Sexe

Un bilan de mon année passée sur des applications de rencontre gays

Après une rupture avec mon copain en 2011, j’ai voulu explorer le monde des rencontres en ligne et découvrir la vie de célibataire à Toronto avant de retrouver une relation sérieuse. Malheureusement pour moi, j’ai vite réalisé que le monde des rencontres gays était régi par des lois bien définies – certaines sont très étranges, d’autres un peu racistes. Les thèmes de l’ethnicité, de l’identité politique et de la masculinité semblaient être très récurrents. Au bout d’un moment, j’ai fini par abandonner et supprimer mes comptes sur tous les sites de rencontre que j’avais fréquentés. J’avais besoin d’une pause. J’étais arrivé au stade où je me sentais affreusement nul, et j’avais besoin d’arrêter les rencontres en ligne.

En 2013, je suis sorti de ma période « anti-rencontres en ligne » et j’ai décidé de me replonger dans cet univers. De temps à autre, j’entendais mes amis parler de tous leurs rendez-vous merveilleux obtenus par le biais des applications Grindr et Scruff. Après un peu de réflexion, j’ai téléchargé ces applications et j’ai commencé à envoyer des messages aux gens.

Cette année a été riche en conversations qui n’ont mené nulle part et en photos de pénis – un vieux couple d’octogénaires s’est aussi mis à m’envoyer des messages en espagnol de manière régulière. Mis à part ça, le nombre de rencontres bizarres ne faisait qu’empirer à chaque fois. En janvier, j’ai finalement supprimé toutes les applications et j’ai renoncé aux rencontres en ligne pour de bon. Mais tout ça n’a pas servi à rien. Voici trois histoires que je n’oublierai jamais.

Videos by VICE

Erreur de légende
L’année dernière, aux environs de Thanksgiving, j’ai reçu un message d’un Irlandais qui séjournait en ville pendant quelques semaines. Je l’ai dragué en lui balançant tout ce que je connaissais de l’Irlande, avant de lui dire que je songeais m’y rendre au printemps 2016. L’atmosphère était sympathique pendant les premiers jours, puis il m’a demandé des photos – que j’étais plus que disposé à partager. Pour commencer, je lui ai envoyé une photo de mon visage, et il m’a envoyé la sienne en retour. C’était un type chauve aux yeux verts, robuste et barbu – tout à fait dans mes critères.

Nous avons parlé pendant une semaine et il a fini par me demander une photo de ma bite. Je lui ai envoyé la plus récente et j’ai attendu qu’il m’envoie quelque chose en retour. Deux heures plus tard, il m’a envoyé une photo de lui avec sa sœur accompagnée de la légende « hot pic. » Je ne savais pas si c’était une erreur ou une blague, mais j’ai décidé de ne pas le prendre au sérieux et de lui envoyer une autre photo de ma bite. Il a ensuite répondu avec une photo de lui souriant avec sa grand-mère, sans s’embarrasser du moindre commentaire.

Deux jours plus tard, il m’a envoyé un message pour savoir ce que je faisais. Je lui ai dit que je profitais de mon jour de repos, avant de lui demander ce qu’il avait prévu pour la journée. Il m’a ensuite envoyé une photo de son anus écarté ruisselant de sperme, une photo de lui et de son chien, puis une photo de lui lors d’un dîner de famille – toujours sans commentaire.

J’ai décidé de rompre toute communication. Je me demande souvent ce que cet anus ruisselant, ce chien et ce dîner de famille pouvaient bien signifier – mais parfois, il est peut-être mieux de croupir dans l’ignorance.

Le « jeu racial »
Un jour, j’ai envoyé un message à un gars après le boulot juste pour voir s’il allait me répondre. Il m’a dit qu’il se rendait à Toronto tous les jours pour le travail et m’a demandé si on pouvait coucher ensemble plus tard dans la soirée. Je lui ai dit qu’on devrait boire quelques bières chez moi, histoire de voir où ça nous mènerait. Il est arrivé vers 22h30 et a fait quelques commentaires étranges sur la bière que nous étions en train de boire, la qualifiant à plusieurs reprises de « bière de hipster ».

Finalement, après six bières de hipster, on a commencé à se caresser. Avant de passer aux choses sérieuses, il m’a arrêté et m’a dit qu’il avait besoin de me dire quelque chose. Il m’a expliqué qu’il avait quelques perversions, mais qu’il ne savait pas trop comment m’en parler. Les gens ont toujours du mal à aborder le thème des fétichismes, mais je lui ai assuré qu’il en fallait beaucoup pour me choquer. Après avoir tourné cinq minutes autour du pot, il m’a honteusement lâché qu’il aimait les « jeux raciaux. »

J’ai ri bêtement et je l’ai regardé de nouveau. À ce moment-là, j’ai réalisé qu’il était sérieux et j’ai respiré profondément. Par curiosité, je lui ai demandé ce qu’impliquaient exactement ces jeux de rôles. J’étais effrayé par la tournure qu’allait prendre la conversation, mais mon cerveau n’arrivait toujours pas à traiter l’information que je venais d’entendre. J’ai déjà fait des trucs étranges, mais je ne comprenais pas ce qui pouvait vraiment l’exciter dans cette pratique. Il m’a demandé si ça m’énervait qu’il soit attiré par ça. Je lui ai répondu par la négative parce que j’étais loin d’être furieux. Après une autre bière, il m’a exposé détails du déroulement d’un « jeu racial ».

