Un monarchiste nous explique pourquoi il aime tant la monarchie

Julie Payette, la deuxième femme canadienne à s’être envolée dans l’espace, a été installée comme la 29e gouverneure générale du Canada il y a quelques semaines. Elle devient ainsi la représentante officielle de la reine Élisabeth II au pays, et donc la chef d’État de facto.

La monarchie ne fait cependant pas l’unanimité au Canada. Selon un sondage mené en 2016, à l’occasion du 90e anniversaire de la reine, 64 % des Canadiens tripent sur la famille royale. Au Québec, elle recueille seulement 42 % d’appuis.

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Karim Al-Dahdah, 35 ans, un designer graphique d’origine libanaise, se compte parmi ses les plus ardents défenseurs de la monarchie. Il est le responsable de la section Montréal de la Ligue monarchiste du Canada, une organisation convaincue que la gouverneure générale, et la reine, demeurent pertinentes en 2017. On lui a demandé de nous expliquer en quoi la gouverneure générale sert à plus que des séances de poignées de main devant les caméras et des réceptions pompeuses.

VICE: Beaucoup trouvent que le système monarchique est anachronique et qu’il n’a plus sa place au 21 e siècle. Pourquoi la reine Élisabeth II devrait demeurer notre chef, selon vous?
La monarchie est importante parce que c’est un système apolitique, hérité et non élu, qui rassemble et inspire. Je trouve que c’est une très bonne chose d’avoir une personne qui, depuis sa plus tendre enfance, a été éduquée et élevée dans l’amour de ses compatriotes. Il n’y a absolument aucune ambition politique derrière ça. Un monarque est en poste à vie et ne cherche pas à magouiller, faire des contacts ou prendre des décisions uniquement dans le but de se faire réélire. Il est uniquement là pour servir son peuple.

Nous remarquons aujourd’hui que plusieurs des sociétés les plus prospères et les plus démocratiques sont des monarchies : le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Suède, la Norvège, le Danemark, le Japon, etc.

Concrètement, ça sert à quoi une gouverneure générale, au 21 e siècle?
Elle a d’abord un rôle constitutionnel. Par exemple, elle nomme le premier ministre après une élection, elle lit les discours du trône et elle donne la sanction royale aux projets de loi pour qu’ils deviennent réalité. C’est une figure symbolique, elle va intervenir très rarement dans la politique canadienne. Mais, dans des cas très rares, la gouverneure générale peut utiliser ses prérogatives royales pour dissoudre un parlement et appeler à de nouvelles élections.

Elle a ensuite un rôle honorifique. Elle représente le Canada partout dans le monde et accueille les chefs d’État étrangers, en plus de s’occuper de la remise des médailles et des distinctions honorifiques.

On a l’impression que son mandat n’est pas de décider, mais plutôt de simplement donner une approbation formelle aux décisions prises par le gouvernement et le Parlement. Ce ne serait pas plus simple de sauter cette étape?
Tout l’intérêt réside dans la séparation entre le poste de chef d’État et chef de gouvernement. La gouverneure générale est une figure neutre, au-dessus de la politique, dont le but est de représenter tous les Canadiens. Le premier ministre, qui est le chef de gouvernement, représente plutôt son parti et va s’occuper de gérer le pays et de contrôler l’agenda politique. Il est souvent source de division dans le pays, alors que la gouverneure générale rassemble.

La gouverneure générale peut dissoudre un Parlement, demander aux partis d’opposition de former le gouvernement et même opposer son veto sur des lois adoptées par le Parlement. Ce n’est pas dangereux d’accorder tous ces pouvoirs à une personne qui n’est pas élue?
En théorie, oui, mais il y a très peu d’antécédents. Au cours du dernier siècle, il n’y a jamais eu de situation où une gouverneure générale a dit non à une loi. Et, jusqu’à maintenant, les prérogatives utilisées par les gouverneures générales ont été utilisées pour résoudre des crises et non pas en créer.

En fait, il est comme un garde-fou, un rempart contre une loi jugée non démocratique. C’est un grand avantage qu’on a ici, d’avoir cette protection contre les dérives d’un gouvernement qui pourrait avoir des instincts autoritaires, comme ce que l’on voit présentement chez nos voisins du sud. On n’aura jamais ce genre de situation au Canada.

La gouverneure a également le titre de commandante en chef des Forces armées canadiennes. C’est sérieux ça? Ce n’est pourtant pas elle qui prend les décisions militaires…
C’est effectivement très rare qu’une gouverneure générale s’oppose à une décision militaire prise par un gouvernement. Il n’y a pas de précédent et cela constituerait probablement une crise constitutionnelle. Ceci étant dit, tout est dans la symbolique. La loyauté des militaires est envers la Couronne, et non envers le parti politique au pouvoir. On sait que dans plusieurs pays non démocratiques, l’armée est entièrement entre les mains de l’exécutif et doit obéir aux ordres du gouvernement. Ce n’est pas le cas chez nous. C’est une différence symbolique, mais c’est très important.

Pourquoi les symboles sont si importants?
Les gens se retrouvent dans les symboles, ils sont source d’unité, c’est très important pour une nation. La monarchie perpétue des traditions importantes pour l’identité du pays. Le serment d’allégeance à la reine, les effigies sur les pièces de monnaie, les armoiries royales… cela fait partie de notre patrimoine.

Vous avez grandi au Liban, loin des symboles de la royauté britannique, et résidez au Canada depuis seulement quelques années. D’où vient votre passion pour la monarchie?
Je suis monarchiste parce que je crois dans l’institution monarchique, comme d’autres seraient socialistes, communistes. Le système monarchique est une bonne forme de gouvernement, et moi j’y crois vraiment.

Donc, ce n’est pas parce que vous êtes passionné par les mariages somptueux et les dernières photos des enfants de Kate et William dans les tabloïds?

Ah non, pas du tout. Nous, les membres de la Ligue monarchiste du Canada, tenons justement à clarifier ce point. Nous ne sommes pas des fans de magazines people, nous sommes là vraiment pour l’institution en elle-même et pour les traditions aussi.