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Un Français fabrique du pinard au CBD pour faire comme les Gaulois

Vin CBD

Lors de fouilles réalisées en 2015 du côté de Cébazat, dans le Puy-de-Dôme, l’archéologue Hervé Delhoofs est tombé sur une sépulture un peu particulière, datant du IIe siècle avant JC. Ici, à quelques encablures de la capitale des Arvernes (un des principaux peuples de la Gaule), un ou une Gauloise d’une trentaine d’années avait été enterrée, avec à ses côtés une offrande funéraire de vin. Jusque là, rien d’inhabituel. 

Mais trois ans plus tard, Nicolas Garnier, scientifique en archéologie, s’aperçoit que le vase posé à côté du ou de la défunte présente des traces de cannabis. « Ces fragments végétaux ont pu être ajoutés au vin, tout comme la résine, pour l’aromatiser et lui donner un effet psychotrope », expliquait alors le spécialiste au Parisien. Matthieu Poux, professeur d’archéologie et spécialiste du vin antique, est lui interrogé par Sciences et Avenir, chez qui il indique ne pas être bien surpris par la découverte.

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À l’époque, le vin avait rapidement tendance à tourner au vinaigre, pour pouvoir le boire on y ajoutait souvent du plâtre, de l’eau de mer ou des herbes comme ici, en l’occurence du chanvre. « La recherche de l’effet psychotrope n’est pas prouvée par la seule présence de cette plante », complète Matthieu Poux. « Après, le chanvre, ce n’est pas innocent et peut-être que dans ce cas, les Gaulois recherchaient ces effets-là. »

Quand l’article de Sciences et Avenir sort, en avril 2018, le Français Raphael De Pablo travaille lui de l’autre côté de l’Atlantique, au Canada, dans l’industrie du cannabis thérapeutique. Très intrigué, il contacte rapidement un de ses amis oenologue pour discuter de cette drôle de découverte, et se met en tête de s’associer à lui pour faire comme les Gaulois et se lancer dans le vin au cannabis. Une idée déjà développée notamment aux États-Unis et en Espagne, mais pas encore avec du vin français.

Deux ans après la découverte du papier de Sciences et Avenir et plus de deux millénaires après les Gaulois, De Pablo a enfin mis en bouteille en ce début d’année son premier élixir aromatisé au cannabis. Avec du vin de Bordeaux et du CBD. Pour arriver à la recette, sur laquelle De Pablo ne souhaite pas s’étendre avant d’avoir déposé son brevet, son ami oenologue, surnommé « Papi » dans le milieu, teste des multitudes de combinaisons. « C’était très compliqué de trouver un mélange entre les terpènes [les molécules du goût] du vin et les terpènes du cannabis, qui prenaient souvent le dessus », détaille De Pablo, qui gère aussi un champ de chanvre bio en Gironde. 

Pour trouver ce drôle d’équilibre, plus compliqué à maitriser qu’un simple accord mets-vin, « Papi » et De Pablo achètent un stock de vin et tentent des mélanges. Puis « Papi » finit par se tourner vers le petit verdot, un cépage rouge historique du bordelais, qui entre dans l’assemblage de plusieurs grands crus. « C’est ce qui apporte le côté fruité et puissant du vin », embraye De Pablo, pas mécontent de sa trouvaille, qu’il a fait tester à des vieux briscards de l’oenologie, comme Michel Rolland, qui « le goûte plutôt bien ».

Ce mono-cépage est alors baptisé « Burdi W » – pour Burdigala Wine ou Weed, c’est selon. Mais sur l’étiquette, pas de mention de vin, puisque le produit a été modifié, ce sera donc « boisson aromatisée ». « On prend notre vin chez un fournisseur, puis on travaille notre matière dans nos locaux », résume De Pablo, qui explique que le chanvre se récolte courant septembre – à l’heure des vendanges donc. Si le vignoble chez qui se fournissent De Pablo et « Papi » est au courant que son vin se retrouve mêlé avec du CBD, impossible de connaître son nom, le milieu n’étant pas spécialement friand des expérimentations de ce genre. 

Et en plus des convoitises et autres coups de pression du milieu du vin, De Pablo doit aussi composer avec quelques « pieds-nickelés » du coin qui lui ont volé une grosse partie (1 800 pieds) de sa récolte de chanvre, pensant dérober du cannabis avec un taux de THC classique. « Les mecs ont tiré en l’air avec un fusil à balle en caoutchouc, ils ont aussi mis le feu à une voiture », rembobine De Pablo. « Ils sont venus trois fois, ils ont stocké ça en tas chez eux, du coup toute la matière était perdue », râle le canna-viticole, qui a récemment gagné son procès face à ces voleurs pas très bien renseignés. « Depuis, on a changé d’adresse. » Espérons que De Pablo mette en lieu sûr ses quelques 5 000 bouteilles qui partent en ce moment en production (pour répondre à la demande exponentielle), vu la récente recrudescence des vols de caves à vin dans l’Hexagone. 

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