Quand la plupart des gens pensent à l’entraîneur allemand de Dirk Nowitzki, c’est le nom d’Holger Geschwindner qui vient en tête. Il fut le principal coach individuel de Nowitzki et son mentor. Cependant, l’entraîneur de Nowitzki dans sa dernière équipe allemande avant de partir pour les USA (l’Oliver Baskets Würzburg) a été Klaus Perneker, qui enseigne désormais la chimie et la biologie au lycée. Perneker est actuellement prof au Röntgen-Gymnasium à Würzburg, où, comme élève-enseignant, il a pu connaître Nowitzki qu’il aidait autant en chimie qu’au basket. On voulait savoir à quoi ressemblait le jeune Dirk Nowitzki quand il était étudiant.
VICE Sports: Comment avez-vous connu Dirk Nowitzki ?
Klaus Perneker : C’est une drôle d’histoire. J’étais professeur-stagiaire au Röntgen-Gymnasium en biologie et chimie. En tant que stagiaire, j’avais des heures d’observation à effectuer, que l’on fait les premières semaines. J’étais donc assis dans une classe de seconde, où il y avait Dirk. Il a posé une question durant la première heure de cours à laquelle j’ai assistée. C’était assez drôle à voir, parce que le professeur devait bien faire 1,67m à tout casser, et à côté il y avait Dirk, 2,03m, au tableau. La question n’était pas importante, mais l’image était assez marrante.
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Comment était Dirk à l’école en général ?
C’était un adolescent classique. En même temps, il pratiquait une quantité importante de sports différents. Il souffrait parce que sa vie n’était pas tellement structurée. Il jouait au tennis, au handball et au basket.
Quand avez-vous vu un changement ?
Il y a eu des différences notables dès qu’il a rencontré Holger Geschwindner et a pu se construire personnellement grâce à lui. Avant, c’était plutôt un étudiant un peu en dessous de la moyenne, qui avait pas mal de problèmes dans différentes matières en seconde. Je l’ai aidé en chimie et je l’ai amené à participer aux cours avancés de chimie par la suite. En mathématiques, Holger l’aidait, c’était aussi un très bon mentor.
Est-ce qu’il a donc eu son Abitur [l’équivalent allemand du baccalauréat] grâce à vous et Holger?
Au final, je dirais que c’est son attitude professionnelle l’a aidé pour son Abitur. Sa concentration et sa capacité à travailler dur, il a appris ça à l’école.
Quand avez-vous repéré pour la première fois les qualités sportives exceptionnelles de Dirk ?
En plus de l’équipement normal, on avait ajouté des rameurs en salle de musculation. Puis, on est allés sur le lac Tegernsee avec le club de voile et d’aviron de Munich. On a tous pris un bateau, et je sais pas si vous avez déjà essayé de ramer, mais vous finissez toujours dans l’eau la première fois. C’était comme ça pour nous en tout cas. La seule exception fut Dirk, qui était assis avec sa grande carcasse dans le bateau et qui semblait avoir fait cela toute sa vie. Chose importante à propos de ce voyage : à l’époque, on faisait attention à ce que nos joueurs ne soient pas trop gâtés. C’est pourquoi, on vivait vraiment dans les dortoirs du club d’aviron. On dormait sur des lits superposés en bois. Le luxe n’avait pas d’importance, il s’agissait de devenir de meilleurs sportifs.
Vous pensez que ces séjours ont contribué à lui donner cette mentalité de joueur d’équipe ?
Je pense que ça l’a aidé à internaliser le travail d’équipe très humblement. Il y avait d’autres basketteurs avec lui : Robert Garrett, Desmond Green, toute l’équipe nationale de l’époque. Ces moments avec ces mecs ont été une belle expérience de vie que personne ne peut lui enlever.