Selon lui, une scène de jeu supposerait que je sois dans une cage, en train de m’étouffer avec son pénis et qu’il crache sur moi tout en me traitant de nègre. Il m’a assuré que c’était un fétichisme plutôt répandu, mais que les gens préféraient ne pas en parler. Je l’ai regardé, un peu perplexe. Il a campé sur ses positions, sûr de lui, en disant que c’était une façon acceptable de prendre du plaisir et il ne m’a fallu qu’une minute pour trouver la meilleure manière de lui répondre. Désireux de finir cette interaction sur une note positive, je lui ai dit que bien que je respectais son honnêteté, la pensée d’un homme prenant plaisir à me désigner par des insultes racistes et réalisant des actes sexuels violents était suffisante pour me donner envie de commettre un meurtre.

Quand j’ai dit ça, il ne l’a pas pris au sérieux, mais il a vite compris que c’était dans son propre intérêt de rentrer chez lui. Après son départ, j’ai tapé « jeu racial » sur Google et j’ai trouvé plein de choses bizarres que j’essaie encore d’oublier aujourd’hui. Il y a certaines pensées et images qui subsistent dans notre subconscient et qui influencent les fétichismes que nous avons. Je pense que la plupart des envies sont légitimes, mais si me voir ramasser du coton vous excite, il n’y aura probablement pas de second rendez-vous.

Le concombre fugueur
L’un des premiers types que j’ai rencontrés sur Grindr était un étudiant à l’université qui venait de déménager à Toronto. Pendant notre premier rencard, nous avons bu quelques bières et parlé de Toronto, ce qui me changeait agréablement des traditionnels rendez-vous exclusivement dédiés à la baise. Nous nous sommes immédiatement bien entendus, et j’ai fini par le revoir régulièrement. On se retrouvait pour coucher ensemble environ deux fois par mois. C’était très tranquille, ce qui était parfait vu que je ne cherchais rien de sérieux à l’époque.

Une nuit, il est venu chez moi et m’a appris qu’il avait une copine. Il m’a dit qu’il n’était pas gay et qu’il voyait juste des gars parce que sa copine refusait la sodomie. Tout ça semblait confus et compliqué, donc je lui ai dit qu’on devrait ralentir un peu jusqu’à ce qu’il ait une conversation sérieuse avec sa copine. Ça ne m’aurait pas dérangé qu’ils soient dans une relation ouverte, mais je pense plutôt que leur manque de communication l’avait amené à sortir en douce pour se faire sodomiser par des mecs sans qu’elle ne soit au courant.

Il m’a envoyé un texto à l’improviste trois mois plus tard pour me demander si on pouvait se voir. J’avais quelques doutes, mais j’ai décidé de le laisser venir. Peu après son arrivée, il s’est jeté sur mon entrejambe. Avant que je le laisse aller plus loin, je lui ai demandé où en était sa relation. Il avait soi-disant rompu avec sa copine et baisait exclusivement des gars. Il maintenait qu’il était toujours hétéro, mais qu’il adorait la sodomie et qu’il ne pouvait plus s’en passer.

On a commencé à se tripoter et j’ai fini par le sodomiser. Je ne sais pas si c’était le destin qui me punissait pour avoir laissé le désir m’aveugler, mais au bout de dix minutes, j’ai senti quelque chose d’humide descendre le long de ma jambe. Disons qu’il n’était pas prêt pour du sexe anal et qu’au moment où je me suis arrêté, la preuve de son amateurisme était bien présente dans mon lit.

Quand vous pratiquez la sodomie, il y a toujours une légère possibilité pour qu’il y ait un peu de merde, mais là, c’était un tout autre niveau. Il s’est senti vraiment mal et je ne voulais pas en faire toute une histoire, donc je lui ai dit de prendre une douche et de rentrer chez lui. Je l’ai laissé y aller en premier pour que je puisse jeter les draps et après qu’il ait fini, je suis allé me laver. Quand je suis sorti de la douche, ce que je l’ai vu faire apportait un tout autre sens à la phrase « par tous les moyens nécessaires. » Je suis resté silencieusement près de la porte à l’observer alors qu’il commençait à s’accroupir sur un concombre provenant de mon frigo. Il se masturbait et respirait péniblement à mesure qu’il essayait de faire entrer le concombre entier dans son anus.

Après une minute ou deux, j’ai volontairement claqué la porte de la salle de bain et il a pris peur en me voyant. Il savait que j’étais énervé et a essayé d’éviter tout contact visuel. Je lui ai demandé ce qu’il faisait encore tout nu, ce qui a eu l’effet de le faire bégayer alors qu’il tentait d’inventer une bonne excuse. J’ai arraché le concombre de ses mains et je lui ai demandé de remettre ses vêtements pendant que je finissais de m’habiller dans la salle de bain.

Après nous êtres habillés tous les deux, je l’ai accompagné jusqu’à la porte de mon appartement et lui ai dit qu’il ne devrait plus me recontacter. Je ne voulais pas être un enfoiré, mais entre son premier mensonge et les draps que j’avais dû jeter, j’ai senti que l’univers essayait de me dire qu’il fallait que tout ça s’arrête.

Pour empirer les choses, quand je suis retourné à l’intérieur de la maison, j’ai vérifié le frigo et le putain de concombre avait disparu. Il me manquait un ingrédient pour mon prochain déjeuner – ce qui n’était sans doute pas plus mal, finalement. J’ai commandé un nouveau lit et je suis allé faire les courses le lendemain. Message reçu – merci l’univers !

Illustrations : Claire Mildbrath