première saison de la série Trome ressuscite le graff des années 90 : celui qui se pratiquait sur les métros et les RER – en toute clandestinité. Aux manettes : le célèbre graffeur COMER, dont l’autobiographie, Marqué à vie, 30 ans de graffiti « vandal » (édition Da Real), a servi de matrice, et le réalisateur et scénariste Ruddy Laporal, son pote d’enfance. Deux rejetons de la banlieue parisienne qui connaissent le sujet – et le terrain – comme personne.
C’est la première fois en France que l’univers du street art fait l’objet d’une série. Des documentaires nostalgiques, on en a déjà vu des dizaines sur le net. Mais une vraie fiction, avec des personnages bien construits et une intrigue haletante, c’est du jamais vu. Actuellement en tournage, Trome est une immersion dans le quotidien de deux crews de jeunes graffeurs franciliens. « L’action se situe entre 95 et 2000. On a cherché à recréer l’ambiance de l’époque : le rap, la danse, le Djing… », explique Ruddy Laporal. Qui ajoute : « il y a une dizaine de personnages qui ont chacun une histoire, un vécu, un job ou une situation familiale différents. Et ils ne viennent pas tous des quartiers : c’est un mythe de penser que tous les graffeurs sont issus de la rue… ».
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L’univers du graff clandestin, addictif et chronophage, s’y dévoile sans fard : les nuits à roder dans les tunnels de RATP, cherchant à localiser une trappe, notant les horaires des trains ou guettant les rondes des maîtres-chiens, pour gratter quelques minutes de libre et sortir les bombes – avant de se faire courser par les flics. Sans oublier les journées au taf. « C’est ce côté double vie qui est intéressant », précise COMER, qui sait de quoi il parle puisqu’il a tagué son nom sur des centaines de rames de métro, à l’époque. Loin d’une banale histoire d’affrontements entre bandes rivales, à base concours d’ego ou de conflits de générations, Trome fonctionne parce qu’il raconte la vie ordinaire de graffeurs ordinaires. Et qu’il réussit à s’adresser aussi bien aux profanes (qui y découvriront un univers aussi mythique que codifié), qu’aux initiés (qui s’amuseront à y déceler les multiples clins d’œil et références). « Beaucoup de gens vont se reconnaître ! », sourit COMER. « Et d’autres reconnaîtront des tags qui, à l’époque, ont beaucoup tourné sur les rames de métro… ».
Le tout est porté par une ambiance sonore signée DJ SEK, l’un des fondateurs du label Time Bomb. Et clairement, ça sent grave les nineties – ses concerts en full Tacchini, ses histoires de dépouille et ses retours en RER dans les effluves de 8.6. Ultra-réaliste, dans les moindres détails, Trome l’est aussi dans son casting : « on cherchait des gueules cassées, des gueules de l’époque. On a fait beaucoup de castings sauvages pour les trouver », explique Ruddy Laporal, avant de rappeler : « dans Trome, ce sont des noirs, des Arabes et des Asiat’ qui ont les rôles importants. Et ça, ça n’existe pas en France ».
Alors que le tournage de la douzaine d’épisodes de 26 minutes est encore en cours, et que le nom du diffuseur n’est pas encore connu, COMER et Ruddy Laporal s’attellent déjà à l’écriture d’une deuxième saison. « C’est évident, il y a tellement d’histoires à raconter. Nous, ce qu’on veut faire, c’est le Game of Thrones du graff ! ».