Les vestiges de mon premier amour, en dehors d’un tas de billets de train – évitez les relations à distance, elles sont vouées à l’échec –, se trouvent dans un carton couvert de poussière au fond d’un placard chez mes parents. Comme mon appartement parisien ne peut malheureusement pas stocker la multitude de souvenirs inutiles que je n’ose pas jeter et que j’ai une mémoire pourrie, j’ai oublié l’existence de ce carton jusqu’à ce que je tombe sur un article annonçant l’ouverture d’une antenne du Museum of Broken Relationships à Los Angeles en mai prochain.
En voyant les « oeuvres » accumulées par ce musée originellement implanté à Zagreb, en Croatie, j’ai repensé aux différents cadeaux que m’avait offert mon ex. Deux me sont revenus en mémoire : un clavier et une paire de pantoufles en forme de vache. Si la passion pour le piano m’a un peu passé et que je laisse dormir ce présent chez mes parents en attendant de retrouver un semblant d’inspiration musicale ; je me demande ce qui m’a poussée à conserver le deuxième. Me balader avec des têtes bovines aux pieds, aussi douces et confortables soient-elles, a finalement été une blague d’assez courte durée.
Videos by VICE
Le pyschanalyste Patrick Avrane dit « Quand l’objet prend une grande valeur, devient un véritable fétiche au sens clinique du terme, c’est à dire quand il se met à remplacer l’être aimé disparu, je pense qu’à ce moment là on ne peut pas le donner. » Je ne sais pas trop si ces pantoufles ont acquis le statut de fétiche un jour à mes yeux, mais toujours est-il qu’il ne semble pas toujours être aisé d’envoyer à la décharge les reliquats d’un amour passé. Et au vu des milliers d’objets délaissés qu’a reçu le Museum of Broken Relationships, je ne suis pas apparemment pas la seule.
Le but de ce musée un peu étrange : recueillir les objets liés à une relation – amicale, amoureuse – et « offrir une chance de surmonter l’effondrement émotionnel par un acte créatif », selon les propres termes des instigateurs, Olinka Vištica et Dražen Grubišić, deux Croates réunis autrefois comme couple et qui ont eu l’idée de ce musée au moment de leur séparation. Surpris par le succès de leur entreprise (elle a même inspiré une chanson), ils l’ont, depuis 2006, fait voyager dans de nombreux pays – dont une étape à Paris en 2012, sous le titre « Musée des coeurs brisés » au Centquatre.
Olinka et Dražen voient leur collection comme « l’histoire émotionnelle de l’humanité ». Plutôt que d’insister sur le caractère négatif de la séparation, ils y voient une forme de catharsis. « Le bonheur donne lieu à de nombreux événements sociaux. Dans la séparation, on est toujours seul », explique Olinka Vištica au Monde. « C’est facile de décider pour des chaînes stéréo ou des télévisions », ajoute Dražen pour The Guardian, « mais quid de ces présents ? »
En constante expansion, le Museum of Broken Relationships prévoit donc de s’implanter aussi outre-Atlantique, sur Hollywood Boulevard à Los Angeles. Un appel à contributions est lancé. Vous aussi pouvez donc saisir l’opportunité de vous débarrasser de ce vieil ours en peluche offert par votre petit copain du collège et qui squatte toujours votre lit, de cette boîte remplie à ras bord des diatribes enflammées et ringardes de votre plan cul de la fac, ou du nain de jardin symbolisant l’harmonie défunte de votre emménagement dans une villa pavillonnaire des faubourgs de Perpignan.
Et parce qu’apparemment, certains ont une notion géniale ou carrément flippante d’un cadeau romantique, voici une petite compilation des meilleurs dons du Museum of Broken Relationships.
