Les relations à distance, ça fait sévèrement ramasser. Autant vous le dire de suite : si votre meuf n’habite pas dans un rayon de moins de 50 kilomètres autour de chez vous, votre couple risque certainement de sombrer. Bien sûr, il y a Skype. Mais cet outil est fondamentalement incapable de reproduire les deux choses les plus importantes dans la vie de couple : la tendresse, et surtout le sexe. OK, je vous vois venir, bande de petits malins, il y a toujours ce plan de se toucher chacun devant sa webcam, alias le Skype-Sex, mais ce truc de devoir bander devant son MacBook vous fera sentir encore plus sale et coupable qu’après vous être masturbé devant Asian Trannies 8.
Sauf que récemment, des chercheurs à Singapour ont décidé de s’intéresser à la question et ont fini par créer une nouvelle discipline scientifique pour aider les couples en détresse, la Lovotique, un mélange de « Love » et de robotique. Ils sont actuellement en train de finir de mettre au point le Kissenger, un robot qui pourrait vous permettre d’embrasser votre bien-aimé/e, qu’il/elle se trouve à deux rues de chez vous ou à l’autre bout du monde. J’ai interviewé le responsable de ce laboratoire, Hooman Samani. Ce scientifique au service de l’amour vrai a bien voulu répondre à mes questions, via Skype évidemment.
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VICE : Comment avez-vous commencé à étudier la Lovotique ?
Hooman Samani : J’ai remarqué qu’en dépit des outils dont nous disposons, les gens avaient de plus en plus de mal à communiquer entre eux. J’ai donc décidé de fabriquer des robots qui pourraient faciliter les rapports entre êtres humains, et vers 2006, j’ai commencé à mettre en place le concept de Lovotique.
C’est quoi exactement le Kissenger ?
Le Kissenger est une application directe de la Lovotique. J’ai travaillé avec beaucoup de personnes venant d’horizons différents : des designers, des chercheurs ou même des particuliers. Le Kissenger est le résultat de cette collaboration, de gens qui veulent créer des robots capables de connecter émotionnellement les gens. Ici, nous étudions l’épineuse question du baiser.
Comment l’idée du Kissenger vous est-elle venue ?
Avec l’équipe, nous discutons régulièrement des applications de la Lovotique, et le baiser est une application possible. Je veux être utile à la société. Vous savez, je reçois tous les jours des mails de personnes qui vivent une relation à distance, qui ressentent le manque de l’être aimé. Ils me demandent où trouver le Kissenger, combien ça coûte, et insistent pour me l’acheter même quand je leur réponds qu’il n’est pas encore en vente.
J’ai entendu dire que sa sortie avait été retardée pour des « raisons éthiques ».
Le baiser est une action très personnelle et intime, et le Kissenger pourrait aussi bien résoudre des problèmes de couple qu’en créer. Je travaille actuellement avec des spécialistes en sociologie et en sciences humaines pour essayer de résoudre le problème. Je suis chercheur, pas homme d’affaires. Je veux m’assurer que mon invention n’occasionne pas de problèmes éthiques avant qu’elle ne se retrouve sur le marché. Pour l’instant, ce n’est pas encore prêt.
Ouais, d’ailleurs, en parlant d’éthique, est-ce que Kissenger c’est tromper ?
Est-ce que le Skype-sex, c’est tromper ? J’en ai justement débattu avec mes collègues. Laissez-moi vous raconter une petite expérience : j’avais demandé à deux de mes étudiants, qui sont en couple, de faire une démonstration pour le Kissenger. Sauf que le jour même, le garçon n’a pas pu venir. J’ai demandé à un autre de mes étudiants de le remplacer, et c’était assez drôle et intéressant à la fois de voir que tous les deux étaient très gênés d’utiliser le Kissenger, même s’ils ne s’embrassaient pas pour de vrai. Finalement, ils n’ont fait que s’embrasser sur la joue.
Pourquoi avoir donné au Kissenger un look kawaï en forme de petit lapin ? Personnellement, c’est plutôt le genre de truc que j’offrirais à ma petite sœur, pas à ma copine.
On lui a donné un look typiquement asiatique. L’esthétique des robots est complètement différente en Asie, en Europe ou aux États-Unis. Chez nous en Asie, les robots kawaï sont rentrés dans les mœurs. Cela dit, cette mode s’est exportée au-delà de l’Asie : c’est assez drôle de voir des grosses anglaises s’habiller tout en rose bonbon, par exemple. C’est l’un des effets pervers de la mondialisation.
Personnellement, j’ai pas vraiment envie d’emballer une espèce de lapin chelou en silicone. Vous allez modifier son design pour le marché occidental ?
Nous menons en ce moment même des études sur le problème culturel. Laissez-moi vous donner un exemple : la vidéo de la première version du Kissenger a été vue plus de 500 000 fois sur YouTube, mais le nombre de likes ou de dislikes varie beaucoup en fonction des pays. Mais on peut déterminer des tendances, et c’est ce sur quoi on est en train de travailler.
Est-ce qu’on pourrait adapter le Kissenger aux « Dating Games » japonais ? Genre comme la guitare de Guitar Hero, mais pour embrasser des meufs virtuelles. Ou carrément créer des robots qui pourraient remplacer une copine ?
Sûrement. Personnellement, je trouve ça assez malsain. Je crois plus aux histoires d’amour entre êtres humains qu’entre humains et robots. Mais bon, ce genre de jeux vidéo existent, et ils sont assez populaires chez les geeks solitaires en Asie. J’espère qu’au contraire, mon invention servira à améliorer les relations entre humains, pas à nous isoler seuls dans notre chambre. Dans le métro de Singapour, 90 % des gens sont sur leur smartphone en permanence, mais plus personne ne se parle.
Sinon, vous êtes quand même conscient qu’avec le Kissenger, vous avez en même temps inventé le Cunni-messenger ?
Ahahah. Évidemment, on y a tous pensé. Le baiser et l’amour sont intimement liés aux besoins sexuels, c’est assez naturel de penser à ce genre d’utilisation du Kissenger. Après, ce n’est pas mon sujet d’études. Mais la Lovotique n’en est qu’à ses débuts, il reste une infinité de voies à explorer. Qui sait, on inventera peut-être des vagins et godemichés USB pour s’envoyer en l’air à distance.
Vous me tenez au courant, hein.