Comment est-ce que vous en êtes arrivés à être réunis tous les trois, Dirk, Holger et vous ? Vous ne l’aidiez pas qu’en sport, mais aussi à l’école…
Je connaissais Holger depuis longtemps. C’est aussi une drôle d’histoire. Pas loin de Bamberg, il y a un tournoi quattroball où vous pouvez jouer aux quatre sports principaux de ballon. Avec Dirk, on jouait tous les deux dans l’équipe “Barney Geröllheimer” qui consistait presque exclusivement de joueurs de première et deuxième division. Holger était toujours notre invité surprise, qui maîtrisait à la perfection les quatre sports et qui était un modèle pour nous. Avec Dirk, j’étais le co-entraîneur, puis l’entraîneur de l’équipe, alors qu’Holger était plutôt un entraineur individuel. Pour moi, c’était exceptionnel de travailler avec ces deux-là, que ce soit sportivement ou simplement comme personnes. Je pense qu’on était très complémentaire.
Pour boucler la boucle : savez-vous comment se sont connus Dirk et Holger ?
Holger a vu Dirk jouer, quand il était jeune, à Schweinfurt, et après cela il a travaillé avec lui. Les mérites du développement de Dirk, une histoire qui est désormais célèbre, reviennent à Holger Geschwindner. D’un côté, pour l’avoir structuré, et de l’autre parce qu’il a montré à Dirk comment exprimer tout son potentiel. Mais le jour où il a été élu meilleur joueur de la planète, c’était tout de même inattendu – même s’il était déjà extraordinaire quand il jouait pour Würzburg.
Est-ce que toute cette histoire n’a pas vraiment débuté grâce au Nike Hoop Summit?
Même avant cela, les entraîneurs de NBA et de BBL appelaient pour savoir si Dirk était si bon que ça. On a eu, par exemple, un tournoi aux Pays-Bas où il y avait des scouts des Philadelphia 76ers. On jouait contre l’équipe nationale U22 des Pays-Bas, et Dirk marqua les 28 premiers points de l’équipe de Würzburg à lui tout seul. Les adversaires savaient ce qui les attendaient mais n’arrivaient pas à l’arrêter. Les spectateurs étaient évidemment émerveillés. On a remporté ce tournoi, et après cela, le nom de Dirk Nowitzki était déjà sur toutes les lèvres. Le Hoop Summit a aidé, bien sûr, mais vous saviez d’avance qu’il pouvait faire des choses que d’autres ne pouvaient pas. Il n’a jamais été un grand athlète, mais a toujours eu le feeling et la coordination nécessaire pour ce sport.
Il y a eu beaucoup de choses qui ont été écrites à propos du deuxième Summit. Notamment que Dirk avait abandonné Würzburg après sa relégation.
Oui, je ne l’ai su qu’après, mais franchement : selon moi, c’était inespéré que Dirk ne soit pas parti deux ou trois années auparavant. Il avait déjà des offres de l’Alba Berlin et du Bayer Leverkusen à disposition, pour lesquelles il aurait gagné 20 fois plus que ce qu’il se faisait à Würzburg. Pour cette raison, il avait le soutien de tout le monde dans l’équipe et du staff, même si, rétrospectivement, ça a été présenté différemment. Je ne peux pas le critiquer là-dessus.
Le fait que Nowitzki soit un joueur loyal n’a pas changé jusqu’à aujourd’hui. Il aurait pu quitter Dallas aussi pour des raisons financières.
C’est pourquoi j’ai apprécié que les Mavericks remportent la bague de champion contre Miami. Les joueurs du Heat l’avaient provoqué avant la finale. Grâce à sa loyauté, la victoire de Dallas fut possible. Il est toujours aussi humble aujourd’hui.
Comment avez-vous vécu les play-offs depuis l’Allemagne ?
Ça a été génial à l’école. Pendant les play-offs, j’ai proposé de suivre les matches en direct dans la salle informatique. Puis, le lendemain, on portait tous des T-shirts blancs si Dallas avait gagné et des T-shirts noirs s’ils avaient perdus. A la fin, il y avait tellement de spectateurs qu’on regardait les rencontres dans la cafétéria du Röntgen-Gymnasium.
C’est quand la dernière fois que vous l’avez vu ?
On est tous les deux très occupés, mais la dernière fois qu’on s’est vus, c’était il y a deux ans dans un restaurant grec. On avait beaucoup de choses à se raconter. On s’estime beaucoup l’un l’autre, et même si nos chemins ne se croisent plus professionnellement, on n’a jamais perdu contact. Mais je sais que Dirk est une personne sur qui je pourrais toujours compter.