Depuis plus de 30 ans, le photographe nantais Kevin Couliau écume les terrains de basket du monde entier. Petit frère de l’ancien skateur professionnel David Couliau, Kevin est passionné de basket depuis son enfance, et a entamé son incursion dans le milieu de la photographie en shootant son pote Hervé Conan, dunkeur de la Slam Nation. Dans les années 2000, Kevin traverse l’Atlantique et rencontre Bobbito Garcia, icône du basket new-yorkais. De cette rencontre naîtra en 2012 le documentaire Doin’ it In The Park, qui retrace l’histoire du basket de rue dans la grosse pomme. Aujourd’hui, Kevin continue de sillonner le monde en tant que photographe et vidéaste professionnel – pour le compte de grandes marques, de médias ou encore de la NBA.
Concevant le basket comme une religion, il reste constamment à l’affût de trajectoires singulières forgées dans l’asphalte. Dans le cadre de sa première exposition, « Sphère d’influence », il a sélectionné une cinquantaine de ses clichés – on en a profité pour lui demander de commenter quelques-unes de ses photos préférées.
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« C’est probablement ma photo préférée de l’exposition. C’était à Chicago en 2013, lors d’une projection de Doin’ It In the Park. Le terrain s’appelle Washington Park. Quand je suis arrivé, il y avait uniquement cette bande de jeunes à fond en 3X3. Ils ont le profil type du gamin de Chicago avec le regard très dur, la coupe de cheveux un peu années 1990, une paire de Air Force One pour l’un d’entre eux. Ils ont instinctivement posé avec cette attitude, je n’ai pas eu besoin de les diriger. Je suis en général fasciné par la capacité des gamins de New York et Chicago à poser de manière naturelle et créative. »
« Je suis resté une semaine à Hong Kong en 2013 pour sillonner les terrains. À mes yeux, c’est dans cette ville que se trouvent les plus beaux playgrounds. Leur densité architecturale, leurs couleurs et leur côté clean y sont pour beaucoup. Pour la petite histoire, j’ai géolocalisé ce terrain sur mon téléphone, mais j’ai mis près d’un an à le trouver. C’était avant la folie Instagram et les drones. En fait, il est situé au deuxième étage d’un parking, auquel on accède par un ascenseur. »
« C’est l’une de mes photos favorites. En 2014, j’avais accompagné l’international sénégalais Gorgui Dieng dans sa ville natale de Kébemer pour la rénovation de son terrain d’enfance. Sur cette photo, c’est le cousin de Gorgui, Adama Samb, qui pose. La photo illustre bien le slogan “Tradition in Transition” que je mets dans les expos. Ça renvoie à toute cette génération d’Africains qui accèdent aux sports américains et qui réinjectent de l’argent au pays pour aider la jeunesse avec des structures sportives. »
« Dans le cadre du documentaire Doin’ it in the Park, on a visité 180 terrains dans tous les quartiers de New York. Cette image a été prise à Brooklyn. C’est le type de playground qui a eu une belle vie dans les années 1980-90, avant de baisser dans l’estime des plus jeunes. Lorsque je me suis approché pour prendre cette photo, les pigeons se sont tous envolés. Je trouve cette image très poétique. Le basket étant un sport d’élévation, les pigeons renvoient à la facilité de dominer les airs. Ils apportent de la légèreté à quelque chose d’un peu difficile pour nous autres humains. »
« Cette photo a été prise à Clybourn Park, Chicago en 2015. Il s’agit d’un terrain notamment reconnu pour deux choses. C’est ici que les deux protagonistes du film Hoop Dreams (1994) font un 1c1. C’est aussi le terrain d’une photo connue où Jordan dunke au milieu de cinq joueurs avec un mur graffé derrière. J’ai eu beaucoup de chance de tomber sur ces deux gamins la seule fois où je m’y suis rendu. »
« Le playground de Bir-Hakeim dans le stade Émile Anthoine, au pied de la Tour Eiffel. Cette photo de 2015 a du sens, car le terrain a été récemment démoli pour être remplacé par un affreux city stade comme ça se fait partout. Or, ça a longtemps été la référence du street parisien. C’est un lieu historique pour plusieurs raisons : c’est sur ce panier qu’a dunké Wilt Chamberlain en 1958, et c’est le terrain d’enfance de Tariq Abdul-Wahad. À mes yeux, c’est le plus beau playground parisien. »
« Manille, 2013, pendant notre tour du monde pour Doin ‘it the Park. On parle toujours de New York, mais pour moi les Philippines sont la vraie Mecque du basket. Ils n’ont pas de moyens, les gamins sont en claquettes et la structure du panier est maintenue avec des gros cailloux. Ils ont une incroyable capacité à vaincre l’adversité et à jouer au basket par n’importe quel moyen. C’est le sport national – dans une même rue, tu peux trouver cinq paniers à quinze mètres d’écart. »
« C’était à Kampala, la capitale de l’Ouganda, pour les camps de Giants of Africa. Celui de 2017 s’est déroulé dans une école américaine avec ce playground collé à la piscine. On voit le paysage typique de cette partie de l’Afrique très tropicale avec une végétation luxuriante. Ça fait 15 ans que je sillonne le monde pour découvrir les plus beaux playgrounds et je n’ai découvert celui-là que cette année. J’ai pris une claque en voyant cet objet très clean dont on rêverait à Paris. »
« C’est un playground dans le New Jersey dont je ne donnerais pas le nom. Je laisserai les gens le chercher car on a mis pas mal de temps à le trouver. C’était pendant le tournage de Doin’ it, on cherchait un endroit pour filmer l’introduction du film. On a débarqué au lever du jour pour profiter de cette vue sur la skyline de Manhattan. On voit Bobbito shooter pendant que je prépare mon matériel. Cette photo a une symbolique personnelle pour moi, car je me remémore les semaines qui ont précédé cette séance matinale. »
« Sphère d’influence, Le basketball, ici et ailleurs » est à voir à la mairie du IXe arrondissement, à Paris, jusqu’au 30 septembre 2017.
Retrouvez le travail de Kevin Couliau sur son site et sur Instagram.