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Un game designer a écrit son autobiographie à partir d’un mod de Doom II

Un cadavre ambulant, une goule de feu repoussante, une araignée-démon cybernétique, une tête de développeur empalée sur une pique, voilà des choses que l’on s’attend à rencontrer dans Doom II, sorti en 1994. C’est probablement l’un des jeux vidéo les plus importants de l’histoire, et un jeu-univers en soi. Il est moins probable d’y croiser, en revanche, un BMX roulant paisiblement en banlieue, une station essence, ou une partie de Doom II tournant sur un ordinateur de bureau lui-même créé dans Doom II, telle une infernale mise en abyme. Pourtant, ce sont là les éléments que JP LeBreton a choisi afin de raconter sa vie sous forme d’autobiographie.

Depuis sa sortie au début des années 90, et surtout qu’il est open source, Doom est devenu l’un des jeux les plus moddés au monde. La plupart des mods permettent de créer des variations de l’expérience du jeu, ou fournissent des cartes personnalisées ; les expériences littéraires articulées autour de l’autobiographie ou de l’essai, quant à elles sont de plus en plus à la mode. On peut citer le Cibele de Nina Freeman, That Dragon Cancer de Ryan Green ou encore The Beginner’s Guide de Davey Wreden. Mais même si les mods consacrés à la narration et à l’abstraction ne sont pas rares, le projet de LeBreton, Autobiographical Architecture, a retenu notre attention de par son raffinement.

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Les scènes de la série Doom se mélangent aux environnements et aux souvenirs de la vie de LeBreton, afin de les nourrir et d’illustrer très littéralement ce que peut être l’existence d’un level designer. Derrière chaque porte coulissante, on trouve aléatoirement un tableau émouvant de son enfance, une rue dans laquelle il a vécu, ou un Cacodémon répugnant.

« Doom m’a marqué durablement. Le jeu est réapparu à plusieurs moments de ma vie, dans des villes différentes, des situations différentes, avec des gens différents. »

LeBreton m’a expliqué que les idées qui ont préludé à Autobiographical Architecture lui sont venues quand il a réalisé l’importance de Doom dans sa vie ; ce lien étroit l’encourageait à parler de lui avec d’autant moins de gêne que le jeu constituait à ses yeux un environnement familier. Après avoir travaillé chez Double Fine et Irrational, il conçoit actuellement des jeux indépendants. Sa relation avec Doom imprègne même son activité professionnelle, puisqu’en 2010, il a revisité un niveau qu’il avait conçu pour Bioshock à l’aide d’un mod Doom II.

« La simplicité du moteur de Doom et son côté lo-fi constituent des contraintes parfaites pour un créateur comme moi, » explique LeBreton. « Avec ce paradigme-ci en matière de level design, je peux construire un environnement donné en une fraction du temps requis pour créer le même environnement avec un moteur récent. La renaissance du pixel art de ces 2-10 dernières années montre que les gens sont toujours capables d’accoucher de choses formidables avec très peu de moyens. Les mods ont transformé Doom en une sorte d’œuvre ouverte et participative, plus que tout autre jeu des années 1990. Le jeu a changé avec moi, il a changé avec nous, nous a accompagnés, d’une certaine manière, » ajoute-t-il.

Doom a tellement donné à JP LeBreton qu’il a décidé d’écrire ses mémoires par son intermédiaire. Le premier volume de son autobiographie sortira à la fin de l’année, et racontera son enfance au Texas. Les volumes suivants seront consacrés à l’âge adulte, et à des périodes de sa vie plus difficiles.