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Un bref historique de l’obsession de The Weeknd pour le cinéma d’horreur

Les films d’horreur ont, depuis le départ, été une des influences majeures de The Weeknd. Sur House of Balloons, sa première mixtape en 2011, on trouvait de nombreuses références aux Griffes de la Nuit et Abel Tesfaye n’a jamais caché l’influence que le cinéma d’horreur et de science fiction ont eu sur lui, citant régulièrement des cinéastes comme John Carpenter, David Cronenberg ou Ridley Scott, à qui il a emprunté de nombreux gimmicks, que l’on retrouve tout au long de sa discographie, de « Starboy » à « The Zone ».

C’est particulièrement visible sur sa chaîne Vevo, qui présente plusieurs court-métrages explorant une grande variété d’ambiances et de concepts (« The False Alarm » vaut à lui tout seul les 3 volets de American Nightmare). Des vidéos dans lesquelles il nourrit une obsession évidente pour l’auto-destruction : inhumations, accidents de voiture, suicides et asphyxie, sont mis en scène de manière particulièrement macabre et angoissante. Comme il le dit lui-même : « Généralement, je n’aime pas donner toutes les clés à mon public parce que j’ai grandi en adulant des gens qui racontaient des histoires en ayant recours au symbolisme, c’est donc dans ma nature de faire pareil ». On a profité de la sortie de « M A N I A », 12 minutes qui synthétisent à la perfection Starboy, le nouvel album de The Weeknd, pour revenir sur son obsession pour l’horreur à travers six de ses clips.

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« Wicked Games »

Sur sa première tape, The Weeknd créait une mythologie à la fois mystérieuse et flippante autour de son personnage et de sa musique. De toutes ses vidéos, « Wicked Games » est évidemment la plus liée au cinéma d’horreur, du moins en termes de clins d’oeil et de références. La meuf légèrement vêtue du clip porte une veste rappelant celle de Tippi Hedren dans Les Oiseaux d’Hitchcock, et une coiffure inspirée du rôle désespérément romantique de Gary Oldman dans le Dracula de Coppola.

L’utilisation du clair-obscur est comme on le sait l’apanage du cinéma expressionniste allemand des années 20, et le passage à 1:06 renvoie directement à Nosferatu de F.W. Murnau. Le plan du visage de Tesfaye entre les phares du 4×4 (avec cette basse ronflante) renvoie, lui, à la célèbre voiture hantée de John Carpenter, Christine, tandis que la zone industrielle déserte qui l’entoure ressemble étrangement à celle qui sert de décor au climax de Robocop. Ok, Robocop n’est techniquement pas un film d’horreur. Même si l’idée d’un flic robotisé qui se met à buter tout le monde sur son passage a de quoi faire franchement flipper.

« The Zone »

D’entrée de jeu, on voit ces yeux qui nous fixent et c’est l’angoisse. Ici, la référence la plus évidente est la scène d’introduction du remake de La Félineréalisé par Paul Shrader en 1982, où une femme fait l’amour à une panthère, avant que le fondu ne laisse apparaître la fille de cette femme, des années plus tard, et qu’en fond sonore, David Bowie chante qu’il va allumer un feu avec du gasoil. Putain d’époque, quand même.

« Twenty Eight »

La vidéo de « Twenty Eight » débute par une mise en garde à destination des spectateurs : attention, vous allez voir des images choc. Le clip s’ouvre ensuite sur un des lieux communs les plus identifiables de l’histoire du cinéma d’horreur : le couloir lugubre. De Rosemary’s Baby à Halloween, de Suspiria à Freddy, en passant évidemment par Shining (dont l’influence plane sur l’ensemble de la vidéo), ça reste un classique immuable.

La séquence de l’interview, point central de la vidéo, rappelle Videodrome de David Cronenberg, avec tous ces écrans qui diffusent la même image de Tesfaye encore et encore. Le reflet d’une femme fantomatique à travers un écran de télévision évoque, lui, le Poltergeist de Tobe Hopper, sans parler de Samara, traversant l’écran d’une télé pour ramper jusqu’à nos pieds dans le chef d’oeuvre du cinéma horrifique japonais, Ring.

Bien sûr, il est impossible de voir des meufs aux seins nus dansant sous les lumières d’un stroboscope sans penser, une fois de plus, à David Lynch. À commencer par la séquence du Bang Bang bar dans Twin Peaks. Et dans le même registre arty, les rues désertes sont quasi les mêmes que dans le Eyes Wide Shut de Kubrick.

« Can’t Feel My Face »

Le clip qui accompagnait le méga-single de 2015, tiré de l’album Beauty Behind the Madness, fidèle aux ambiances glauques qu’affectionne le Canadien, enchaînait à nouveau les clins d’oeil délibérés aux classiques. Quand The Weeknd s’approche du micro au début, on pense immédiatement à la fameuse scène du « Club Silencio » dans Mulholland Drive de Lynch. La scène du bal de fin d’année nous renvoie directement au Carrie de Brian De Palma, et même la séquence où Tesfaye danse en feu, peut être perçue comme une référence à Ghost Rider, le héros le plus sinistre mais aussi le plus badass des comics Marvel.


« Tell Your Friends »

« Tell Your Friends » se déroule dans un décor désertique qui n’est pas sans rappeler celui de films tels que Near Dark, La Colline a des yeux, Tremors ou encore Jeepers Creepers. L’idée centrale de l’histoire (enterrer une personne vivante) renvoie pêle-mêle à Buried, Kill Bill 2, et Casino. Ou encore au classique hollandais The Vanishing, et au pas-si-classique segment de l’anthologie Creepshow signée George Romero/Stephen King, où Leslie Nielsen enterre sa femme et son amant (Ted Danson) à même la plage.

Et le mec pâle qui zone dans la vidéo ne ressemble-t-il pas à un des vampires de Blade ? Et cette fin avec la route de nuit et la ligne jaune éclairée par les phares, ce ne serait pas celle de Lost Highway de qui-vous-savez ? Évidemment que si.

« Starboy »


Le morceau « Starboy »—en particulier cette intro hurlante—rappelle la bande originale menaçante de Wendy Carlos pour Orange Mécanique. La vidéo elle, renvoie plutôt au giallo des années 70 et 80, que ce soit ceux de Dario Argento ou de ses compères transalpins. The Weeknd coche toutes les cases du genre : le tueur ganté, le cuir noir, le félin noir—auquel Lucio Fulci a dédié un film entier en 1981, The Black Cat. Il y a aussi la case « victime étouffée avec un sac en plastique », scène-clé d’un autre film félin de 1973, Sexy Cat.

Et, on va s’arrêter là, mais les pas de danse de Tesfaye dans un appartement bien trop propre et bien trop vide ne vosu rappellent personne ? Si, ce bon vieux Patrick Bateman dans American Psycho, évidemment.



John Semley est tellement obsédé par les films d’horreurs qu’il donne des conférences sur le sujet. Il est aussi sur Twitter.