Une hache d’ex (1995, Allemagne)
« Elle a été la première femme avec qui j’ai accepté d’emménager. Tous mes amis pensaient que je devais apprendre à accepter les gens. Quelques mois après son emménagement, on m’a proposé un voyage aux États-Unis. Elle ne pouvait pas m’accompagner. À l’aéroport, nous nous sommes dit au revoir dans les larmes, elle m’assurait ne pas pouvoir survivre sans me voir pendant trois semaines. Je suis rentré(e) trois semaines plus tard et elle m’a dit : “Je suis tombée amoureuse de quelqu’un d’autre. Je ne la connais que depuis quatre jours mais je sens qu’elle peut me donner tout ce que toi tu n’as pas. J’ai montré de l’indifférence et je lui ai demandé ce qu’elle comptait faire pour nous deux. Le lendemain, je n’avais toujours pas de réponse, donc je l’ai virée de chez moi. Elle est immédiatement partie en vacances avec sa nouvelle copine pendant que ses affaires restaient chez moi. Ne sachant pas quoi faire de ma colère, j’ai finalement acheté cette hache à Casto pour décompresser et lui donner un petit sentiment de perte – ce qu’elle n’a apparemment pas ressenti après notre rupture. Durant les 14 de son voyage, j’ai cassé un meuble par jour. J’ai gardé les débris, pour exprimer mon sentiment. Plus sa chambre était remplie de mobilier fracassé, mieux je me sentais. C’était soigneusement arrangé en petit tas et en fragments de bois. Elle a pris ces débris et a quitté mon appartement pour de bon. Cette hache a été promue instrument thérapeutique. »
Un gel toilette intime pour hommes (1995-1996, Croatie)
« Après notre séparation, ma mère l’utilisait pour laver les vitres. Elle proclamait qu’il marchait à merveille. »
Des sachets à vomi pour l’avion (2004-2006, Croatie)
« Une sélection de sachets pour le mal de l’air en souvenir d’une relation à longue distance. Un de Croatia Airlines, un de Lufthansa, un de Hapag Lloyd Express et trois de GermanWings. Je pense que j’ai encore les explications de sécurité aussi, montrant quoi faire si l’avion s’écrase. Je n’ai jamais trouvé d’instructions pour quoi faire lorsqu’une relation explose, mais au moins j’ai ces sachets. »
Un calendrier fait-main (3 ans, Slovénie)
« Au début de notre relation, mon ex-copine déchirait tous mes posters du mur pendant nos ébats, ce qui était un peu difficile à digérer. Ce calendrier était sans doute un moyen de réparer les dégâts mais ça n’a pas vraiment marché. J’ai hésité un moment avant de l’accrocher au mur. Néanmoins c’est très mignon et ce serait dommage de le jeter. »
Un téléphone portable (2003-2004, Croatie)
« C’était 300 jours de trop. Il m’a donné son portable pour que je ne puisse plus l’appeler. »
Une paire de talons rouges (2 ans, France)
« Nous nous sommes rencontrés au travail il y a 20 ans. Je suis tombée amoureuse de lui dès le moment où je l’ai vu et je n’ai jamais cessé de l’aimer. À ce moment-là, il a rencontré une fille et a eu un enfant et j’ai moi-même eu deux enfants. Nous étions très bons amis et ce qui devait arriver arriva ! … Il quitta sa femme et j’étais déjà séparée du père de mes enfants. Nous avons eu une histoire très forte, pleine de voyages et de moments intenses, il a trouvé une forme de liberté en ma compagnie, mais comme Catherine Ringer le dit si bien “les histoires d’amour finissent mal en généraaaal”… Il m’avait acheté ces chaussures dans un sex-shop à Pigalle… »
Un string en bonbons toujours dans sa boîte (2004-2008, Suisse)
« C’est ce qu’il pensait être “romantique” — un string en bonbons. J’ai ri mais je ne l’ai jamais sorti de l’emballage. Il ne m’a jamais acheté de fleurs car les fleurs, disait-il, sont pour les gens ennuyeux. À la place, j’ai eu des saucisses ou des équipements pour mon vélo. Je m’en fichais car je l’aimais. Après quelques années, il s’est avéré aussi naze et minable que ses cadeaux. Il m’a trompée avec une collègue de bureau et m’a larguée par email. »
Une carte d’identité française (1980-1998, Slovénie)
« Le seul vestige d’un grand amour est une nationalité. »
Une boîte en allumettes (1973-2000, Slovénie)
« Vlado me l’a fait après notre mariage, quand il était à l’armée. Après 18 ans de mariage, il m’a quitté pour une autre femme ; nous avons officiellement divorcé après notre 25e anniversaire de mariage. J’ai décidé de lui faire une surprise pour cet anniversaire. J’ai commandé un gâteau avec le chiffre 25 écrit dessus et le pâtissier l’a coupé en deux. Je lui ai envoyé la moitié avec le 25. Nos enfants ont fêté l’anniversaire d’abord avec moi puis avec lui. Sa petite amie et lui ont été très choqués mais ils ont quand même mangé le gâteau. Le gâteau est parti comme notre mariage. J’ai toujours la boîte, deux enfants et plein de souvenirs… »
Une robe de mariée (1995-2003, Croatie)
« Est-ce que je pourrai la récupérer si je décide de me marier à nouveau ? »
Pour en savoir plus sur le Museum of Broken Relationships, cliquez ici. Pour envoyer les cadeaux de vos ex, cliquez là.